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Indre 1914-1918 - Les 68, 90, 268 et 290e RI
4 mai 2019

Du 4 au 6 mai 1916 . Tentatives de contre-attaque de la 17e DI, puis montée de la 152e DI.

La préparation par l’artillerie allemande commence le 3 mai vers midi. Un bombardement très violent est dirigé sur la partie du front comprise entre le ravin de la Hayette et la route d’Esnes à Haucourt. Il dure toute la nuit et la matinée du lendemain. Les tranchées sont nivelées, les pertes très lourdes. La compagnie qui occupe le bois Eponge, ne comptant plus à 21 heures qu’une vingtaine de combattants, est renforcée par un peloton de la compagnie de soutien de son bataillon. Au Crochet, les deux compagnies de 1ère ligne du bataillon Gobert (du 90e), réduites à 75 hommes, sont renvoyées dans la nuit à Esnes et remplacées par les deux compagnies de soutien.
Le bataillon Petit du 68e régiment, en réserve de brigade à Esnes, est porté en conséquence moitié, le 3 au soir, en soutien du bataillon Gobert, moitié, le 4 au matin, au réduit D.
Il est remplacé par le bataillon du 290e de Vigneville, qui atteint Esnes le 4 vers 10 heures.

 

positions_19160504

 

Sous la menace de l’attaque, une force a été poussée ainsi sur la contrepente de 304.
La réserve de division ne comprend donc plus par suite que 4 bataillons : le dernier bataillon du 290e qui est à Béthelainville, les 2 bataillons du 268e et le dernier bataillon du 90e qui sont en marche sur le bois de Béthelainville, ayant l’ordre de relever la nuit suivante le 68e régiment à la cote 304.
Alertée dans la matinée, l’artillerie du 9e CA, pour laquelle a été organisé un service de surveillance aérienne permanent (par avions et ballons) entame ses tirs de contrebatterie avec l’aide des groupements voisins
Elle prend à partie vers 15h30 une colonne ennemie entrant dans Cuisy. Elle effectue des concentrations de feux à 16h35 sur les ouvrages d’Alsace et de Lorraine. Elle enfile un peu plus tard les boyaux (de la Joliette et des Serbes) perpendiculaires au front d’attaque.
Les barrages de l’artillerie de campagne sont prolongés en profondeur par les batteries de l’AD18.
Vers 17 heures, l’aviation signale que les tirs français sont très bons.
Sans se laisser arrêter cependant par l’artillerie française, l’infanterie allemande s’avance dans un repli de terrain échappant aux vues latérales du bois Eponge et du Crochet.
Ses vagues d’assaut gravissent les pentes nord de la croupe 304, submergent la défense et ne sont retardées que par les bataillons postés sur les flancs du plateau, ou leurs débris. Plus à l’est, le bataillon Gobert conserve ses positions, Plus à l’ouest, la 18e DI (66e régiment) n’est pas attaquée.
Cette situation est mal connue du commandement. Les observatoires ont pu signaler il est vrai vers 16 heures des fusées rouges lancées à 304, ce qui a provoqué le déclanchement des barrages. On a perçu ensuite de la cote 310 (PC de la 33e brigade) le crépitement de mitrailleuses en action dans la direction du bois Eponge. Les observateurs ont pu rendre compte un peu plus tard de l’allongement du tir de l’artillerie allemande, qui se raccourcit bientôt d’ailleurs pendant environ une demi-heure pour s’allonger à nouveau
Rien n’arrive cependant du régiment intéressé. Isolé par le canon sur les pentes sud du plateau, le lieutenant-colonel Odent, commandant le 68e RI, semble en effet tout ignorer de l’attaque. Il donne à la nuit tombante ses ordres de relève et renvoie vers l’arrière les 2 compagnies du bataillon Petit, poussées le matin auprès de lui.
A 18h30, le colonel Lasson, commandant la 33e brigade, lui adresse par coureur une note.
« Je pense, lui dit-il, qu’un centre de résistance sérieux est organisé par vos soins sur la cote 304 avec les 2 compagnies Petit comme noyau principal contre les forces allemandes qui me sont signalées gravissant les pentes nord-est de la croupe.
3 compagnies de la 18e DI se portent de Pommerieux vers votre PC pour coopérer à votre action. Elles se mettront à votre disposition. Sur la demande de la 17e DI, la 18e DI a donné en effet à 17h35 l’ordre au bataillon Morand du 77e RI de se porter sur le réduit D.
Enfin, le 6e bataillon du 290e (bataillon Dupic) a reçu l’ordre d’appuyer ce mouvement des 3 compagnies précitées en se maintenant à leur droite afin d’exécuter le plus tôt possible une contre-attaque sur les forces signalées ci-dessus. Ce bataillon a comme axe de marche : cote 241 (nord d’Esnes), cote 234 (est de Souvin)
La compagnie du génie 2/7 avec un effectif de 200 hommes environ est mise également à votre disposition. Elle reçoit l’ordre de se rendre au sud et près de votre PC. Le lieutenant qui la commande va prendre vos ordres.
Je compte être très prochainement renforcé par le 5e bataillon du 290e (bataillon Beyler). Le général commandant la 17e DI pousse en avant les autres éléments de la 304e brigade ».

Cet ordre ne parvient qu’à 21h15 au lieutenant-colonel Odent, qui arrête aussitôt le mouvement des 2 compagnies du bataillon Petit et les reporte sur la cote 304. Le mouvement du 6e bataillon du 290e (bataillon Dupic), entamé à 17h&(, s’exécute en même temps : les 2 compagnies de tête (Poirier et Clech) atteignent le bois ne Peigne, d’où elles se portent à la droite du bataillon Petit ; les deux dernières compagnies prennent position sur le versant sud du plateau, à 50 mètres de la crête. Le réduit D est organisé par la compagnie du génie tandis que le boyau 304 est occupé par le bataillon de la 18e DI.
Une ligne de défense s’organise ainsi dans la nuit au contact de l’ennemi.
L’artillerie s’efforce en même temps d’empêcher l’adversaire de se renforcer. Elle bat les boyaux. Elle exécute, en dehors des barrages à la demande, des concentrations sur Malancourt, Haucourt et Béthincourt. Une section de campagne est portée au sud de Montzéville pour enfiler la vallée de la Hayette. Le colonel Gascouin prévoit une consommation pour la nuit, en dehors des barrages, de 3000 obus longs, 550 coups courts, 2500 obus de 75 destinés à l’exécution des tirs envisagés.
Alertées par le général Lancrenon, les réserves de division ont été portées en avant pour renforcer la défense, à partir de 17h30.
A 22h15, le commandant de la 17e DI, venu pour y établir son PC, à la cote 310, donne ses instructions en vue d’une contre-attaque générale, qui, si elle ne peut avoir lieu dans la nuit, sera reprise de toutes façons aux premières lueurs du jour. Elle sera exécutée simultanément par les lieutenants-colonels Carlier (commandant le 90e RI), Eggenspieler (commandant le 290e RI), Odent (commandant le 68e RI)
A l’est, le bataillon d’Orgeval (du 90e), partant du bois de Béthelainville renforcera la défense au Crochet et contre-attaquera l’ennemi dans son flanc gauche avec 2 compagnies.
Au centre, le bataillon Beyler (du 290e) se portera de Vignville, par l’est de Montzéville, droit au nord ; il agira directement sur le front en partant du boyau du Prado.
A l’ouest, les éléments déjà rassemblés à 304 attaqueront face au nord-est, dans le flanc droit de l’ennemi.
Les mouvements préparatoires s’exécutent sous le bombardement et de nuit.
Le bataillon d’Orgeval réussit à relever au Crochet les restes du bataillon Gobert épuisé.

A l’exception d’une compagnie, le bataillon Beyler ne peut pas franchir le barrage que l’ennemi maintient sur le ravin de la Passerelle. Il s’établit dans les tranchées en arrière du moulin d’Esnes (boyau de Miramas).
Seule la contre-attaque du lieutenant-colonel Odent est exécutée.
Après avoir rassemblé non sans peine 250 hommes environ (les 5e et 6e compagnies du 68e, la 10e compagnie du 77e, la 21e compagnie du 290e RI) et fait reconnaître par les capitaines Hème et Terrier la ligne allemande, le lieutenant-colonel Odent entraîne à 3 heures cette troupe disparate, en criant : « Allons, c’est le moment d’avoir du courage »
Accueillie par des tirs de mitrailleuses sur sa droite, la vague de tirailleurs se couche ; un deuxième bond lui permet d’atteindre le bord du plateau face au nord-est ; un troisième bond la porte sur la pente descendante. Là, elle est en butte aux barrages de l’artillerie et aux feux de mousqueterie allemands. Le lieutenant-colonel Odent, resté debout, est frappé d’une balle au front au moment où il entraîne ses hommes. Sur l’ordre de son capitaine adjoint, ces derniers regagnent alors leurs tranchées de départ, où les recueillent les éléments qui n’ont pas participé à l’attaque.

 

lange_colonelodent
Chef de corps du 68e RI qui tomba le 5 mai à la Cote 304

 

Ignorant encore l’insuccès de la contre-attaque prescrite, le général Lancrenon pousse à 4 heures sur la cote 304 le bataillon de tête du 268e régiment et fait occuper Esnes par le bataillon de queue. En marche la veille sur l’itinéraire route de Dombasle à Esnes par Montzéville pour effectuer la relève prescrite du 68e RI, le 268e RI a été averti à 22h15 que cette relève était différée. Un de ses bataillons a été porté à Esnes, l’autre maintenu à Montzéville.
Ce sont là les dernières réserves de la 17e division. Comme, dès 5 heures, le régiment disponible du 9e CA (135e RI de la 18e DI) a été dirigé sur le bois de Béthelainville en vue de son emploi éventuel dans le secteur attaqué, le commandant du groupement demande à l’armée, à 8 heures, la mise à disposition de deux régiments d’infanterie et de l’artillerie de campagne de la 152e division. Les 114e et 125e régiments enlevés en automobiles vers midi débarquent à partir de 15 heures au bois Saint Pierre (région de Blercourt) ; ils atteignent vers 19 heures le bois de Béthelainville, où ils reçoivent l’ordre d’entrer si possible en ligne dans la nuit même. Les 2 groupes de l’AD152, poussés également en avant, renforceront les barrages dans la partie est du front de la 17e division, en prenant position au bois de Lambechamp (1 groupe), au sud de Montzéville (2 batteries), vers la corne nord-ouest des bois Bourrus (1 batterie).
L’ennemi cependant, en dehors de son artillerie, montre peu d’activité sur le plateau où la défense s’organise en arrière de la crête.
Dès le jour, les lieutenants-colonels Mariani (commandant le 268e RI et Eggenspieler se sont portés en effet de leur personne sur la ligne de combat, suivis, l’un de son bataillon de tête, qui vient renforcer la ligne à 304, l’autre de son dernier bataillon (arrêté de nuit, on le sait, au moulin d’Esnes) qui parvient à franchir le ravin de la Passerelle et à s’établir à cheval sur le boyau du Prado. Ils remettent dans l’ordre, organisent la position, assurent la liaison.
Tous deux rendent compte vers 13 heures de la situation trop aventurée de leur PC qui est au réduit Odent (ancien réduit D) et de leur intention de le transporter sur la crête au nord d’Esnes. Une transmission très incomplète de ce rapport donne lieu à une interprétation fâcheuse de la situation. Le dernier bataillon de la 17e (le 6e bataillon du 268e RI) est porté sur la crête au nord d’Esnes (2 compagnies à 14 heures, les 2 autres à 19h30). 2 bataillons de la 18e division sont établis dans le boyau 3 en crochet défensif, face à l’est. La 152e division est mise enfin à la disposition du groupement Curé que la IIe armée renforce en outre d’un groupe de 155C (groupe Taton prélevé sur le 7e CA)
En réalité, gràce aux barrages de l’artillerie française et l’atttude des compagnies Poirier et Clech, les tentatives de l’ennemi sur la contrepente de 304 ont avorté. A la nuit, « la ligne française est toujours établie sur les mêmes positions que ce matin, écrit le lieutenant-colonel Mariani. La 1ère ligne est presque entièrement nivelée ; malgré les pertes subies, nous la tenons toujours. Le moral de la troupe est très bon, elle continue à tenir, matériellement elle est fatiguée par suite de l’impossibilité qu’il y a à la ravitailler en boisson.
D’après les dernières notes reçues, le 6e bataillon du 268e est monté sur la position. Si on devait encore envoyer d’autres troupes, l’accumulation serait trop grande, il n’y aurait pas de tranchées et boyaux pour abriter tout le monde … »

 

Une photo prise à la Cote 304 en ce mois de mai 1916 par le lieutenant Jabien du 268e RI, dans les détails du cliché les soldats, à peine visibles, apparaissent quasiment intégrés au sol bombardé, dans leur semblant de boyau supposé leur servir d'abri:

 

Jabien0005
cliché Jabien (AD36 - fonds CHARRAUD 53Fi)

Les soldats tassés dans le fond de leur tranchée
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 La 17e division est donc complètement engagée au contact de l’ennemi, sans unités en soutien, incapable par conséquent d’un effort soutenu en profondeur : il importe de la remplacer.
Mais l’heure tardive à laquelle est donné l’ordre à la 152e division de la relever ne permet pas d’exécuter les mouvements prescrits. Le 114e régiment s’échelonne dans la nuit entre le réduit Odent (1 bataillon), Esnes 1 bataillon, Montzéville (1 bataillon). Le 125e régiment s’établit entre la tranchée d’Aix et le boyau de Miramas. Les 2 groupes de l’AD152 atteignent Ville-sur-Cousances.
La relève est exécutée la nuit suivante (du 6-7) ; seuls des éléments du 290e régiment restent mélangés aux unités de la 152e division au bois le Peigne d’une part (1 compagnie du 6e bataillon), aux abords du boyau du Prado d’autre part (fractions de 2 compagnies du 5e bataillon)
Le 7 au matin, la tenue du secteur est assurée de la façon suivante par l’ID152 :

 

  • 3 bataillons en 1ère ligne : Le bataillon Durand du 114e RI sur la contrepente de 304 ; les bataillons Quillet et Baffet du 125e RI plus à l’est et au crochet

  • 1 bataillon sur la cropue au nord d’Esnes (le bataillon Conscience du 114e RI) et 1 bataillon au boyau Miramas (le bataillon Berthoin du 125e RI)

  • 1 bataillon en réserve de division : le bataillon Gigot du 114e RI à Vigneville

 

Le dernier régiment de la 152e division reste en réserve de CA au bois de Béthelainville.
Le colonel Paquette, commandant l’ID 152, a pour mission de se créer une base de départ en vue de la reprise du terrain perdu. Il n’y a pas une minute à perdre si on veut empêcher l’ennemi de se consolider. Les opérations doivent être menées soit par surprise, soit avec l’aide de l’artillerie. Il ne faut engager que des effectifs peu nombreux, très mordants.

 


SoldatTranchée

 

Clichés: Collection de l'auteur
Sources :
« Les combats de la cote 304 en mai 1916 » –Capitaine Laxagne – Revue Militaire Française
« L’attaque principale allemande contre la cote 304 » - Albert Lange –Editions Berger Levrault

 

 

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