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Indre 1914-1918 - Les 68, 90, 268 et 290e RI
20 janvier 2016

90e RI Somme, 6 novembre 1916, une confusion qui aurait pu être fatale.

Concentré sur le nouveau blog concernant les soldats du département, je peine à trouver du temps pour répondre aux mails en attente et à alimenter ce blog ci. Histoire de ne pas vous abandonner, voici un petit rapport très intéressant trouvé au SHD par Alain Malinowski, historien et grand "fouilleur" d'archives. Voici donc le rapport en question tel qu'Alain le diffusa en 2005 sur le forum Pages1418 (Entre les lignes) - Le message d'origine d'Alain n'est plus accessible.

 

Aux armées le 10 novembre 1916
Rapport du chef d’escadron Breant commandant le 1er bataillon du 90e R.I. relatif à un incident survenu au cours de la nuit du 6 au 7 novembre 1916.
9e CA ; 17e division; 33e brigade; 90e R.I.
 
Au cours de la nuit du 6 au 7 novembre, la 2e compagnie se portait en avant du boqueteau (point 0505) dans la partie du terrain où la 17e D.I. se reliait avec la 18e.
Pendant le mouvement en avant, une demi-section commandée par le sergent-fourrier Aubron dépasse légèrement la ligne à atteindre et tomba sur une tranchée allemande occupée. Les Allemands se rendirent sans combattre et le sergent-fourrier Aubron les ramena, mais il obliqua à gauche et se présenta devant le front d’une section de la 1ère compagnie commandée par le sous-lieutenant Caillou.
Un sous-officier, le sergent Maerten, apercevant le groupe, et reconnaissant très nettement les uniformes des Allemands, ne sachant pas que ceux-ci étaient accompagnés, leur cria :”camarades” en leur faisant signe de lever les bras. Brusquement, les huit hommes qui étaient en tête firent demi-tour.
Le sergent et quelques hommes qui étaient près de lui voyant les boches s’enfuir, tirèrent dans leur direction, le sergent-fourrier Aubron cria alors :”Ne tirez pas, nous sommes des Français qui ramenons des Boches!” Le feu cessa, mais les Allemands avaient disparu à l’exception de cinq.
Il résulte des déclarations du sous-lieutenant Caillou qu’il n’y a eu aucun affolement, mais que le sergent Maerten et ses hommes étaient en première ligne, avaient réellement cru se trouver en présence d’une patrouille ou d’une reconnaissance ennemie égarée.
Cette erreur, au dire du sous-lieutenant Caillou dont le sang-froid s’est affirmé dans ces périodes de combat, est explicable, attendu que les Allemands formaient un groupe suffisant pour que les uniformes français fussent, pour ainsi dire, cachés par les uniformes allemands.
Le sergent Maerten, sous-officier grenadier, a donné maintes preuves d’énergie qui excluent l’idée d’affolement.
Signé : Breant
Vu et transmis :
Il y a là un incident de guerre regrettable mais qui ne me paraît mériter aucune sanction.
Le sergent Maerten, sous-officier grenadier du bataillon est connu pour son courage. Quant au sous-lieutenant Caillou nouvellement arrivé au régiment, il s’est fait remarquer par son sang-froid au cours de cette période.
P.C. le 11 novembre 1916
Le lieutenant-colonel Jumelle commandant le 90e RI.
De l’enquête exposée ci-dessus et dont les résultats sont conformes aux faits dont il m’a été rendu compte, il résulte, à mes yeux que dans des circonstances infiniment difficiles, des gradés du 90e R.I. se sont employés avec audace et énergie. Une erreur regrettable s’est produite, on ne peut le nier, mais on ne saurait accuser d’affolement aucun gradé responsable. Chacun a cherché à s’employer au-delà de son devoir et a dignement porté le poids des responsabilités qui lui incombe.
L’honneur au régiment n’y a rien perdu, au contraire.
Signé : le général Lasson commandant la 33e brigade, PC le 11 novembre 1916.

 

Le JMO du régiment signale que "Huit prisonniers du 105e RI ont été faits dans la nuit", mais il arrête là la mention des faits, il omet de signaler que 3 s'échappèrent dans la confusion. Pour découvrir les faits de la journée et une superbe carte du secteur (page suivante) , on pourra lire le JMO sur le site Mémoires des Hommes

Capture
Sources carte JMO 90eRI - Service Historique de la Défense - Mémoires des Hommes

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24 mai 2015

A la recherche de Marcel Robin - Classe 1912 au recrutement de Châteauroux, matricule 1304 (réactualisé)

Un correspondant artésien, Gilbert, me signale une plaque d'identité de soldat qu'il a trouvé au sol lors d'une partie de chasse dans le secteur de Souchez, limite Vimy. Il s'adresse à moi connaissant mon intérêt pour les soldats du département de l'Indre, car cette plaque est celle d'un classe 1912 qui dépendait du recrutement de Châteauroux.

En l'absence d'accès aux fiches matricules, toujours pas accessible en ligne, je recherche donc la fiche matricule de Marcel Robin, matricule 1304, classe 1912 au recrutement de Châteauroux.

Indre_RobinMarcel1912
ROBIN                                                CHATEAUROUX
MARCEL                                                            1304
1912                                                                     

Que savons-nous pour l'instant de Marcel Robin?

Ce soldat est présent sur Mémoires des Hommes, mais le prénom ne correspond pas.
Cependant, la classe, le recrutement et le numéro de matricule correspondent. Pierre est donc très certainement Marcel ou inversement. La fiche matricule nous permettra donc d'en savoir plus.
http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/fr/ark:/40699/m005239fedf4b5ce/5242c031dcf63

archives_J500503R

Pierre Robin figure sur le monument aux morts de Langé et sur le livre d'or de la commune.
Son acte de naissance est consultable sur le site des Archives de l'Indre http://archives36.cg36.fr/siterecherchecg36/FrmListEtatCivil.aspx
Nulle mention du prénom Marcel, s'agirait-il alors d'un prénom usuel? J'ai déjà rencontré le cas au sein même de ma famille où mon oncle Michel s'appelait en réalité René (Ce que je n'appris qu'au moment de son décès, il y a quelques années).

CaptureLange_PierreRobin_ActeNaissance
Archives Départementales de l'Indre

Concernant le secteur de disparition, il est intéressant de se reporter sur le Journal de marche de la 11e Division dont dépendait le 69e Régiment d'Infanterie qui contient une carte du secteur à la date du 17 juin 1915, soit le lendemain de la disparition.
http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/fr/ark:/40699/e005280a98f56905/5280a9a51fe89

CaptureJMO
JMO 11e DI - Mémoires des Hommes - SHD

______________________________________________

Réactualisation 24 mai

Suite à mon appel à l’aide, Didier Bléron et Dominique Blanc de Nuret-le-Ferron m’ont fait parvenir une copie de la feuille de registre matricule de Pierre Robin. Je les remercie vivement de leur aide car la solution de l’énigme est, au final, transcrite à même la fiche matricule.

Pierre ROBIN, classe 1912, matricule 1304 au recrutement de Châteauroux a pour surnom : Marcel

 CaptureRobin_FM1Archives départementales de l'Indre - Série R

Les données d’état-civil recoupent celles de l’acte de naissance. La fiche matricule est très succincte, mais elle permet enfin de découvrir le parcours de Pierre Robin pendant le conflit.

Déclaré « ouvrier agricole » lors de son conseil de révision, classe 1912 , il est incorporé au 95e Régiment d’Infanterie de Bourges, le 8 octobre 1913. Il part donc en guerre lors de la mobilisation comme appelé et suit le parcours de ce régiment. Le 26 mai 1915, il passe au 69e R.I. et disparait au combat le 16 juin 1915 à Neuville-Saint-Vaast.

CaptureRobin_FM2Archives départementales de l'Indre - Série R

Je lance donc un  nouvel appel:
Gilbert aimerait remettre cette plaque aux descendants de ce soldat, alors si vous êtes de la famille, si vous connaissez des descendants de cette famille de Langé (36), n’hésitez pas à me contacter afin de faire avancer cette enquète.

                    

11 avril 2015

Les données concernant l'Indre en 1418

Partant du principe que la compréhension des évennements qui se sont déroulés il y a 100 ans maintenant, ne peut se faire qu'au travers du partage des données, j'ai donc décidé de regrouper au sein de ce message d'entête mes relevés que j'ai entrepris depuis maintenant plus de 10 ans.

les données sont libres de droit et d'utilisation, merci simplement de citer vos sources.

Vous trouverez donc au travers de différents liens un accès aux données suivantes que je compléterai au fur et à mesure:

à suivre ...

 

N'hésitez pas à commenter pour améliorer les données et les outils.

9 avril 2015

Une sacrée trouvaille, mais de sacrés doutes.

Au sein de l'armée, l'étendard, le drapeau de l'unité est certainement le point central autour duquel les soldats, les sous-officiers et officiers se retrouvent. Ainsi, chaque régiment d'infanterie a le sien. On retrouve ainsi un drapeau pour le régiment d'active, un pour la réserve et un pour la territoriale.

Le 24 aout 1919, lors des fêtes liées au retour du 90ème à Châteauroux, nous eûmes l'occasion de voir pour la dernière fois les 3 drapeaux des 90, 290e RI et 65e RIT. Ils avaient été réunis pour l'occasion et heureusement, les opérateurs Pathé réalisèrent un film qui est maintenant en dépot à la Médiathèque municipale de la ville de Chateauroux. En voici une capture d'écran:


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Capture écran du film propriété de la ville de Chateauroux

En 2014, le ministère de la Défense avait entrepris une opération de communication et de commémoration autour de la thématique "Une ville, un soldat, un drapeau". Pour cette occasion, il avait donc été proposé de sortir des réserves les anciens emblêmes 14/18. Malheureusement pour notre département, malheureusement pour Châteauroux, le drapeau du 90ème (Seul restant dans les réserves, seul survivant de cette époque) n'était pas sortable. Son état n'autorisait pas une exposition lors d'une céremonie.Nulles traces d'ailleurs des drapeaux des autres régiments du département: 68, 268e RI et 66e RIT.

Une acquisition récente me fait entrapercevoir un nouvel élement de la réprésentation des unités. Dans chaque régiment, se trouvaient des fanions liés soit aux bataillons, soit aux compagnies.

Voici donc le fanion du 4e bataillon du 268e RI:

 

RI268_Fanion4eBataillon_Recto_1


La première question lorsque vous trouvez un cliché est: S'agit-il de la bonne unité? Seul un scan précis permet de s'en assurer. En réalité, 3 éléments précis sont nécessaires pour parfaire l'identification.

CaptureJC3


Quels sont ces 3 éléments?
Commençons par le fanion: Celui-ci indique "268e", 4e bataillon, "Patria". On peut deviner qu'il s'agit en réalité de "Pro Patria" et que ce doit être la devise du 4e bataillon du 268e régiment.
Le 268ème est confirmé par les numéros de pattes de col du soldat. Cependant, s'agit-il d'un régiment d'infanterie? Un 268e Régiment d'artillerie existait. Les boutons de la veste confirme le régiment d'infanterie, on devine (le mot est faible) des grenades sur la partie bombée. Nous sommes donc en présence d'un 268e RI.

Sélection_003
Exemple de boutons d'infanterie
A noter la représentation de grenade

S'il s'agit d'une unité d'infanterie, s'agit-il du 268e RI ou du 268e RIT? Et oui, car pourquoi faire simple lorsque l'on peut faire compliquer. Cela se complique particulièrement, car c'est là qu'intervient le verso de la carte.

CaptureJC4

Le cachet de la poste laisse apparaitre "AVRANCH" le 26 juillet 1917 (16h45), vraisemblablement, il s'agit donc de la date et l'heure d'arrivée au bureau de destinataire.
La carte est donc annotée: "1917 Manspach Alsace"

Là, tout se complique et les certitudes tombent.
Point de 268ème RI dans ce secteur, à la date du mois de juillet 1917, ce régiment est alors dans le secteur de la route 44, dans l'Aisne.
Pourrait-il s'agir du 268e RIT? ... Pas de chances, ce régiment territorial est dissous depuis le 7 février 1917.

Le mystère reste donc entier pour l'instant, en attente d'un nouvel indice qui permettra alors de comprendre le mystère du fanion du 4e bataillon du 268e.

Sources: Collection de l'auteur

9 février 2015

Dives bouteilles, larcins et conseil de guerre.

Il est intéressant de découvrir le témoignage de quelques cas de condamnations liés à l'usage du vin, élément essentiel de la vie du poilu et ce, à la relecture de l'ouvrage de René de Planhol, "La justice aux armées", alors qu'il était membre du conseil de guerre de la 17ème Division d'infanterie.

On appréciera la lourdeur des peines au vu de l'ampleur des larcins . Que dire des 2 ans pour 2 litres de vin!

Une après-midi d'été, les deux soldats du train Callot et Laprune étaient préposés à la garde d'une voiture de ravitaillement. Accablés de soleil, ils avaient grand'soif; et dans la voiture était un tonnelet plein, - naturellement de « pinard ». Nos deux martyrs de la consigne enduraient, exactement et sans métaphore, le supplice de Tantale. Il y a un stoïcisme où l'humaine faiblesse ne s'élève point sans déchoir. Succombant enfin, ils emplirent leurs bidons et burent deux litres à la santé de la France. Sur ces entrefaites leur maréchal des logis les aperçut et leur libella un motif de punition qui les conduisit jusqu’au conseil de guerre. Le commissaire du gouvernement, contre ces mauvais soldats qui s'appropriaient la ration de leurs camarades, requit: une application rigoureuse de la loi : deux ans de prison, peine bénigne au prix de celle que prévoyait le code parurent suffisants aux juges.

 

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Un autre cas lié à l'usage d'alcool, avec des conséquences qui auraient pu être plus graves:

Un soir, sur les six heures, d'un cantonnement de repos, on avait brusquement conduit aux tranchées la compagnie où servait Poirier. Celui-ci, lors de l'appel, manquait dans son escouade et son caporal se mit à sa recherche. Il le découvrit étendu dans un coin d'une grange, la bouche entr'ouverte et ronflant. Fortement secoué, Poirier ne souleva qu'il demi les paupières, répliqua par un grognement et retomba incontinent dans sa torpeur. Deux hommes vinrent le quérir et le traînèrent jusqu'à la compagnie assemblée sur la place. Il ne se défendait pas, il n'était qu'inerte. Le vent assez vif lui fouetta le visage et lui dessilla légèrement les yeux. Mais comme son capitaine lui ordonnait de prendre sa place dans le rang, Poirier se contenta de le considérer d'un air hébété ; visiblement il ne comprenait rien. Et d'ailleurs il était incapable de se tenir debout ; le lâchait-on, il s'affaissait aussitôt. On dut le livrer aux gendarmes. A l'aube, dégrisé, il s'éveilla dans la prison divisionnaire. Quels ne furent pas son étonnement et, bientôt, son regret ! Une plainte en conseil de guerre fut dressée contre lui, et le commissaire-rapporteur l'inculpa de refus d'obéissance en présence de l'ennemi.

A l'audience, Poirier, par son attitude et sa mine, s'attirait plutôt les sympathies. Grand, bien découplé, la tenue correcte, le regard empreint d'énergie et de franchise, il parlait avec naturel et manifestait sans affectation un repentir qui semblait sincère. Les renseignements du dossier ne démentaient point cette attitude. Poirier, garçon original, ne se pliait pas aisément aux conditions modernes de la vie civile et n'avait jamais pu s'astreindre à avoir un domicile. Voyageant par les routes, il couchait au gré des hasards, dans les auberges, les écuries ou à la belle étoile, s'embauchait pour quelques jours chez les paysans qui avaient un besoin momentané d'ouvriers, travaillait de cent métiers à la campagne ou à la ville, moissonneur ou forgeron, vigneron ou débardeur. Pour ce vagabondage, les gendarmes l'avaient maintes fois appréhendé sans qu'on eût jamais à lui reprocher autre faute. Au contraire, plusieurs attestations de patrons divers certifiaient qu'ils n'avaient eu qu'à se féliciter de son labeur et de sa probité. Type, en vérité, singulier et qu'on n'eût point pensé rencontrer ailleurs que dans le Chemineau de Jean Richepin. Soldat, il s'était bien conduit. Blessé en mars 1915, à peine de retour à son dépôt, il avait demandé à être inscrit dans le premier détachement de renfort et venait, quelques jours. auparavant, d'arriver sur ce point du front. Au cours du voyage, il avait eu la malchance, étant descendu pour quelques minutes à une station, de manquer son train. Pour cette fâcheuse aventure, on l'inculpa une première fois, mais l'instruction se termina par un non-lieu. Poirier, loin d'être répréhensible, avait déployé beaucoup d'initiative et de bonne volonté, puisqu'il avait rejoint son unité deux heures après le détachement. Depuis lors, les chefs de Poirier n'avaient pas encore eu le temps et l'occasion de l'apprécier dans la tranchée. Mais ses notes antérieures étaient excellentes et deux sous-officiers, ses compagnons durant les débuts de la campagne, confirmaient de vive voix ces notes. En outre, plusieurs lettres saisies sur lui et versées au dossier constituaient un précieux témoignage. Écrites après plusieurs mois de guerre par des combattants, camarades de Poirier, pour lui seul et en phrases inhabiles, elles étaient pleines d'une hardiesse narquoise et magnifique ; elles déguisaient de plaisanteries le danger, la fatigue et la mort ; elles faisaient la nique aux Boches et à l'ennui. Elles éclairaient d'une belle lumière les âmes de ceux qui les avaient envoyées et de celui qui les avait reçues.

La faute pour laquelle on le jugeait aujourd'hui ne provenait point d'une intention mauvaise ; mais pour l'exemple il n'est pas douteux que les juges ne fussent disposés à le châtier sévèrement. Aussi ne s'agissait-il que de décider si la loi le leur permettait. C'était le premier cas de cette espèce et le débat juridique, vivement engagé, donna lieu à deux répliques successives de l'accusation et de la défense. Le commissaire du gouvernement arguait que le refus d'obéissance n'a pas besoin d'être exprimé par des paroles: il consiste essentiellement dans la non-obéissance qui est la seule condition juridiquement requise pour le crime. Le défenseur ne contestait point cette thèse, conforme en effet à la jurisprudence du temps de paix ; mais il prétendait que la non-obéissance, pour être qualifiée refus d'obéissance, doit être intentionnelle et volontaire, d'après le texte et les commentaires de la loi : or, évidemment ce n'était pas le cas de Poirier qui, au moment qu'on lui reprochait de n'avoir point obéi, se trouvait physiquement incapable d'obéir ; et d'ailleurs, ivre-mort et ne percevant, même pas l'ordre qu'on lui formulait, il ne pouvait avoir, l'intention de désobéir; donc, aux termes de la loi, il n'était coupable que d'ivresse. A quoi le commissaire du gouvernement opposait que Poirier, lorsqu'il s'était enivré, n'ignorait pas qu'il se mettait ainsi dans l'impossibilité d'obtempérer à une alerte et conséquemment d'obéir. Or c'est volontairement qu'il s'était enivré ; donc, puisqu'il y avait eu chez lui l'intention d'une désobéissance à tout le moins éventuelle, il devait accepter l'entière responsabilité de ses actes.

Le conseil, à l'unanimité, adopta cette interprétation de la loi. Par trois voix contre deux il écarta la circonstance aggravante de présence de l'ennemi : au vrai, je présume que ces deux voix étaient fictives et qu'en aucun cas, même en signant un recours en grâce, les juges n'eussent condamné Poirier à mort. Pour refus d'obéissance sur un territoire en état de guerre, il fut condamné à dix ans de travaux publics. Le général suspendit l'exécution de la peine ; et Poirier, versé dans un autre régiment, n'a point cessé d'y être, bon soldat. Son affaire inaugura une jurisprudence qui fut appliquée fermement à quelques cas analogues. Cette répression, aboutit bientôt à les rendre beaucoup plus rares. Alors la sévérité, du conseil se relâcha sensiblement ; et il eut tendance à se servir plutôt, lorsque des circonstances morales l'invoquaient pour l'accusé, de l'article ayant trait aux soldats qui se sont volontairement mis, dans l'impossibilité de rejoindre leur poste en cas d'alerte, - soit une peine de six mois à deux ans de prison.

Sources biblio: "De la justice aux armées" René De Planhol - Attinger 1917

 

2 autres "comptes-rendus" de procès du même conseil de guerre:

Les gars..., souvenez-vous!... Faut pas faire comme moi... 

Les aventures de Carpion et Rabanos

 

Amis lecteurs, pensez à regarder dans les commentaires, Stéphane nous fait part d'une intéressante analyse. qui permet une mise en relief du texte publié

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14 octobre 2014

14 octobre 1914, 1 fusillé au 68ème RI (Réactualisé 2014)

En ce 14 octobre 2014, je me dois de réactualiser ce message d'abord écrit en 2010.
A l'heure où je diffuse ce message (6 heures du matin), il y a 100 ans, un soldat du 68ème RI vient de tomber sous les balles tirées par ses camarades.

Le mois d'octobre 1914 est appelé par le Général Bach, "le mois des exécutions". Dans son ouvrage, "les fusillés pour l'exemple 1914-1915", il transcrit un ordre du général Dubois qui nous rapporte la première exécution capitale que connu le 68ème RI.

"Les Petites-Loges, le 13 octobre 1914.
Ordre.
Le général cdt le 9ème CA signale aux troupes sous ses ordres la lâcheté de deux soldats réservistes dont les noms suivent:
Le nommé Des... du 68, envoyé en traitement au dépôt des éclopés des Petites-Loges. Après huit jours de traitement était remis en route sur son corps et conduit jusqu'à Thuizy par un gradé. Là il se cachait et restait pendant quatorze jours dissimulé dans une habitation où il était découvert. traduit devant le CdG (Conseil de guerre) de la 17e DI, il a été condamné à vingt ans de détention avec dégradation militaire pour "désertion en présence de l'ennemi".
Le nommé Duv... du 68ème abandonnait la tranchée pendant une attaque de nuit et s'enfuyait jusqu'à Thuizy où il se cachait pendant quinze jours. Traduit devant le CdG de la 17e DI, Duv... a été condamné à mort pour "abandon de son poste devant l'ennemi".
Le général cdt le CA décide que la dégradation du soldat Des... et l'exécution du soldat Duv... auront lieu demain 14 octobre devant le front du 68ème d'infanterie. La garnison de Sept-Saulx, des détachements du 135e, 32e et 66e, en réserve à Wez et Thuizy, assisteront à l'exécution.
Le présent ordre sera lu à 2 appels consécutifs.
Dubois."

Le JMO du 68ème RI reporte l'évènement à la date du 14 octobre:
"Le 14, parade d'exécution à 6 heures pour 2 soldats du 68ème (Voir ordres généraux)" Il est à préciser que dans la terminologie définie de la justice militaire "Parade d'exécution" n'inclue pas nécessairement "exécution capitale", mais "exéution de la sentence" qui peut souvent se limiter à une dégradation par exemple.

Le condamné, originaire de la Vienne, avait 25 ans. Sa sépulture est inconnue.

Intéressons nous à la procédure qui amena des soldats de la 17ème Division a fusillé un de leur frère d’armes.
Après s’être caché, le soldat est arrêté le 12 octobre au matin, le jugement s’effectua le jour même, à 13 heures et l’exécution eu lieu le 14 octobre au matin.
L’interrogatoire du condamné :
Conseil De Guerre Spécial de la 17ème Division
…..

  • Vous avez été trouvé ce matin dans un cantonnement de Thuizy par [illisible].
  • Oui
  • Que faisiez vous dans ce village ?
  • Rien.
  • Depuis combien de temps y étiez-vous ?
  • Huit jours [Nota Indre1418 : Certains autres documents officiels annoncent 15 jours]
  • D’où veniez-vous quand vous y êtes arrivé ?
  • Je venais des tranchées. A la suite d’une attaque à la baïonnette, je m’étais trouvé seul avec mon capitaine, le capitaine Berthellon m’avait ramené à Thuizy.
  • Depuis ce temps là vous êtes resté à Thuizy ?
  • Oui
  • Pendant ce temps, vous avez bien vu cantonner à Thuizy votre régiment ?
  • Il y avait des cuisiniers.
  • Les cuisiniers vous ont dit où était votre bataillon ?
  • Non.
  • Alors c’est que vous ne l’avez pas demandé ?
  • Si, mais on m’a répondu : « tu n’as qu’à le chercher ».
  • De quel bataillon étaient les cuisiniers qui vous ont répondu çà ?
  • Ils étaient sans doute du 1er bataillon, mais certainement pas de ma compagnie.
  • Mais si vous aviez le bataillon, il n’était pas difficile de trouver la compagnie.
  • C’est vrai.
  • Le 1er bataillon a cantonné à Thuizy.
  • Oui, mais je ne l’ai pas vu, car j’étais avec les éclopés et c’était pendant  la nuit.
  • Alors vous étiez avec Desherbais?
  • Oui, mais je ne l’ai vu que le lendemain matin.
  • Desherbais prétend qu’il était avec le 1er bataillon.
  • Je n’en sais rien.
  • Depuis ce moment là, qu’avez-vous fait ?
  • Nous allions dans les tranchées avec le 114 près de la gare.
  • Mais le 114 n’y est plus ?
  • Alors nous étions avec le 77 qui est au repos.
  • Avez-vous quelque chose à ajouter ?
  • Je demande à revenir en 1ère ligne. A Rethel, je suis allé chercher mon lieutenant Chapeau qui était blessé, sous le feu de l’artillerie. J’ai fait 2 ans de service au 60ème d’infanterie, je n’ai jamais été puni. Je n’ai jamais été condamné.

La persistance dans la déclaration du condamné entraina sa condamnation à mort.  Le commissaire rapporteur précise que Duverger « contrairement à la déposition de Desherbais prétend n’avoir pas vu son bataillon ».

Suite au jugement, et en attente de l'exécution des peines, une note est diffusée par la Division :

17° Division                                  Sept-Saulx le 13 Octobre 1914
Ordre de la Division ( crayon)
Deux soldats du 68° viennent d’être condamnés l’un à la peine de mort pour avoir quitté sa compagnie au moment où elle était attaquée par l’ennemi. Il a fui à 5 kms en arrière et s’est caché à Thuizy pendant 15 jours.
L’autre rentrant de l’ambulance, au lieu de rejoindre sa compagnie s’est caché à Thuizy pendant le même temps, il a été condamné à 20 ans de détention et à la dégradation militaire. Ces deux sentences seront exécutées demain 14 octobre.
Le Général espère bien que la répression sévère de ces actes de lâcheté portera ses fruits et que plus jamais un soldat de la division ne s’en rendra coupable.
Général Guignabaudet

Deux autres soldats du 68ème RI, subirent ce sort infâmant (juin 1915 et février 1916).

Il est maintenant possible de retrouver les pièces du dossier de justice militaire sur le site Mémoires des Hommes

De plus, retrouvez d'autres informations sur le site voisin, des Poilus de la Vienne:

http://poilusdelavienne.blogspot.fr/2014/10/duverger-ferdinand.html

Sources:
SHD - JMO 68ème RI
SHD - 22N554 - 24N432 9ème CA
SHD - 11J783 CDG 17e DI
Général André Bach - Les fusillés pour l'exemple 1914-1915 - Editions Taillandier 2003  (Nota perso: Indispensable !!)

22 juin 2014

Comment distinguer un ancien poilu d'un embusqué.

Des camarades m'ont souvent dit: "Comment reconnaitre aujourd'hui ceux qui ont accompli leur devoir de ceux qui s'y sont dérobés? Rien ne distingue plus le poilu de l'embusqué."
Emu de ces justes appréhensions, je me permets, mes chers camarades, de vous indiquer quelques stratagèmes susceptibles de vous aider à distinguer un embusqué d'un poilu.
Lorsqu'un individu vous paraitra suspect, que cous éproverez des doutes sur son passé guerrier, soumettez le à une ou plusieurs des épreuves suivantes:

1 - Arrangez-vous à garder votre homme à coucher dans une chambre voisine de la votre. Attendez qu'il soit assoupi. Puis ouvrez brusquement la porte de sa chambre en hurlant: "Alerte aux gaz!" Observez alors attentivement ses gestes et ses paroles. S'il se réveille béatement, en fixant sur vous un regard interrogateur, vous êtes fixé. Fichez cet homme dehors. Ce fut un embusqué! Par contre, si vous le voyez bondir sur le lit à défoncer le sommier, précipiter les mains dans le vide à la recherche de quelque objet, en criant "M.... où est mon masque?" Ne doutez plus, Embrassez le. C'est un frère.

2 - Invitez votre homme à déjeuner. après le roti, glissez-lui, sur un ton différent "Mon cher, nous avons ensuite deux bons plats de légumes: du riz et des lentilles. A l'expression de sa physionomie, vous aurez tôt fait de juger à qui vous aurez à faire.

3 - Sous le fallacieux prétexte de lui faire visiter les sous-sol de votre demeure, amenez votre homme à descendre avec vous à la cave; à sa façon de se diriger dans l'obscurité, vous discernerez aisément l'homme qui fut habitué à frèquenter les sapes et les cagnas.

4 - Dites-lui à brûle-pourpoint: "Tu connais untel? le pauvre vient de se casser la jambe en descendant du tramway!
Si votre interlocuteur émet quelques paroles appitoyées, ne le fréquentez pas davantage.
Le poilu, lui inconsciemment lâchera ce cri du coeur: "Le veinard, il va être évacué!"

5 - Conviez-le à un de vos jours de réception, et faites-lui demander par quelqu'un des souvenirs de guerre. Si c'est un embusqué, il dévidera intarissablement un écheveau de récits horrifiants et vous accablera d'épisodes héroïques. Si c'est un poilu, un vrai, il dira simplement, en écartant de la mains certaines visions: "Parlons d'autre chose".

 

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Bulletin des Anciens de la 17e DI - N°15 - 1924
Collection de l'auteur

8 mai 2014

Les fusillés au prisme de l'histoire

Le cas des fusillés, presque 100 ans plus tard, reste un point noir de notre histoire nationale.
Concernant le département, il y eut des soldats natifs de l'Indre qui furent fusillés lors de la première guerre mondiale, le plus connu étant Abel Garcault de Villedieu, qui fut réhabilité en 1925, alors qu'il avait été exécuté le 25 décembre 1914. Il y eut aussi des soldats qui furent exécutés, alors qu'ils dépendaient d'unités indriennes. Sur ce point, les seules exécutions actuellement connues concernent le 68ème RI et ne concernent pas des soldats originaires du département.


Histoire de prendre du recul et de comprendre ce moment de notre histoire, un groupe s'est constitué autour du général Bach, ancien responsable du SHAT Vincennes.

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http://prisme1418.blogspot.fr/

7 avril 2014

Une "Formicidae" argentique et intrusive

Même s'il était interdit de prendre des photos lors des séjours en première ligne, de nombreux photographes amateurs prirent des clichés de la vie des combattants. Bon nombre d'entre eux furent des officiers, bien souvent du fait de la statut social et de leur niveau de revenu.

Parmi eux, le lieutenant Jabien de la compagnie de mitrailleuses du 268ème RI, il nous laissa plusieurs dizaines de clichés.

Parfois, des intrus apparaisent de manière impromptue, telle cette fourmi au profil négatif.

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Collection de l'auteur

27 février 2014

19 ans en 1915, insouciance et bonne humeur.

Parfois plus que de longs discours, rien de tel que de simples photos, à condition de savoir les "faire parler" et de les interpréter.

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Sourires de mise, quasi imberbes, pipe à la main pour se donner une prestance, une mâle attitude, mais certainement aussi pour se rassurer, voici la 38e escouade du 90ème RI. Il s'agit d'un groupe qui pose dans un jardin de Châteauroux, mais surtout il s'agit de la classe 1916. Natifs (pour la plupart) de 1896, ils ont en effet à peine 19 ans ou alors tout juste révolus, car en ce 17 mai 1915, l'insouciance de la jeunesse est encore présente:

"D'ici quelques jours, nous allons aller camper à Azay le Rideau, probablement au Ruchard. Il parait que nous devons partir le 28 mai"

L'instruction continue donc et d'ici novembre, ils auront rejoint le régiment et au final environ 20% d'entre eux n'en reviendront pas.

Le recrutement de la nouvelle classe se fait au dépôt du régiment, ce que nous venons de voir ci-dessus. Les rudiments de la formation de soldat y sont donnés. Une fois aguerris, les jeunes soldats sont affectés dans une série de camps gérés par le dépôt qui se trouvent autour du Camp du Ruchard pour y parfaire la formation et y attendre l'occasion de rejoindre le régiment sur le front.

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La Chapelle de Cheillé 28 aout 1916
Mon cher Copain
Je tanvoi sest deux mots pour te donner de mai nouvelle que sont toujours bonne pour le moment. Je desir que ma carte te de même pour le monent.
Je bient reçu Ta carte je bien contan de carte de ta belle part ..., je me faichier à Azai.
Le Colon et le Comandant il son vache il jamais de repau 3 ou 4 fois au camp du ruchar, Le premier dépar pour le fron je de mande à partir je suis tambour je gagne 10 sous par semaine.
Bien le Bonjour
Louis Gautherot au 90ème d Infanterie 27 comp. 7 section 2ème groupe La Chapelle Indre et Loire. 
 

Le soldat Gautherot gôute peu aux plaisirs du dépôt d'instruction du 90ème RI. Il fait donc part à un ami de son désir de partir au front.

A noter que les dépôts d'intruction des régiments indriens sont alors en Touraine. Celui du 68ème RI est à Saint Epain, au sud du camp et celui du 90ème à La Chapelle, au nord du camp. L'instruction des bleus des 68 et 90ème RI se fait donc au camp du Ruchard et leur hébergement aux alentours.

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Merci à Arnaud pour son oeil avisé et ses connaissances sur le sujet.

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