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Indre 1914-1918 - Les 68, 90, 268 et 290e RI
23 août 2010

La 1ère Cie du 90e RI - Des Ardennes à la Marne (23/08/1914)

23 aout 1914 (30 Km)
2 heures, alerte. Départ direction GEDINNE. Nous passons à HOUDREMONT bondé de troupes, puis entre LOUETTE-SAINT-PIERRE et LOUETTE-SAINT-DENIS où sont campés deux régiments de cuirassiers. Nous croisons des files interminables de convois de toute nature, et quelques prisonniers. Le bruit du canon augmente d'intensité. Les estafettes galopent en tous sens. Subitement, une violente fusillade éclate tout près et nous voyons passer , à brides abattues, un peloton de hussards qui se replie. "Les voilà", nous crient-ils. Et le régiment qui est en colonne de route ! Nous nous jetons dans le bois à notre droite. J'arrive au château de GEDINNE où je me trouve en liaison avec des fantassins du 9ème d'infanterie.
Les hommes sont terrés derrière les arbres, le nez contre la terre, le sac sur la tête. Les balles sifflent et frappent les trons d'arbres avec un bruit sec. On ne voit rien. Impossible de rester là; les Allemands pourraient arriver à dix mètres de nous sans qu'on les voie.
Je ramène mes hommes derrière une haie en bordure de la route, et à 1500 mètres nous voyons les Allemands dévaler la cote 367 en lignes de tirailleurs, comme à la manœuvre. On les aperçoit un instant puis plus rien. Ils se sont couchés dans les betteraves. Une minute , puis ils reparaissent pour s'aplatir 100 mètres plus loin. Et toujours il sort de nouvelles vagues de derrière la crête. Je fais faire des feux de salve, mais sans aucune efficacité probablement. Les balles sifflent de plus en plus. Peu de pertes: 1 tué à la section voisine.
Les obus commencent à éclater, les premiers que nous recevons depuis le début de la guerre, des 77 qui éclatent haut (10 à 15 mètres).
Je reçois l'ordre de repli et viens occuper le cimetière de HOUDREMONT. Je fais crèneler le mur. Mais les obus nous y suivent; démolissant les monuments et faisant sauter les cercueils. Autour de moi, les autres unités se replient. je rejoins mon bataillon et nous reculons vers NAFRAITURE, où nous occupons des tranchées en avant du village, et à 200 m de la lisière d'un bois dont nous surveillons le débouché. La faim se fait sentir.
A 14 heures, des patrouilles ennemies apparaissent à la lisière du bois, tout près de nosu, car notre position n'est pas fameuse.
Les obus commencent à pleuvoir sur notre droite, en direction de BIEVRES, BELLEFONTAINE. Nous apercevons des centaines de petits flocons blancs d'éclatements au-dessus des arbres.
Soudain, à 18 heures, le repli des troupes de droite nous oblige à en faire autant. Mais les 4 compagnies du bataillon, au lieu de se retirer séparément de façon à ne pas attirer l'attention de l'ennemi, ce qui était possible car la nuit commençait à tomber, décrochent ensemble.
Les Allemands s'en rendent aperçoivent, et nous sommes accompagnés d'une grêle de balles et de quelques obus. Des cris malencontreux de "pas de gymnastique" jettent un certain désarroi dans les unités, et ce n'est pas sans peine que je réussis à maintenir l'ordre dans ma section. Nous traversons NAFRAITURE abandonné par les habitants. Au bout d'une heure, nous nous arrêtons dans une clairière. Il fait nuit noire. Les hommes sont éreintés et ont faim.
Dans le lointain des lueurs rouges montent dans le ciel. C'est NAFRAITURE qui brûle. Puis d'autres foyers s'allument, et bientôt l'horizon est jalonné par une ligne de feux. Nous regardons, la rage au cœur,la gorge serrée ...
Nous passons toute la nuit sur cette route de VRESSE. A notre droite, un ravin à pic, à gauche la forêt. Nous avons quitté notre clairière. Les Allemands étaient à nos trousses. On les entendaient parler. Tout à coup, à notre gauche, nous entendons des cris: "En avant! A la baïonnette!" et une fusillade effrénée éclate. Que se passe-t-il? Personne n'en sait rien. Tout un régiment est là, couché,  et l'on entend rien, on ne voit rien.
Et nous reprenons notre marche; on marche 10 minutes. Puis une halte. Pourquoi? On l'ignore. Les hommes tombent comme des masses. Il faut les remettre debout pour repartir. heureusement la perspective d'être prisonnier ne sourit à aucun et ils marchent ... ils marchent toujours.
Enfin le jour parait. Quel soulagement! Quel cauchemar nous avons vécu cette nuit! Nous voici à VRESSE.
Pas de distribution.

19140823

 

Sources:
Général Carpentier 'Revue Militaire" du 25 février 1954 (n°228)

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