A l'instruction
A proximité de nos cantonnements fonctionnait un centre d'instruction d'armée. Il était dirigé par le Lieutenant-Colonel d’infanterie coloniale Jacobi. Nous étions rattachés à ce centre et nous devions faire de l'instruction pendant tout notre séjour à Remoncourt et environs. Cette mise à l'instruction nous parut un peu suspecte, d'autant plus que des rumeurs de dissolution se propagèrent dans les deux régiments, 268e et 290e. Ces bruits me parurent d'autant plus fondés que peu de temps après notre arrivée, le G.A.E. m'avait invité reverser nos équipages. C'était un très mauvais présage. Je me suis alors rappelé la maxime du Commandant de La Bastide qui ne voulait jamais exécuter un ordre avant d'avoir contre-ordre. Dans la circonstance je fis comme lui, et j’attendis le contre-ordre.
En attendant nous nous mîmes à l'instruction avec le plus grand zèle.
J’établis un programme d'instruction générale qui servit de base aux programmes hebdomadaires que devaient établir les chefs de bataillon et les Commandants de compagnie. Je touchai là à un point de l'instruction de la troupe, que mes commandants de compagnie, dont aucun n'était de carrière, avaient ignoré jusque là, c'était l'établissement de programmes d’instruction méthodiques et complets tels qu'on les établissait à la caserne en temps de paix. Les premiers programmes qui me furent adressés laissaient évidemment à désirer, comme tout travail de débutant. Mes officiers avaient beau être dans leur cinquième année de guerre, les méthodes d'instruction avaient encore des secrets pour eux. Les qualités pour faire un bon instructeur sont tout autres que celles qui sont nécessaires pour conduire sa troupe au feu. J'ai du reste eû l'occasion pendant la campagne de constater l'exactitude de cet aphorisme. Malgré qu’ils ne fûrent par des professionnels, mes Commandants de compagnie firent de rapides progrès dans l'établissement de leurs programmes. Au bout de peu de temps ils étaient au point. Pour que nos moyens d'instruction fussent au complet, il nous manquait un champ de tir. Nous eûmes vite fait d'en organiser un dans une vieille carrière. La carte au 80000e nous a suffi pour en établir le régime, nous n'éprouvions aucun besoin de remplir toutes les formalités prévues au B. O. du temps de paix. Nous avons tiré tous les jours pendant au moins un mois; il n'y eut ni accident ni incident.
Un jour que je reçus de nouveau la visite d'un officier du G.A.E., il me demanda si nous avions encore nos équipages. Je lui répondis que nous les avions toujours. « Tant mieux, s'écria-t-il, on ne sera pas obligé de vous en redonner. » Il m'annonça ensuite que nous allions faire un mouvement pour nous rendre dans les Vosges. Je me félicitais d'avoir suivi le précepte du Commandant de La Bastide. On aurait peut-être eu la possibilité de me redonner des voitures convenables, mais je n'aurais plus reçu des attelages comme ceux que nous avions.
Sources: Colonel Eggenspieler - le 290e RI, un régiment de réserve du Berry
Un groupe de mitrailleurs du 90e RI à l'instruction avant 1914.
Réservistes, ils seront vraisemblablement affectés au 290e en aout 14
Merci à Emmanuel