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Indre 1914-1918 - Les 68, 90, 268 et 290e RI
24 mars 2018

Le capitaine Bouverat et les bleus de la classe 1918 du 68e RI. [Réactualisation 2020]

Collectionner des cartes photos ayant rapport avec les unités du département de l'Indre est une passion qui prend du temps mais surtout demande de la patience. Parfois certains achats sont quelques peu foireux et parfois on tombe sur des pépites insoupçonnées. Concernant ces clichés, ceux ayant trait aux périodes dans la Zone des armées sont relativement rares. Par contre, il est courant de trouver des clichés ayant trait à la période d'instruction, lors de séjours à l'arrière, périodes plus propices à se faire tirer le portrait en individuel ou en groupe.

Il y a quelques temps, un lot de 2 clichés m'avait intrigué:

RI068_Classe1918_Encadrement2 RI068_Classe1918_instruction2

 

Il s'agit de 2 cartes du 68e RI, la première correspond à un groupe de gradés posant dans une caserne, la deuxième représentant un groupe de soldats avec certains des gradés du premier cliché. Ce qui m'attira fut les uniformes des soldats de la 2ème photo.
Les soldats sont équipés d'une vareuse de début du conflit (Gris de fer bleuté - GBDF) et portent des képis bleu horizon (BH). Fait intéressant, les soldats portent des pattes de col "jonquille" donc de couleur jaune. La carte "officiers et sous officiers" les montrent quasiment tous équipés de drap BH, à l'exception de quelques uns (grades subalternes).
On ne peut se tromper ces clichés sont bien du même photographe, pris au même endroit, le décor d'arrière-plan est le même et pris vraisemblablement le même jour, d'ailleurs le vendeur présentait ces 2 cartes en lot.

Ces 2 clichés étaient-ils datables?

Capture


L'apparition d'éléments BH, permet une datation à minima mi-1915. On note aussi la présence de Croix de guerre sur certains uniformes, nous sommes donc après le mois d'avril 1915 qui institua le port de la Croix de Guerre.
Les pattes de col "jonquille" furent celles de l'infanterie de novembre 1914 à avril 1915. Or il n'est pas rare de voir de tels écussons, dans les dépots, un peu plus tard que ce mois d'avril. On notera l'utilisation des "ersatz" de ceinturon, ici en toile. A partir du 15 mai 1915, leur usage est réservé aux dépots et est interdit en ligne.
Malheureusement, il est assez compliqué d'aller plus loin, en l'absence de toute annotation effectuée au verso des clichés.

Peut-on définir le lieu?

Sans trop de doutes, on peut déterminer que le lieu de prise de vue est situé dans une caserne, donc vraisemblablement à la caserne Chanzy du Blanc (36), d'autant que le dépôt du 68ème RI (voir ci-dessous) était constitué de baraquement provisoires.
L'appel des classes s'effectue tout d'abord au sein de la caserne du régiment, ensuite au bout d'un certain temps de formation, les recrues sont déplacées vers les dépots de régiment. Les dépots des régiments de l'Indre étaient situés autour du camp du Ruchard (Indre et Loire) comme je le signalais dans un ancien message http://indre1418.canalblog.com/archives/2010/09/30/19053474.html De là, les recrues allaient alimenter les régiments, les dépots divisionnaires.

57001110_p 57001034_p
Les dépots des 68e et 90e RI (Saint-Epain et Chapelle de Cheillé)

En 2014, j'avais présenté ainsi une carte concernant la 38e escouade du 90e RI qui représentait la classe 1916 à Châteauroux (qui avait hâte de partir) http://indre1418.canalblog.com/archives/2014/02/27/29324156.html

94185235
Classe 1916 juste avant leur départ de Châteauroux

Un rebondissement:

Une récente trouvaille me fit progresser dans l'identification de ces deux clichés, puisque dans une foire aux vieux papiers, je trouvais non pas un des deux clichés, mais les deux à nouveau dans un même lot, et cette fois une surprise m'attendait.
L'explication est marquée directement sur une des deux cartes.

RI068_Classe1918_Encadrement1 RI068_Classe1918_instruction1_Recto


Le cliché "officiers - sous-officiers" est légèrement différents entre les deux cartes. Le cadrage est désaxé sur la gauche pour la 2ème version et un des officiers du premier rang (le 3ème à gauche) a changé légèrement de position, décroisant ses bras. Concernant le cliché "soldats" le cliché est exactement le même, seul le cadrage est différent et permet de mieux visualiser les soldats de gauche dans la deuxième version.

Maintenant, nous savons donc à la lecture du recto de la 2ème carte "soldats" qu'il s'agit de la Classe 1918.
Ceci change carrément la datation possible. Pour cela, je vous invite à visiter le site d'Arnaud qui est la référence dans ce domaine et de découvrir son article sur l'incorporation des classes 1911 à 1919: http://combattant.14-18.pagesperso-orange.fr/Pasapas/E402mob2.html

La classe 1918 qui devait à l'origine être appelée en octobre 1918, fut appelée théoriquement le 16 avril 1917. Ces clichés datent donc de cette date. Il est intéressant de voir qu'en 1917, on continue d'utiliser les stocks d'habillement du début du conflit. Cet équipement sera échangé pour une tenue plus "académique" et entièrement en BH, au fur et à mesure de l'avancement de la formation.

Une autre surprise fut de découvrir que le 2ème cliché "Soldats Classe 1918", non seulement avait un titre au recto, mais au verso se trouvait la liste des soldats.

RI068_Classe1918_instruction1_Verso

Voici la transcription de la liste visible sur le verso de la carte ci-dessus, non compris les encadrants:

Rousseau C. - Séché - Richet - Rousseau N - Wurtz R - Annault - Guichard V - Grelet H - Lhuillier J - Vergne M - Robert - Vinet R - Langlois A - Bertrand A - Pirot J - Pommé A - Laurendeau - Tuault P - Giraud L - Perriot P - Malbran E - Malasene - Hucault - Landoyer R - Giraud M - Vincent P - Lourdault M - Pagnard V - Richard - Capin - Larose - Joliveau - Lépy - Vincendeau - Gourry - Perrin H - Legros F - Olivier F - Ardon H - Vinatier S - Pornet S - Lebled - Pineau L - Trouvé G - Turpeau F - Jolly - Portelon

Ceci allait permettre des identifications, non sur les positions des soldats sur le cliché, mais sur le parcours des soldats et des encadrants (officiers, sous-officiers et caporaux).

59 personnes composent le cliché "soldat" cependant seuls 56 noms sont répertoriés sur le cliché.

A partir de la liste nominative, est-il possible de déterminer des renseignements complémentaires?

L'identification des soldats:

Depuis 2006, j'ai établi la liste des Morts pour la France (MPF) du 68ème RI soit 3434 "morts pour la France" (et des autres régiments du département - 3538 MPF pour le 90ème RI), cette liste a d'ailleurs peu évoluée depuis 9 ans, seuls quelques rajouts ont été effectués.
La première chose à regarder est d'abord de comparer les MPF "classe 1918" de mon fichier avec les noms de la carte. Sur mes listes 33 "classe 1918" du 68ème RI qui furent déclarés MPF, aucun des noms ne correspond à la la liste de la carte. Par acquis de conscience, j'ai ensuite regardé dans la liste des MPF du 90ème RI, ce régiment faisant brigade avec le 68ème et ayant le même parcours. Là, trois cas qui correspondent potentiellement à des noms de la carte:

 

  • LANGLOIS Alfred Silvain:

Le soldat Alfred Langlois est né le 26/05/1898 à La Chatre (Indre), il est tombé le 25/08/1918 au ravin de Morsan qui se trouve sur la commune de Vézaponin dans l'Aisne (A noter que la fiche Mémoires des Hommes, indique le département de l'Oise). Il s'agit là des derniers grands combats de la 17e Division qui les menèrent jusqu'aux combats dits de l'Orme de Montécouvé.
Sa fiche matricule disponible sur le site des Archives Départementales de l'Indre (Classe 1918 Châteauroux R2517 Maticule 935 page 620) , nous permet de visualiser sa présence au 68e RI, puis au 90e RI.

AD36_FicMat_LangloisAlfred


Sa fiche MPF sur le site Mémoires des Hommes:
http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/fr/ark:/40699/m005239f15e5bea4/5242be9d84f7a

Il est à noter qu'Alfred Langlois figure sur le monument aux morts et le livre d'or de la commune de La Chatre. La préfecture de l'Indre adressa à la mairie un diplome de Mort pour la France afin que celui-ci soit remis à la famille. Mais surtout, que cette dernière rapatria au pays le corps du défunt et ce dès le premier convoi qui arriva dans le département le 17 mars 1921, la dépouille repose aujourd'hui au carré militaire de La Châtre (36)

La Châtre 14-18 (25)
Cliché Alain Bréjaud

  • TROUVE Gaston:

Le soldat Gaston Trouvé est bien le bon soldat. A partir de sa fiche MDH, il est possible de trouver sa fiche matricule aux Archives départementales des Deux Sèvres. Le recrutement indiqué sur la fiche est Parthenay, mais la réalité des registres sur le site des AD79 lui attribue un recrutement à Niort. Sa fiche est bien la n° 72.
Au regard des données présentes sur cette fiche, il apparait qu'il est d'abord affecté au 68ème RI à compter du 3 mai 1917 et qu'il est ensuite affecté au 90e RI à la date du le 1er décembre 1917.

CaptureFM_Trouve1Ces données sont très intéressantes car elles permettent une fourchette haute et basse concernant les dates de prise de vues des clichés trouvés, soit entre le 3 mai 1917 et le 1er décembre 1917, date à laquelle il rejoint le 90ème RI.

Gaston Trouvé décèdera des suites d'intoxication par les gaz à Neuilly sur Seine (92), à l'hôpital auxiliaire n°55 (52 Boulevard d'Argenson soit l'actuel centre hospitalier de Neuilly).

Sa fiche MPF sur le site Mémoires des Hommes:
http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/fr/ark:/40699/m00523a02d876db2/5242c0b254ee5

Gaston Trouvé figure sur les monuments aux morts d'Augé et de Verruyes (79). Il figure aussi sur les plaques commémoratives des églises de ces 2 communes.

 

  • VINATIER Réné:

La fiche matricule du soldat René Vinatier vient confirmer les données trouvées sur celle du soldat Gaston Trouvé. Dans ce cas, il s'agit de la fiche n°592 du recrutement Niort de la classe 1918.
Lui aussi est d'abord affecté au 68ème RI à compter du 3 mai 1917 et ensuite affecté au 90e RI à la date du le 1er décembre 1917.

René Vinatier succombera le 28 mai 1918 à Provins (60) au sein de l'hôpital complémentaire n°3 des suites d'une broncho-pneumonie.

 

Est-il possible de retrouver les autres noms? Certainement, mais cela demanderait beaucoup de temps. Il serait tout d'abord nécessaire de déterminer quels sont les Bureaux de recrutement qui, pour la classe 1918, furent affectés au 68ème RI. Les 3 cas ci-dessus nous donnent déjà des indications d'origine liées à la 9e Région Militaire (Chateauroux et Parthenay-Niort).
Si je regarde la liste des 98 MPF classe 1918 des 68ème et 90ème RI, j'obtiens dans l'ordre décroissant:

CaptureClassementBureauxRecrutement

Cela me donne donc une liste de 14 bureaux de recrutement, à minima, dans lesquels il faudrait chercher les fiches une à une, tout en ne connaissant que le nom et parfois l'initiale du prénom. Comme de plus les fiches matricules de l'Indre (Le Blanc et Chateauroux) ne sont pas en ligne, je préfère m'arrêter là dans cette étude de recherche (Peut-être un jour, je reviendrais dessus).

 

L'identification de l'encadrement:

CaptureEncadrement

La liste de noms nous indique dans l'ordre des grades: Capitaine BOUVERAT, Sous-lieutenants GENTILLEAU et LOUIS, Adjudants CORON et DELALIEU, sergent DEPOND, caporaux RAGOT et SAUVAITRE
Sur le cliché, les grades sont répartis en fonction de leur niveau en partant du centre, donc du chef. nous avons ainsi de gauche à droite:
1 caporal, 1 adjudant, 1 sous-lieutenant, 1 capitaine, 1 sous-lieutenant, 1 adjudant, 1 sergent, 1 caporal.

Les seuls aisément identifiables sont le capitaine BOUVERAT et le sergent DEPOND, ceux-ci étant les seuls dans leur grade.

  • Le capitaine BOUVERAT:

CapturePouverat


Il est facilement reconnaissable par son uniforme, au passage on notera la présence sur sa manche gauche de brisques de présence au front. Le capitaine Bouverat est aussi celui dont il est le plus facile de retrouver des traces. Un petit passage par Google permet de retrouver sa trace dans le Journal Officiel du 25 novembre 1917.

JO_Bouverat
Sources: Gallica BNF

Encore plus intéressant, comme le montre le cliché celui-ci est titulaire de la Légion d'Honneur. Il est possible sur le site Léonore de retrouver son dossier: http://www.culture.gouv.fr/LH/LH027/PG/FRDAFAN83_OL0342020v001.htm
On y apprend divers éléments d'Etat-civil, ainsi que la date de sa nomination à l'ordre de Chevalier de la LH (3 mai 1916. On y apprend aussi qu'il est titulaire de la Croix de Guerre, ce que confirme le cliché. A partir de ces données, il est aisé de retrouver sa fiche matricule (AD 01 - Recrutement Belley - Classe 1896, fiche n°665)

Ancien engagé au 23ème RI, en décembre 1914, sous-lieutenant, il est nommé au 68ème RI; il ensuite passe lieutenant puis capitaine (à titre temporaire). D'octobre 1917 à mars 1918, il passe au 90ème RI et revient au 68ème RI. A la fin du conflit, il retourne au 23e RIoù deviendra capitaine à titre définitif en 1920. Il déccèdera en 1923 à l'hopital de Belfort.
Il est titulaire de plusieurs citations à l'ordre du 68ème Ri et de la 17ème Division.

  • Le sergent DEPOND:

CaptureDepond

En l'absence d'autres indications, il est difficile de retrouver trace de lui. Malgré cela, il est remarquable de noter la tenue de celui-ci. Le haut de l'uniforme est conventionnel, mais le pantalon est quelque peu non réglementaire.

La carte des officiers et sous officiers:

RI068_Classe1918_Encadrement2

Vraisemblablement, nous sommes là devant l'encadrement d'une Cie d'instruction du 68ème RI. Nous retrouvons les cadres présents sur l'autre cliché, hormis les 2 caporaux. Ceci est compréhensible, les caporaux sont des militaires du rang et ne font donc pas parti des sous-officiers.
Si les hommes présents sur ce cliché sont effectivement les formateurs des jeunes de la Classe 1918, il est à noter que nombreux sont les détenteurs de médailles et de chevrons de présence au front et que ceux-ci mettent facilement en avant ses insignes de leur passage au front. A nouveau on notera la diversité des effets militaires surtout concernant les draps utilisés, sans oublier qu'en 1917, cela fait déjà quelques temps que le drap Bleu Horizon est généralisé, mais au final seulement au front. L'intendance a encore quelques vieilles tenues à refourguer.

Si le capitaine Bouverat est facilement identifiable au centre du cliché on reconnaitra d'autres têtes dont le sergent Depond, moustaches au vent, quasiment au dessus du capitaine Bouverat.

Malheureusement malgré toute cette étude, nous ne connaissons pas le numéro de cette compagnie.

Toute cette étude m'évoque un vieux cliché du 68ème RI que j'avais en stock depuis pas mal d'années et que je ne pouvais pleinement commenter, mais que je ne peux m'empêcher de vous présenter ci-dessous afin que vous fassiez vous-mêmes le parallèle avec le premier cliché présenté:

RI068_GroupeSoldats

Nous avons typiquement des très jeunes recrues qui portent la même tenue que sur le cliché "Soldats Classe 1918" que je présente plus haut. La seule différence notable est constituée par la couleur BH des bandes molletières. Ce cliché est plus informel et les pauses sont plus fraternelles que sur le cliché précédent. Sommes-nous encore au temps de l'instruction à la caserne? Sommes nous au temps de l'instruction au dépot? Je ne sais et l'absence d'annotations au verso ne permet de le dire.


 

Réactualisation mars 2018

Suite à la publication, Philippe Turpeau m'a contacté pour m'annoncer qu'il avait reconnu son aieul Fernand TURPEAU sur le cliché.
Originaire des Deux-Sèvres, il a donc entrepris une recherche se disant que son aieul avait peut-être des copains de recrutement sur ce cliché.

Voici le mail que me fit parvenir Philippe:
Mon grand père est sur cette photo TURPEAU Fernand né le 21 aout 1898 il est incorporé le 3 mai 1917 au 68RI puis passe le 1 dec 1917 au 90RI. Il a été blessé le 29 aout 1918 à Montécouvé. J'ai trouvé les registres militaires de 15 personnes citées à l'arrière de la carte postale, ils sont tous des Deux Sèvres (bureau NIORT_POITIERS). ils ont été incorporés au 68RI (18 avril ou 3 mai) et passés au 90RI (1 oct ou 1 dec). j'ai un fichier résumant ces infos

Voici les 15 classes 1918 de recrutement Niort identifiés par Philippe:

Capture1

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21 mars 2018

Mars 1918, présentation des secteurs : Reichacker, Tête de Faux, Linge.

Dans un message précédent (écrit en 2008, il y a 10 ans donc), le colonel Eggenspieler avait raconté l'arrivée dans les Vosges. Je me limite à citer les passages clés du livre du colonel Eggenspieler par manque de temps à consacrer à la rédaction des messages.
Avant de vous livrer le texte tel quel, je ne peux que vous conseiller de vous rendre sur le compte Facebook de Denis Souchaud. Kévin, au travers de messages quotidiens, nous fait revivre le parcours de l'année 1918 du 268e RI, le régiment jumeau du 290e dont le colonel Eggenspieler était le chef de corps.

https://www.facebook.com/people/Denis-Souchaud/100005381536365

 

Laissons maintenant la parole aux gars du 290e qui vous présentent le secteur qui va voir leurs derniers combats avant la dissolution qui adviendra en juin 1918:

Le 12 mars, l'E.-M. du régiment et le 5e bataillon se mirent en marche vers le Collet, par la merveilleuse route des lacs de Longemer et de Retournemer. Le 6e bataillon fut transporté par la voie étroite.
Le Collet était la partie du sommet des Vosges située immédiatement à l'Ouest du Col de la Schlucht. Il s'y trouvait un camp qui portait le nom de camp du Collet composé de nombreuses baraques dispersées sous les arbres. Dans ce camp étaient installés toutes sortes d'E.-M. et de chefs de services. Il s'y trouvait notamment le Général de Brigade commandant le secteur avec son E.-M. et le commandant de l'artillerie. Le Général de Brigade qui commandait au moment où nous sommes arrivés était un vieux Général quinteux, il était je crois du cadre de réserve. Il était détesté de son personnel. J'ai remarqué aussi que le Général de Division quand il venait dans le secteur ne s'adressait jamais à lui. Après notre entrée dans le secteur je ne l'ai plus revu. Il est parti définitivement quelques semaines après notre arrivée. Il a été remplacé avantageusement par un jeune colonel du nom de Cot qui devait compter de nombreuses campagnes coloniales. Sa tunique était barrée de trois ou quatre rangées de décorations, C'était un garçon calme et tranquille. Il venait me voir presque journellement. Il nous a quittés à son tour au bout d'un mois environ. J'ai fait l'intérim du commandement du secteur jusqu'à l'arrivée d'un nouveau titulaire. C'était un Général de Brigade de cavalerie qui était je crois également du cadre de réserve. C'était un homme charmant comme on sait l'être dans l'arme de la cavalerie. Il s'appelait Violand et était Alsacien comme moi. Nous parlions souvent du pays de l'autre côté de la crête et nous nous demandions si nous finirions par y descendre. J'ai correspondu avec le Général Violand encore longtemps après mon départ du secteur.
Dans le secteur du Reichacker nos lignes étaient à cheval sur la vallée de Munster. Elles partaient au Sud, du Klitzerstein, près de Muhlbach, passaient au Reichacker, traversaient la Fecht à Ampfersbach et aboutissaient au Nord, à Soultzeren. En plus du secteur du Reichacker nous avons occupé temporairement le "Linge", le "Immelinskopf" (1.215 mètres) au nord du lac Blanc et la "Tête de Faux" (1.219 mètres), au sud du Bonhomme.
A l'intérieur des lignes notre occupation était assise sur un fort massif de montagnes qui se détachait de la crête générale des Vosges au Hohneck, et dont l'extrémité Est aboutissait à Munster. Une série de sommets qui allaient en s'abaissant de l'ouest à l'est jalonnaient la crête du massif montagneux. Le sommet le plus élevé était le grand Hohneck (1.361 mètres), puis venaient le petit Hohneck (1.287 mètres), le Gaschney (1.090 mètres), le Tannele, le Sattel-Kopf et finalement le Reichacker.
Au Hohneck il y avait un observatoire doublé d'un poste d'écoute. J'y allais très souvent. J'y passais des heures à observer la plaine et le cours du Rhin dont je voyais miroiter la surface en certains endroits. Les Allemands s'étaient installés dans ce pays de force après leurs victoires de 1870, ils n'avaient donc rien à dire si nous y revenions par les mêmes moyens.
Mon P.C. était installé au Gaschney. Il y avait là un certain nombre de baraques édifiées par les chasseurs. Sur les pentes du Gaschney, plus bas que mon P.C. se trouvaient des parcs de voitures et d'animaux. Notre poste de secours régimentaire était installé dans une baraque très confortable au même niveau que mon P.C. Au Tannele était installé le camp Nicolas. La partie élevée de ce camp avait été détruite par un bombardement, sans doute au cours des combats du Reichacker. Sur le flanc Nord du Gaschney il y a eu autrefois des mines d'argent. Leur emplacement est marqué sur la carte des Vosges au 20.000e.

Eggen_P514
Carte du secteur Sources Col. Eggenspieler - Le 290e, un regiment de réserve du Berry (page 514)


Tout le massif montagneux qui s'étendait du Hohneck jusqu'à Munster était couvert de forêts magnifiques de sapins poussés droits comme des cierges. Le massif était bordé au Sud par la Grande Fecht qui passait à Metzeral. De notre secteur on ne voyait presque pas cette vallée. Au Nord le massif était borné par la Petite Fecht qui passait à Stosswihr dont nous aurons à reparler. Les deux Fecht, petite et grande, se réunissaient à Munster où elles formaient la Fecht proprement dite. Des hauteurs au Sud de Soultzeren on avait des vues magnifiques sur la vallée de Munster. Les Allemands nous empêchaient de voir à l'intérieur des rues de la ville en tendant d'énormes toiles successives à travers celles-ci. Dans la campagne au Nord de Munster on voyait les habitants travailler dans les champs. Ils savaient qu'ils n'y risquaient rien. Ils étaient aidés dans leurs travaux par des soldats dont on reconnaissait très bien les uniformes.

Munster_HotelAltenberg

A l'intérieur du secteur on peut citer comme curiosité l'hôtel de l'Altenberg, au bord de la grande route de Gérardmer à Munster et Colmar. Le bâtiment principal de l'hôtel était passablement démoli. Seul le sous-sol était encore en bon état. Toutes les pièces en étaient luxueusement carrelées en belle faïence de couleur. Les Allemands y avaient fait beau et grand. Au moment de notre séjour, l'hôtel ne servait plus que d'observatoire à nos artilleurs. Une autre construction, en terrain français celle-ci, était le chalet Hartmann. Il était placé juste au bord de la frontière et passait pour être un nid d'espionnage avant la guerre. Au col de la Schlucht il y avait avant la guerre l'hôtel français de la Schlucht et les bâtiments de la douane. Ils ont été entièrement détruits au début de la guerre. Un chemin de fer à voie étroite et à crémaillère permettait de se rendre de Munster à la Schlucht. Un tramway français prolongeait la voie ferrée depuis la Schlucht jusqu'au Hohneck. L'Empereur Guillaume y était venu avant la guerre.

Munster_Tramway1


Au Nord de la Schlucht nous avions comme point élevé marquant de la crête des Vosges, le Tanet (1.292 mètres) avec la Roche du Tanet. Un peu plus au Nord se trouvait le parc des Chiens de l'Alaska. Ce parc était dirigé par un lieutenant qui avait séjourné dans l'Alaska et qui y était retourné pour chercher les chiens. C'étaient des animaux superbes, genre chiens d'esquimaux. Ils servaient notamment en hiver au ravitaillement des troupes échelonnées sur la crête et les sommets du Nord du Tanet. En hiver ils étaient attelés au nombre de neuf à des traîneaux avec lesquels ils filaient comme le vent. Dans les autres saisons ils traînaient des petits wagonnets qui roulaient sur des rails. Leur élément favori c'était la neige. Ils sont logés dans des niches en bois humectées et sans paille, c'est ce qui convenait à leur tempérament.

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Sources Astouin et Izard "Train des Equipages et le service automobile pendant la Grande Guerre (insertion page128)

Sources: Collection de l'auteur et Colonel Eggenspieler - Le 290e, un régiment de réserve du Berry

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