Les instructions (nota JC : de la veille) ne pourront même pas recevoir un commencement d’exécution. L’ennemi devance, le 7 mai, toute initiative française.
Le bombardement devient « effroyable » à partir de 3h30. Les hommes n’ont plus d’autres abris que les trous d’obus. Les pertes sont très sensibles. Comme cadres, il ne reste plus en 1ère ligne au début de l’après-midi aucun officier au bataillon Quillet, 4 seulement au bataillon Durand. Le bombardement s’étend au Crochet ; il est très violent vers 5 heures, se ralentit vers 9 heures, reste ensuite faible jusque vers 15 heures.
Partie vers 15h45, l’attaque allemande crève la ligne française aux deux ailes du bataillon Durand et à la jonction des bataillons Quillet et Baffet. Des groupes ennemis s’infiltrent en direction de Pommerieux ; d’autres progressent jusqu’au ravin de le Passerelle, dans la région de la cote 221.
Sans se laisser émouvoir par les menaces qui pèsent sur leurs communications, les bataillons de 1ère ligne résistent sur leurs emplacements, établissent de crochets défensifs sur les flancs débordés, font intervenir leurs mitrailleuses en soutien, dont le tir fait des ravages considérables dans les rangs ennemis.
Cette ferme attitude des éléments avancés fixe au sol l’assaillant.
Plus en arrière, le colonel Paqette incite d’une part le lieutenant-colonel (commandant le 114e RI) à renforcer le bataillon Durand et à contre-attaquer « à temps ». Il met, d’autre part, le bataillon en réserve de brigade sur la deuxième position à la disposition du lieutenant-colonel Oudry (commandant le 125e RI) pour contre-attaquer l’ennemi sur son flanc gauche : « Disposez du bataillon Berthoin et de la ½ CM, lui dit-il. Je me charge de tenir la croupe au nord-est d’Esnes », qui va se trouver en effet privée de ses occupants jusqu’à l’arrivée du bataillon de Vignéville (réserve de division). Ce dernier est dirigé moitié sur le boyau de la Rascasse, moitié sur le bois en Peigne ; il n’atteindra ces positions qu’au matin du 8.
En suivant de son observatoire (croupe nord d’Esnes), toutes les phases de la lute, le lieutenant-colonel d’Olce a pu se rendre compte que la situation de la gauche du bataillon Durand reste toujours critique, en dépit d’une contre-attaque effectuée par le capitaine Trucy (commandant la compagnie de réserve du bataillon) qui a ramené au chant de la Marseillaise la gauche du bataillon sur son emplacement primitif ; il décide de faire intervenir le bataillon Conscience.
Ce dernier se met en mouvement en 16h45, traverse, sous le tir de barrage ennemi, le ravin de la Passerelle, en ligne d’escouades par un, dans un ordre parfait. La 1ère compagnie (capitaine Gaillard) aborde en tête les pentes sud-est de Pommerieux, bouscule à la baïonnette les groupes allemands qu’elle rencontre sur son chemin, vient se fondre sur la ligne. Les autres compagnies du bataillon l’y rejoignent dans la nuit. Le bataillon Durand très éprouvé peut ainsi être relevé entièrement le lendemain à 3 heures.
Plus à l’est, le 125e régiment déclenche avec une égale rapidité et autant de décision ses contre-attaques.
« J’avais compris, écrit le lieutenant-colonel Oudry dans son rapport sur le combat du 7 mai, en voyant l’avance allemande, que l’ennemi tentait d’encercler ma droite. Je résolus de le devancer en engageant immédiatement mon 2e bataillon (bataillon Berthoin) qui n’était même pas à ma disposition, en le poussant droit au nord pour donner la main aux fractions qui tenaient encore et me donnaient un point fixe pour manœuvrer et de me rabattre face au nord-ouest pendant que les 2 compagnies du 1er bataillon (2e et 3e compagnies du bataillon Quillet) attaqueraient face au nord nord-est pour donner la main à l’autre point fixe qui luttait désespérément sur 304.
J’abandonnais donc carrément aux Allemands la route vers l’arrière de nos lignes afin que la contre-attaque ait encore plus d’effet. Je ne mis qu’une section de mitrailleuses, les sapeurs, les téléphonistes et les pionniers pour les arrêter le plus longtemps possible. La 11e compagnie, très éprouvée la veille, était maintenue à la Camargue pour faciliter l’entrée en ligne du 2e bataillon. Celui-ci, alerté depuis longtemps, se déclenche au premier signal donné. Toute la manœuvre se fit en terrain découvert et l’entrée en ligne du bataillon se fit aussi correctement qu’au terrain de manœuvre … »
Partie du boyau de la Rascasse, avec le boyau du Prado comme axe de marche, la compagnie Picard (3e compagnie du bataillon Quillet) franchit de même le ravin de la Passerelle sous un tir de barrage d’artillerie et d’infanterie, balaye les fractions ennemies qui se sont glissées jusqu’au ruisseau, escalade les pentes sud-est du plateau, vient couronner la cote 304. La crête elle-même étant intenable sous le feu, la ligne est reportée à une cinquantaine de mètres en arrière, sur la contrepente, où se fait (en A) la liaison avec le 114e régiment. Elle est ensuite prolongée à droite par un peloton d’abord, puis par la 4e compagnie entière et par la 2e CM du bataillon.
Ainsi, le 7 au soir, le front de la 152e division est rétabli dans son intégrité sur la contrepente de 304 ; les sentinelles peuvent accéder à la crête qui reste interdite à l’ennemi. Plus à l’est, la ligne A-B-C-D-Le Crochet est également occupée ; seule reste aux mains des Allemands une enclave de 200 mètres aux alentours du point B (carrefour d’Aix et du boyau du Prado).
Il a été fait une centaine de prisonniers au cours de ces combats.
Sources : « Les combats de la cote 304 en mai 1916 » –Capitaine Laxagne – Revue Militaire Française