Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Indre 1914-1918 - Les 68, 90, 268 et 290e RI
21 septembre 2005

Action de notre artillerie.

"Notre artillerie avait deux rôles : La protection des travailleurs et l'exécution des tirs de préparation.

Protection des travailleurs.
- Il était évident que notre ligne de tirailleurs ne pouvait pas garantir les travailleurs contre les tirs des Allemands. Pour cela, il fallait faire appel
au 75. Avec la vitesse et la précision de son tir, la puissance de ses projectiles et sa faculté de battre des fronts larges, il était capable de réduire au silence toute mitrailleuse dont on connaissait approximativement la position. Malheureusement, on ne put pas déterminer même approximativement la position de tir de tous les engins allemands. Comme, je l'ai dit, il y avait en face de nous, dans les lignes allemandes, le Bois de Blairville et dans ce Bois il y avait une grande carrière dans laquelle les Allemands pouvaient dissimuler et mettre à l'abri tout ce qu'ils voulaient et notamment leurs Minenverfer.

Tirs de préparation. - Nous disposions d'une artillerie nombreuse de petit et de gros calibre. Le stock de munitions devait être important aussi, car on a tiré presque sans interruption une huitaine de jours. Les tirs de préparation comportaient les tirs de brèche dans les réseaux allemands et les tirs de destruction sur les abris.

Tirs de brèche. - Ces tirs furent confiés au 75. Malgré les excellentes qualités de ce matériel, la tâche était ardue. Les Allemands avaient planté devant leurs tranchées des réseaux successifs de fils de fer, de hauteur variable. Comme les herbes étaient très hautes, les réseaux étaient noyés dedans, de sorte que l'observation des résultats du tir était extrêmement difficile. Au bout de plusieurs jours de tir les artilleurs ont déclaré que les brèches étaient faites. Pour en être bien sûr, on organisa des patrouilles de vérification, fournies à la fois par l'artillerie, le génie et l'infanterie. La patrouille de l'artillerie confirma l'existence des brèches. Celles du génie et de l'infanterie prétendirent qu'il n'y avait pas de brèches de bout en bout à travers les réseaux, mais seulement des places nues distantes les unes des autres, où les obus avaient fait sauter le réseau. On ne désigna personne pour départager les avis contradictoires. Du reste, quand l'artillerie a déclaré que les brèches étaient faites, elle était au bout de ses allocations de munitions.
C'est au cours d'une des patrouilles dont il est question que le Caporal Venin a obtenu la citation à l'ordre de l'Armée, dont on donnera le texte plus loin. Disons que le Général d'Urbal, Commandant la 10e Armée, est venu personnellement remettre la Croix de Guerre avec palme à Venin, quand nous étions à Bully-Grenay.

Tirs de destruction. - C'était l'artillerie lourde qui était chargée d'effectuer ces tirs. J'ignore sur quels objectifs elle a tiré, je n'avais, du reste, pas à les connaître. Je sais seulement qu'on n'a pas tiré sur les organisations allemandes qui se trouvaient dans le Bois de Blairville, sans doute qu'on aurait dépensé des munitions en pure perte. On s'était réservé ces organisations pour le jour de l'attaque. On les aurait alors neutralisées avec des obus toxiques, qu'on qualifiait du nom d'obus spéciaux P. On avait à ce moment encore des scrupules".

Sources: Colonel Eggenspieler - Un régiment de réserve en Berry 1936

Publicité
Publicité
14 septembre 2005

La 304e Brigade en ligne vers Rivière

Le 290e RI, formant la 304e brigade avec le 268e RI vient prendre la relève de ce dernier dans le secteur de Rivière. Voici comment le colonel Eggenspieler décrit ces mouvements:

"Le 10 (septembre), nous recevions l'ordre de relever le 268e, en ligne au sud-ouest d'Arras.
Le 11 , à 4 heures du matin, nous sommes enlevés en auto-camions. Par des chemins secondaires très difficiles, nous sommes amenés à Monchiet (10 kilomètres sud-ouest d'Arras) où nous débarquons. Nous entrons aussitôt dans un grand boyau, qui nous conduit à Basseux, où nous ressortons du boyau. Les localités de Mouchiet et de Basseux étant séparées par une croupe élevée, on avait creusé le boyau pour pouvoir aller d'une localité à l'autre, sans être vu des lignes ennemies. Malgré le boyau, le mouvement s'est fait successivement par compagnies, se succédant de cinq en cinq minutes. A Basseux nous avons repris les chemins ordinaires pour nous rendre à Rivière. Les guides du 268e se tenaient au château de Grosville, où était installé le P.C. du régiment.La relève se fit aussitôt. Elle était terminée à 11 heures du matin. C'est la première fois que nous faisions une relève en plein jour. C'est dire que le secteur était tranquille. Il était tenu avant nous par des régiments territoriaux. Le secteur était tellement calme qu'aux heures de repas les territoriaux ne laissaient dans la tranchée que quelques guetteurs, les autres hommes s'en allaient manger leur soupe au village. Notre entrée en ligne devait rapidement modifier tout cela.
Nous occupions un front d'environ 600 mètres face à Blairville et au Bois du même nom. Le sol était pierreux (calcaire), les tranchées et boyaux étaient très sains, il n'y avait ni eau, ni boue. On avait de bonnes vues sur le front allemand. A la jumelle on distinguait très bien le réseau de fils de fer. Il était particulièrement développé devant le Bois de Blairville. Dans notre secteur nous avions aussi un petit bois, appelé le Bois des Martinets. Il servait de repère aux Allemands pour le tir aux grosses torpilles. Ils les plaçaient tout autour du Bois et surtout sur la lisière postérieure par rapport à eux.
Pour commencer, l'occupation du secteur était la suivante :
En première ligne : les 18e et 22e.
En soutien : les 17e et 21e.
En réserve : les 19e et 20e, 23e et 24e.
Les compagnies en réserve étaient au repos à Rivière non loin de mon P.C. Celui-ci se trouvait au château de Grosville. Le bâtiment à notre arrivée était encore intact, mais les pièces du rez-de-chaussée et de l'étage étaient démeublées. Je me tenais dans une cave avec mon personnel. Le propriétaire, M. de Grosville, habitait une aile avec quelques domestiques".

eggen_p2601

.

Sources: Un régiment de réserve en Berry - Colonel Eggenspieler 1936

4 septembre 2005

Le coup passa si près que ...

Voici comment le capitaine Laurentin échappa de peu à la mort, et grâce à une pellicule:

"Je suis allé, ce matin, voir le travail au Poste 10, jusqu'à la parallèle la plus avancée en construction. J'y étais avec le général Néraud et le colonel Mariani. Je venais de tirer la dernière pellicule de mon Kodak et le général scrutait les tranchées d'en face au périscope. Mon appareil photo me sauva la vie.
Les Allemands avaient vu sans doute notre arrivée, et le périscope leur permit de déduire la présence d'un chef. Tandis que le général observait, je pensais que je pouvais mettre une nouvelle bobine de pellicules; j'étais à dix pas de lui; devant moi, un petit abri était creusé sous le parapet, dans le tuf de la tranchée. Je m'y enfonçai, jugeant que l'ombre de l'abri préserverait mes pellicules d'un voile que le soleil pouvait occasionner, même avec un appareil qui se charge en plein jour. J'ouvris mon appareil, je retirai la bobine des pellicules tirées. - "Boum!" Un obus éclate contre le parapet dont les pierres me tombent sur le dos. Une claie, posée à cet endroit, est projetée dans la tranchée.
Sans mon appareil, j'aurais été debout à ce moment-là et fatalement atteint. J'eus un peu de peine à finir mon opération (car les pierrailles avaient sali mon appareil, tandis que les Boches continuaient leurs salves, dont les autres coups, d'ailleurs, me furent moins directement adressés que le premier.
"Pas un cheveu ne tombe de notre tête, sans la permission de Dieu..." Pour préserver ce cheveu, il a suffi d'une pellicule de  ... Vest Pocket Kodak!"

 

Sources: Carnet d'un Fantassin de 1914 - Maurice Laurentin - Arthaud 1965
Historique Kodak: http://www.collection-appareils.com/kodak/html/vest_pocket.php

3 septembre 2005

Rivière - Travaux de première ligne

"Les travaux ont été poursuivis cette nuit devant la première ligne, sous un feu assez gênant d'obus de tous calibres (105,88,77 et plus petits), de mitrailleuses et de mousqueterie. Le lieutenant Renaud et un soldat ont été sérieusement blessés.
Les Allemands, en face, se fortifient. On les entend frapper sur des piquets, par lesquels ils renforcent, sans doute leurs défenses de fils de fer. Ils piochent toute la nuit. Une patrouille qui protégait les travailleurs, a même vu nriller des cigarettes.
Les Allemands s'aperçoivent de nos sapes; leurs tirs et leurs patrouilles rendent difficile le travail. La position nouvelle est dangereuse. Le colonel a signalé par deux fois l'imprudence qu'il y a de placer des travailleurs à 300 mètres en avant de leurs camarades de la tranchée, qui ne peuvent plus tirer en cas d'attaque, alors qu'aucune position intermédiaire n'est établie, qu'aucune liaison n'est assurée. Le général Néraud n'a pas répondu. Je ne sais s'il la communiqué à la Division.

Pour les grands états-majors, ces considérations pratiques ne peuvent entrer dans la haute stratégie qui préside, je veux le croire, à leurs conseils.
Ils ne pouvaient non plus tenir compte de cette pluie, qui tombe sans pitié et se prolonge sans espoir, ajoutant aux frissons du danger ceux du froid et de l'humidité".

Sources: Maurice Laurentin - Carnets d'un Fantassin de 1914 - Arthaud 1965

riviere_bretencourt
Riviere - Bretancourt

1 septembre 2005

268e RI - Secteur de Rivière

Le 268e RI forme Brigade avec le 290e RI. Au sein de cette 304e Brigade, le capitaine Laurentin nous décrit le secteur de rivière:

"1er septembre 1915
Nous occupions depuis hier, devant Brétencourt-Rivière, un front de cinq mètres. Deux compagnies en première ligne, deux compagnies de soutien, le reste du régiment cantonné à Grosville-Rivière, autour du poste du colonel, qui loge au château.

riviere_chateaugrosville
Riviere - Chateau de Grosville

Depuis que les tranchées ont fixé le front à huit cents mètres devant Rivière, au mois d'octobre, la région est restée paisible comme à cent lieues de l'ennemi. Les placides territoriaux du 82e, que nous remplaçons, ont passé dix mois dans la même tranchée sans tirer sur la tranchée adverse, où, l'ennemi, à quelque cinq cents mètres de là, semble dormir aussi"

riviere_191506_11
Eglise de Rivière (62) - Juin 1915

Sources: Maurice Laurentin Carnets d'un fantassin de 1914

Publicité
Publicité
31 août 2005

Séjour à Lucheux.

"Le 31 (août 1915) au matin, nous nous sommes mis en route pour Lucheux, où nous sommes arrivés vers 12 h. 30. La localité était gentille avec un petit aspect de ville d'eau. Il y existait du reste une source et un petit établissement de bains".

resize_of_lucheux_sourcemoulinavent1

Lucheux (Somme) Source Moulin à Vent

"Les habitants nous ont accueillis très aimablement, quoiqu'ils eussent déjà à loger de nombreux médecins militaires appartenant à des formations sanitaires qui semblaient occuper la petite ville depuis un certain temps déjà. Nous ne devions pas y rester longtemps, mais à peine que nous y fûmes arrivés que le régiment fut empoisonné par une diarrhée dysentérique qu'il avait ramassée dans les tranchées des tirailleurs entre Steenstraat et Het-Sas. Plusieurs officiers ont été touchés, entre autres le Commandant de la Bastide et le Sous-Lieutenant Lebas. Ils furent évacués tous deux. Le Commandant de la Bastide fut remplacé par le Commandant Changeux, qui vint du 1er Colonial".

Eggenspieler - Un régiment de réserve en Berry Le 290e RI

30 août 2005

Cantonnement à Couturelle

"Le 30, la 152e D.I. est passée au 9e C.A. Nous devions le lendemain occuper une partie du front assigné au Corps d'Armée. Dés le 30 au matin, nous nous tenions prêts à partir. Toute la journée nous avons reçu des ordres et des contre-ordres.

Le Commandant de la Bastide n'a voulu transmettre aucun de ces ordres à son bataillon, sous prétexte qu'il ne fallait jamais exécuter un ordre avant d'avoir reçu le contre-ordre. Je rendais le Commandant responsable de tout retard que subirait le départ de son bataillon. Il tint bon et finalement il a eu raison de moi. Vers 10 heures du soir, il est arrivé un dernier contrordre qui a remis notre départ au lendemain".

Eggenspieler - Un régiment de Réserve en Berry Le 290e RI

28 août 2005

Retour en Artois

"Le 28 août, après deux mois de villégiature, nous quittions Wylder. Nous nous sommes d'abord rendus à Esquelbec, où nous nous sommes embarqués en chemin de fer. En direction générale nous roulions vers Arras. Nous avons débarqué à Mondicourt, au nord-est de Doullens et nous sommes allé cantonner à Couturelle et à Bellevue".

mondicourt_gare

Gare de Mondicourt

"A Couturelle nous occupions un château ancien, habité par son propriétaire, un officier supérieur de cavalerie en retraite. Il se mit en quatre pour nous être agréable. Nous y avons passé un dimanche et je me rappelle que pour distraire la population la musique a donné un concert devant le château. Il y avait du mouvement dans la contrée. De grand matin, j'ai vu le lendemain passer des régiments musique en tête".

Sources: Eggenspieler - Un régiment de réserve en Berry Le 290e RI

5 août 2005

De l'instruction pendant le repos

a) Tirs. - Le Général Néraud qui commandait la brigade était un fanatique du tir. Il avait raison. Les théories qu'il émettait quand nous échangions nos idées sur ce chapitre étaient celles que j'avais entendu professer dans les Ecoles de Tir du Camp de Châlons. Cela nous mettait parfaitement d'accord comme doctrine.
Les après-midi quand il faisait chaud on installait les hommes à l'ombre dans les vergers qui entouraient les cantonnements et on se mettait à répéter tous les exercices préparatoires de tir tels qu'on les pratiquait dans les cours des casernes en temps de paix.

Ces exercices trouvaient pour le moment leur consécration dans les tirs réels qu'on allait exécuter dans les fossés des fortifications de la petite place de Bergues, qui se trouvait à une dizaine de kilomètres de nos cantonnements.
Les jours de tir on passait toute la journée dehors. On déjeunait sur l'herbe, sur les glacis des fortifications.
On nous avait confié une mitrailleuse allemande pour permettre à nos mitrailleurs de se familiariser avec le tir de cette arme.
Les équipes de grenadiers se sont rendus deux ou trois fois à de Wippe-Cabaret pour être initiés au lancement de grenades à main nouvelles.
b) Exercices de combat. - On ne pouvait pas faire d'exercices de combat dans les environs des cantonnements. Malgré qu'on fût en guerre la campagne était très bien cultivée. Les cultivateurs berrichons étaient émerveillés à la vue des magnifiques champs de blé qu'ils rencontraient à la sortie du village. Les connaisseurs comptaient les grains à l'épi; leur nombre était, paraît-il, bien supérieur aux leurs. Ces résultats étaient dus à l'emploi d'engrais chimiques.
Pour faire nos exercices en terrain varié nous allions dans les dunes de Zuydcote, à l'Est de Dunkerque. Il y avait là tout le long de la mer une bande de terrain sablonneux d'au moins 1200 mètres de profondeur à partir du rivage. Il y avait des parties de terrain plates et des parties nombreuses formées d'énormes dunes de sable couvertes d'une végétation rabougrie. Une nombreuse population de lapins grouillait dans la brousse à la grande joie de nos troupiers.

Quand nous allions aux dunes nous partions de Wylder de grand matin, cela représentait une marche de 22 kilomètres. On allait également aux dunes en partant de Bergues les jours de tir. On passait alors une nuit sur les glacis.
Le jour de l'arrivée, les cadres employaient l'après-midi à préparer l'exercice du lendemain. Les hommes qui avaient soi-disant travaux de propreté et d'installation de bivouac se livraient surtout à une chasse effrénée aux lapins. Je les laissais faire parce que leurs procédés de chasse étaient tout à fait inoffensifs. Comme armes ils n'employaient que la pelle et un bon gourdin. Au début, leurs chasses étaient très fructueuses. Mais au bout de peu de temps le lapin se raréfiait et finalement il n'y en eut plus du tout. Ces chasses m'ont suggéré l'idée que, pour nettoyer des terrains infestés de lapins, il n'y avait qu'à y envoyer un régiment d'infanterie avec la permission de se débrouiller avec les lapins.
Nos exercices de combat comportaient de petites manœuvres de bataillon et de régiment. On figurait sur le sol des secteurs avec un réseau de tranchées et de boyaux de communication. Ils étaient faciles à ébaucher dans le terrain sablonneux des dunes. Les manœuvres s'exécutaient d'après les thèmes donnés par la Brigade. Nous avions fréquemment des spectateurs de marque, français et étrangers. Une de nos manœuvres s'est déroulée devant le Général belge de Conninck. Il voulait voir comment nous employions les grenades au cours de nos attaques de tranchées. Dans l'attaque que nous simulions une ligne de grenadiers précédait celle formée par les tirailleurs. Les grenadiers avançaient par petits bonds rapides, lançaient leurs grenades, qui étaient réelles, puis se plaquaient à terre pour éviter les éclats qui s'en allaient dans toutes les directions. Plus
tard on n'aurait plus osé lancer de grenades chargées en terrain découvert. Notre manœuvre s'est passée sans le moindre accident. L'éclatement des grenades a produit une grande impression sur nos spectateurs.
Nous avons été complimentés pour l'entrain et le bon ordre avec lesquels les hommes avaient effectué la manœuvre.

290ri_duneszuydcoote2

Dans les dunes de Zuydcoote

c) Hygiène. - Non seulement nous observions la plus grande hygiène dans nos cantonnements mais nous la complétions encore par de fréquents bains de mer. L'après-midi qui suivait la manœuvre était régulièrement consacrée à la baignade. Nous disposions dans la région des dunes d'une plage de sable magnifique. Elle était du reste la suite de celle de Malo-les-Bains. Si les hommes éprouvaient le plus grand plaisir à se plonger dans l'eau de mer, ils étaient par contre obligés de se méfier des bêtes invisibles qui y circulaient. Ces bêtes étaient les méduses qui pullulaient dans l'eau, certains jours et à certaines heures. Elles se collaient aux hommes, dont la peau devenait ensuite rouge, leur donnaient de vives démangeaisons et quelquefois de la fièvre. Il n'y eut cependant pas d'accident sérieux.
d) Marches. - Les déplacements pour nous rendre aux dunes et à Bergues nous faisaient accomplir chaque semaine des marches d'environ 45 kilomètres. C'était un excellent régime d'entraînement à la marche. Aussi le régiment dévalait-il à bonne allure sur les routes. Nous ne le cédions en rien aux tirailleurs, zouaves et coloniaux qui faisaient division avec nous.


Sources: Colonel Eggenspieler "Un régiment de réserve en Berry - Le 290e RI"

1 août 2005

Le moral des troupes pendant le repos

a) Permissions. - Pour soigner le moral des soldats rien n'était supérieur aux permissions. Elles furent précisément instituées pendant notre séjour à Wylder, exactement le 10 juillet 1915. Le début du régime était modeste : 4 % seulement de l'effectif. Les chefs de corps durent faire des comptes rendus sur l'effet des permissions. Je pense que tous les rapports leur étaient favorables, n'eut ce été que pour la raison que tout le monde en profitait du haut en bas de l'échelle hiérarchique. On attendait avec impatience ceux qui rentraient. Ils apportaient des nouvelles du pays et des familles. Les nouvelles étaient toujours accompagnées d'une bonne bouteille à laquelle on cassait le cou le soir en formant le cercle et en chantant les vieux refrains du pays. Le lendemain on reprenait le collier avec une nouvelle ardeur en attendant que votre propre tour arrivât.

.

b) Les fêtes. - Personnellement je ne concevais pas un régiment d'infanterie sans musique. Le cavalier regarde fièrement le piéton du haut de sa monture. Le canonnier se redresse devant ses pièces aux gueules menaçantes. Le fantassin lui, n'est rien, tant qu'il ne marche pas derrière une musique. Mais quand il s'amène derrière le fracas de ses cuivres et le roulement de ses tambours, c'est lui qui est roi. Il transporte la foule et pour le voir il fait courir une ville entière. Ceux qui avant la guerre ont fait leur service militaire dans une grande garnison ne se rappelleront pas sans émotion l'effet des retraites militaires. Dans l'Est, les Allemands venaient eux-mêmes voir ce spectacle, tant il était beau.
Les Officiers du régiment consultés au sujet de la constitution d'une musique partagèrent mon sentiment à cet égard.
Ils se mirent en campagne et en quelques jours nous avions tout ce qu'il fallait pour mettre la musique sur pied. Le tambour-major Moulin avait déjà formé une clique de premier ordre; le brancardier Bavouzet, plus tard sergent, se chargea de la musique. En très peu de temps elle fut au point. Nous avions une batterie de clarinettes qui aurait fait le bonheur de plus d'un chef de l'active.
Je me rappelle encore quelques numéros du répertoire Poète et Paysan, modulé agréablement par un saxophone; Le Ballet d'Isoline, exécuté admirablement par une des clarinettes. Nous avions des morceaux avec chant : Dis-moi quel est ton pays, chanté par Girolet, un homme au type gaulois, eut chaque fois un grand succès. Nos marches étaient les plus entraînantes du répertoire des musiques militaires. Bref, avec notre musique, nous étions un régiment d'infanterie complet. A notre retour des dunes nous traversions West-Cappel où se trouvait le Q.G. de la 152e D. I. Le Général Cherrier venait toujours nous voir défiler. Il nous complimentait chaque fois de notre belle allure.
Notre musique nous a permis d'organiser à Wylder des fêtes comme jamais les habitants n'en avaient vues.
Les fêtes les plus brillantes avaient été celles du 1.4 Juillet et du 15 Août. Toute la population, ainsi que les régiments des cantonnements voisins étaient invités et y venaient. Pour nos exhibitions on avait mis à notre disposition un grand pré. Nos fêtes comportaient en général une partie hippique et une partie burlesque. Pour la partie hippique on avait organisé tout autour du pré une piste avec obstacles. Nous avions au régiment de jeunes cavaliers, des artilleurs, des officiers sortant du train et aussi de simples fantassins qui s'y connaissaient en chevaux. Parmi nos chevaux de selle il y avait quelques vieux canassons qui franchissaient encore très convenablement la barre et la haie. Parmi nos sauteurs figurait au premier rang la jument de M. Patureau-Mirand qui avait été classée deuxième au raid Paris-Biarritz.
La partie comique de nos représentations était celle qui eût le plus de succès auprès du public. Il y avait des numéros qui étaient aussi réussis que ceux des grands music-halls. Parmi les artistes du régiment je citerai le Lieutenant Saintin (violon), le sous-lieutenant Salutrinsky (piano), les musiciens Pouzet (clarinette) et Rouby (airs berrichons), l'infirmier Cochet (histoires berrichonnes) et le téléphoniste Bonnard (scènes burlesques). Des artistes des régiments voisins nous prêtaient leurs concours; je me rappelle parmi eux les sous-lieutenants Guitel (artillerie) et Jouvenet (R.I.T.). Enfin, parmi la population nous fûmes aidés par Mlle Delaby, institutrice (comédie) et Mlle Versheure (jeune diseuse).
Si les cantonnements voisins venaient assister à nos fêtes nous nous rendions également à celles qu'ils organisaient. Il y avait tout près de nous, à Quaedypre, un régiment territorial breton qui avait un grand cachet d'originalité. Il était commandé par un Lieutenant-Colonel d'Infanterie coloniale en retraite. C'était un excellent camarade. Un jour il m'a fait l'honneur du défilé de son régiment. Il avait comme tête de colonne une espèce de nouba composée de binious. C'était très curieux à voir et à entendre. Le régiment avait très bonne allure. Il avait du reste fait le coup de feu sur le front de Flandre.

.

c) Prises d'armes. - Les prises d'armes, les revues et les défilés ont une grande influence sur le moral du soldat, et on peut dire aussi sur ceux qui n'y assistent qu'en spectateurs. La vue de grandes masses d'hommes, quelles qu'elles soient éveille chez celui qui les voit des idées de puissance et de force. L'impression est encore bien plus forte, si les masses sont des hommes en armes bien rangés et ordonnés. Du reste le sentiment de force se communique à celui qui n'est qu'un petit élément de la masse. Tous ceux qui avant la guerre ont pris part à de grandes revues peuvent témoigner de l'effet qu'ils en ont ressenti. Les générations actuelles ne connaîtront plus ces grands spectacles patriotiques, c'est dommage.
Pendant notre séjour à Wylder nous avons sans en abuser fait des prises d'armes pour le seul compte du régiment. Nous avons aussi pris part à celles plus importantes qui furent prescrites par le commandement.

L'institution des Croix de Guerre nous a fourni la plupart des occasions de prendre les armes. Nous les avons prises cinq fois au cours de notre séjour à Wylder. Ce fut d'abord pour notre Commandant de Brigade, le Général Néraud, à qui fut décernée une des premières Croix. Le Général assista par la suite à toutes nos remises de Croix de Guerre pour marquer la grande considération qu'il avait pour cette récompense. Les officiers et surtout les soldats mettaient tout leur amour-propre à l'obtenir. Ceux qui se croyaient lésés ou oubliés savaient fort bien rappeler leurs mérites à leurs supérieurs. Malheureusement, comme pour toute espèce de récompenses, il y eut des abus. Certaines Croix avaient été décrochées à trop bon compte. Le commandement, quand il a vu qu'on était trop prodigue des Croix, descendait systématiquement toutes les propositions d'un ou deux échelons. D'autre part, les militaires qui avaient le privilège d'appartenir à un état-major ou à un Q.G. relevant directement d'un Officier général, se voyait d'emblée attribuer des citations correspondant à l'échelon de commandement du Général, c'est-à-dire qu'ils avaient pour le moins une citation de l'ordre de la Brigade.
Le 5 juillet, le 6e bataillon, avec drapeau et musique, s'est rendu à Rousbrugge pour prendre part à une cérémonie de remise de décorations anglaises par le Prince de Connaught. Le Commandant de la Bastide devait recevoir la belle décoration de l'Ordre des Compagnons de Saint-Michel et de Saint-Georges pour services rendus à l'Armée anglaise lors de la ruée allemande sur Ypres. Quand, au cours de la cérémonie, le tour du Commandant arriva pour recevoir son insigne, l'officier d’Etat-major qui les distribuait s'aperçut qu'il n'en restait plus. On juge de la déception du Commandant et de l'effet produit sur l'assistance. C'est un tour qu'on n'aurait pas dû jouer à un combattant, car je suis sûr que la décoration est restée accrochée quelque part en cours de route. Pour obtenir finalement sa décoration, le Commandant a été obligé d'adresser plusieurs réclamations à l'autorité supérieure.
Le 26 juillet les officiers et sous-officiers du régiment qui avaient servi au Maroc, et qui avaient droit à la Médaille commémorative de la campagne, ont été convoqués aux Cinq-Chemins, où ils ont été passés en revue par le Général Lyautey. Cette convocation intéressait surtout l'E.-M. de la Division et la Brigade du Maroc. Chez nous il n'y avait que le Docteur de Labonnefon qui fut convoqué.
Le 1er août, il y eût une grande cérémonie à Hondschoote. Le Président de la République (M. Poincaré) devait remettre un drapeau au régiment d'Infanterie coloniale du Maroc. Le Président était accompagné du Ministre de la Guerre (M. Mille
rand) et du Général Foch. Nous nous y sommes rendus avec le drapeau, la musique et le 5e bataillon. La cérémonie avait lieu sur le terrain d'aviation de Hondschoote. La 4e Brigade du Maroc était au complet ainsi que l'E.-M. de la D.I. Les troupes étaient disposées en carré sur les quatre faces du terrain. Le Président Poincaré avec le drapeau se tenait au centre face au régiment colonial. Il a prononcé une allocution puis il a remis le drapeau du régiment.

Sources: Colonel Eggenspieler "Un régiment de réserve en Berry - Le 290e RI"

Publicité
Publicité
<< < 1 2 3 4 5 > >>
Indre 1914-1918 - Les 68, 90, 268 et 290e RI
Publicité
Visiteurs
Depuis la création 623 750
Indre 1914-1918 - Les 68, 90, 268 et 290e RI
Newsletter
34 abonnés
Publicité