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Indre 1914-1918 - Les 68, 90, 268 et 290e RI

18 février 2021

Les JEUDIS de L'HISTOIRE 01 - Vivre à Saint-Gaultier pendant la Grande Guerre.

Une première pour l'association historienne galtoise.

Conférence de Daniel BERNARD
Vivre à Saint-Gaultier pendant la Grande Guerre
le 18/02/2021 à 18h30

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19 janvier 2021

Aux soldats de Sougé tombés au Champ d’Honneur 1914-1918: "Tempête au vieux moulin"

Poème aux soldats - Betty Jacquey (J'ai glané pour vous) - 1963 -2

 

Quanq’ et l’vent s’éleuve en tempête,Sougé 14-18 - Cliché Alain Bréjaud
On dirait la voex d’un j’teu d’sort
A chant’ pour moé des chous’s secrètes
L’ieau qui coul’ sous l’vieux moulin mort.

Am’ dit : « rappell’ toé d’un’ journée,
Qu’t’endais des pâs dans l’chémin,
C’atait l’soer à la nui tombée ;
Des gâs qu’allint vers leu destin ».

Des enfants dé nout’ bounn’ vieille terre,
Attachés à yeu vieux Berry,
Et qui partint pour fair’ la guerre,
Mais qui d’vint pus jamais r’veni.

C’était à l’époqu’ des tranchées,
Dans l’ieau, la bornill’ jusqu’aux g’noux.
Les polus, pendant des années,
Ont défendu l’sol dé cheux nous.

Des foés, quaq’ c’est qué j’voés des nuages,
Rog’s sang à l’horizon bleuté,
J’cré aparcevoir les visages,
D’ceux de Sougé qui s’sont en allés.

Il ‘ tint heureux dans nout’ village,
J’les voés encor rir’ et chanter,
Y travaillint anq’ tant d’courage,
La terre à l’omb’ dé ieu clocher.

Y en a t’y encor qui y r’pense ?Sougé 14-18 - Cliché Claude Nivet
J’avons vu tant d’affer’s depuis,
Qué j’ons pu’l’culte dé la souv’nance,
Pourtant des jours coumme aujord’hui.

Quanq’ et l’vent baliy’ les feuill’s mortes,
Et qu’l’avers’ tombe au vieux moulin,
Tout douc’ment j’entrouvert’ ma porte,
J’écoute en r’gardant dans l’chémin.

J’cré entendr’ dans l’bruit d’la rafale,
Des pâs dans l’mystèr’ dé la nuit,
J’les r’connais les ombr’s qui dévalent,
C’est ceux pour gâs qui d’vont r’veni !

Sous l’poummier près d’la grand’ bouchur’,
Un oésieau d’nuit hulul’ si fort,
Qué son cri s’entend’ j’en suis sûre,
Jusque là-bas, au boés d’Vilord !

Les âb’es dans la foret vosine,
En s’penchant y causons tout bas,
Tremblants jusqu » dans leux racines,
Ieux branch’s craqu’nt, résoun’nt coumm’ des glas.

On dirait des esprits en peine,
dans les éléments déchainés,
Pour moé, j’cré qu’la tempête rameine,
 L’âm’ de ceux qui s’sont sacridiés.

Quanq’ et l’vent s’éleuve en tempête,
Qué parsounn’ veur s’risquer déhors,
A m’en racont’ des chous’s secrètes,
L’ieau qui cou’ sous l’vieux moulin mort.

Poème aux soldats - Betty Jacquey (J'ai glané pour vous) - 1963 - imprimerie Mollé Frères (Angers)

Poème aux soldats - Betty Jacquey (J'ai glané pour vous) - 1963 - imprimerie Mollé Frères (Angers)


A propos de Betty JACQUEY, je conseille la lecture de la notice qui a été rédigée par la compagnie des Sans-lacets en 2015, nous presentant entre autres le parcours et un portait de Betty Jacquey:

http://les-paniers-paysans-du-giennois.fr/wp-content/uploads/2015/02/dossier-de-presse-les-confidences_du_berry.pdf

En 2017, le spectacle a été joué à Déols

CapturePieceDeols


 

Derrière cette poésie patoisante, se trouve donc Betty JACQUEY, poétesse peu connue et de son nom de jeune fille Berthe CHASTRE.

Celle-ci naquit à Sougé en 1898, fille de Arthur et de Angèle CHARON et décéda à Angers en 1980. Le 14 novembre 1922, elle épousa à Sougé (36) Paul JACQUEY, qui fut engagé volontaire en 1918, qui combattit et fut fait prisonnier en 39/45.

Elle était donc du même âge que les soldats qui furent appelés lors du conflit. Sans nul doute, elle cotoya à Sougé les jeunes soldats des classes 1914 à 1918, qui furent ses camarades d'école et qui partirent au front lors du conflit alors qu'ils étaient à peine agés de 20 ans (A partir de la classe 1916, ils furent appelés avant leurs 20 ans).

 

Grand merci à Claude Nivet pour toutes les informations apportées

 

 

 

25 octobre 2020

Argenton, une plaque de sépulture qui en dit peu mais ...

Il est parfois des sépultures dans les cimetières qui racontent une histoire donnant des détails sur le parcours des défunts. Parfois, rien n'est indiqué et il est alors impossible de même détecter la présence de soldats Mort pour la France et c'est bien le cas ici.

Georges et Paul BONHOMME ont la particularité d'avoir la même sépulture, mais rien n'indique leur statut de combattant 1418. En effet, Georges et Paul sont deux frères tombés lors du conflit, ces 2 frères sont natifs d’Argenton et leurs dépouilles ont été rapatriées par la famille. Georges l’ainé, le 21 mars 1922 et Paul le benjamin, le 3 avril de la même année.

On peut donc imaginer deux cérémonies d’inhumation au cimetière Saint-Paul d’Argenton pour la même famille et ce en 15 jours. Or, comme je l'indiquais plus haut la plaque actuelle visible sur la sépulture familiale n’indique nullement le statut de Mort pour la France de ces deux frères.
Le style des gravures laisse supposer une datation de la plaque vers 1949/1950, le moment où la plaque fut gravée avec le texte tel que nous le connaissons maintenant.

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Fait particulier le parcours peu ordinaire de Georges BONHOMME: Né en 1883, déclaré comme cuisinier au moment du conseil de révision, de suite, il s’engage en 1904 à Lorient et devient alors apprenti marin cuisinier. Il est libéré en 1907.
On le retrouve alors au Savoy Hotel du Caire (Egypte). En octobre 1909, on le retrouve à Londres à la Harvard House. Mobilisé au 90e RI de Châteauroux, il décède en Grèce en 1917 au sein du 284e Régiment d’Infanterie.

Georges BONHOMME, sa fiche sur le Mémorial Indre1418soldats

 

Paul BONHOMME, sa fiche sur le Mémorial Indre1418soldats

 

22 septembre 2020

Les lendemains désenchantés du conflit

Le 90e Régiment d'Infanterie est attaché à l'histoire contemporaine de la ville de Châteauroux. Au lendemain du conflit, le régiment revient à la garnison en 1919 lors d'un retour digne des héros d'antan. 
http://indre1418.canalblog.com/archives/2015/04/12/31880820.html

Une fois la joie du retour retombée, la vie reprend sur la cité castelroussine et le régiment occupe de nouveau la caserne Bertrand. Les besoins militaires, les budgets en baisse, la refonte de la doctrine militaire ont alors raison des effectifs dits des "gros bataillons" d'avant 1914. On dissout le 68e, Le Blanc et Issoudun perdent leur garnison d'infanterie.
« Par la circulaire ministérielle no 14707 1/11 du 6 février 1920, le 68e régiment d'infanterie est dissout. Le 90e régiment d'infanterie de Châteauroux est chargé de supporter l'apurement des dettes et des créances du 68e » Sources Instruction ministérielle du 22 septembre 1920.

Cela ne s'arrête pas là. Le 1er avril 1921, Châteauroux perd un bataillon le III/90 (3e bataillon du 90e RI) qui est affecté à Tours, ensuite ce sont deux qui sont rattachés à la garnisson de Tours, restant alors un seul bataillon à Châteauroux.

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Il y restera jusqu'à la dissolution de l'unité le 4 mai 1929. La capitale du Bas-Berry perd alors le régiment qui était le sien depuis 1877 et le 32e RI de Tours devient l'héritier du 90eRI.

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28 août 2020

Un cas peu banal, le parcours chaotique d’Arthur RETY de Veuil

Depuis quelques temps déjà, sur le mémorial virtuel des soldats du département de l'Indre, je complète les fiches déjà existantes en m’appuyant sur les fiches matricules. Je rajoute alors les données concernant les parents ainsi que le lien avec la fiche matricule. Cela prend beaucoup de temps car je relis entièrement à chaque fois la fiche complète pour m’imprégner du parcours des soldats. Rien ne presse, mais je n’en suis cependant qu’aux patronymes en Big…

De temps en temps, de fidèles correspondants du blog Indre1418soldats m’envoient des informations complémentaires. Laurent Roy est de ceux-là. Il me transmet des renseignements très complets et le texte ci-dessous est quasiment le fruit de ses recherches. Je reprends donc les données transmises et vous livre le triste sort de Arthur Réty de Veuil et natif de Luçay-le-Mâle.

Retrouver une fiche issue du site « Mémoires des Hommes », un nom gravé sur un monument ou inscrit sur un livre d’or ne suffisent pas pour donner consistance aux combattants d’alors. Il y a peu, concernant Arthur Réty, je ne possédais que ces 3 éléments et il n’était qu’un nom dans une base de données et une page sur le blog départemental des Morts Indriens sur Indre1418soldats.

http://indre1418soldats.canalblog.com/archives/2016/11/27/34512053.html

Avant d’entrer dans le détail du parcours, présentons tout d’abord Arthur Réty. Ce dernier est né le 2 avril 1882 à Luçay-le-Mâle et est fils de Jean-Baptiste et de Eulalie Berton. Au moment de sa conscription il est dispensé (2e liste) comme ayant un frère au service. Il est incorporé au 90e RI en 1903 et est libéré en 1904. En 1908 et 1911, il effectue 2 périodes d’instruction au 90e RI.

Rappelé dans le cadre de la mobilisation générale, il est attendu le 11 aout 1914 et part aux armées le 25 septembre 1914. Entretemps, il est resté au dépôt de Châteauroux. De là, il suit le parcours du régiment de Châteauroux jusqu’à la date du 5 juin 1915 que la fiche matricule indique comme étant le jour de la blessure de Arthur Réty (éclat d’obus cuisse gauche) et son évacuation.

Un point est à signaler. La date du 5 juin ne correspond pas au journal de marche de l’unité. Le 90e RI ne monte en ligne au carrefour des Cinq Chemins que quelques jours plus tard, dans la nuit du 7 au 8 juin 1915

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Journal de marche du 90eRI -SHD

Réty semble plutôt faire parti des 3 blessés signalés en bilan des journées des 7 et 8 juin.

Le secteur du carrefour des Cinq Chemins est un secteur très dangereux pour les troupes. Au-devant du Bois de la Folie, au Nord de Neuville Saint Vaast, en juin 1915, il verra se succéder les régiments et les tentatives de percement des lignes ennemies et ce de manière infructueuse et mortifère pour les unités dont le 90e RI. Là, le 13 juin le régiment fit une attaque principale qui tourna très rapidement au désastre ainsi que pour son voisin le 68e RI. On y vit d’ailleurs la blessure du futur Général d’Armée Marcel Carpentier.

http://indre1418.canalblog.com/archives/2005/06/02/543220.html

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SHD 26N1288 - JMO 6eRG

Revenons maintenant à Arthur Réty, en suivant les indications de la fiche matricule. Ce dernier est donc évacué et est déclaré « aux hôpitaux du 18 juin au 3 octobre 1915. Il a donc transité de poste de secours en ambulances, d’ambulance en hôpital pendant environ une dizaine de jours. Rien n’indique son parcours hospitalier. Une demande le concernant au Service des archives médicales et hospitalières de l'armée (SAMHA) basé à Limoges permettrait éventuellement de suivre son dossier médical s’il a été conservé.

Un premier vide dans le parcours nous interpelle. La trace suivante est datée du 14 janvier 1916 où il est signalé à l’hôpital de Tours pour « Psychose hallucinatoire ».
A partir de là, le parcours chaotique s’enchaine. Il est déclaré comme « déserteur à l’intérieur » le 16 janvier et signalé « sorti par évasion » le 17 janvier 1916. Nous perdons ensuite sa trace jusqu’en novembre 1916 où la fiche matricule indique qu’il est décédé le 27 novembre 1916 à La Possonnière (49) et que le cadavre a été trouvé en Loire.
Là, il faut s’intéresser à la transcription du décès que l’on trouve à Veuil dans les registres d’état-civil :

Le vingt-sept novembre 1916, deux heures du soir, nous avons constaté le décès d'un individu de sexe masculin, dont la mort paraît remonter à 3 mois environ. D'après les renseignements fournis par l'autorité militaire, le corps est celui de Arthur Réty, classe 1902, matricule 1761, affecté au 90 RI à Châteauroux, né le 02/04/1882 à Luçay-le-Mâle, fils de Jean-Baptiste Réty et de Eulalie Berton, époux de Mélanie Rabier, domicilié à Veuil. Dressé sur la déclaration de Henri Pouzin, gendarme, 56 ans, et de Julien Lebrun, gendarme auxiliaire, 43 ans, en résidence à la Possonière.

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Cliché Laurent Roy - Etat-civil Mairie Veuil

Cela est à mettre en parallèle avec la fiche Mémoires des Hommes, il en ressort que la transcription (officielle) n’a pas pu servir pour la rédaction de la fiche MDH, le genre de mort reporté sur la fiche Mémoires des Hommes (blessures de guerre) et le classement de la fiche dans la catégorie « Mort pour la France » n’ont pas de cohérence avec la transcription de décès à la mairie de Veuil. La mention Mort pour la France ne figure nulle part sur l’acte de décès. On notera aussi que Arthur Réty figure sur le Livre d’Or de Luçay le Mâle, mais on se souviendra que la source originelle est la même pour établir le livre d’or et les fiches Mémoires des Hommes. Il figure donc sur le LO de Luçay, sa commune de naissance, car le scripteur de la fiche MDH ne connaissait pas le lieu de domiciliation du défunt (Veuil), il prit alors le lieu de naissance (Veuil est clairement indiqué sur l’acte de décès comme domicile)

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SHD - mémoires des Hommes

Un fait m’a interpellé concernant la rédaction de la fiche Mémoires des Hommes, mais je n’ai pu trouver confirmation. En bas de chaque fiche, une série de chiffre est reportée, le dernier chiffre ne serait-il pas la date du modèle de la fiche utilisée. Cela induirait que le modèle de la fiche serait de 1927 et que la rédaction en serait donc à minima de cette année 1927, ceq qui semble très tardif, pour un décès transcris dès 1916. En fouinant sur Mémoires des Hommes, on s’aperçoit que les fiches sont globalement de 1921-1922, cela qui normal et correspond à la mise en place du fichier. (Cette hypothèse reste cependant à vérifier).

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SHD - mémoires des Hommes

Quant à la réelle cause du décès, on ne saura s'il est tombé dans la Loire volontairement ou non sous le coup d’un délire psychotique par exemple.

Sur la fiche matricule, un secours immédiat de 150 francs est reporté et attribué à son épouse Mélanie Rabier. Cela confirme la mention marginale de la transcription d’état-civil ci-dessus, indiquant qu’il est époux de Mélanie Rabier. Une rapide recherche permet d’apprendre qu’ils se sont mariés le 22 septembre 1906 à Veuil (36).

Une autre source à exploiter concernant une telle recherche est celle de la presse locale. Il y a effectivement de fortes chances que la presse angevine reporte un tel fait, peu ordinaire. Après un appel à l’aide, une amie, Sylvie Bossy-Guérin, spécialiste du secteur de Cholet et des archives angevines, me fit le plaisir de me retrouver 2 articles du journal local « Le Petit Courrier », journal local du secteur d’Angers.

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Le Petit Courier, 29 et 30 novembre 1916

Découvert le 27 novembre, le corps est rapidement identifié grâce à son bracelet matricule. L’info fut transmise à l’autorité militaire qui à partir de ce matricule put à coup-sur identifier le corps repêché, il n'y a quà contacter la 9ème Section d'Etat-Major qui gère les matricules de la 9ème Région Militaire. Le journaliste, le 29 novembre était alors en mesure de signaler le fait et d’indiquer l’unité à partir des informations que l’autorité militaire voulut bien lui transmettre.

Je retiendrai deux informations issues des 2 articles que je vous laisse juge d’analyser :

 « Ce noyé a certainement par suite de la crue, été trainé sur une assez longue distance. » Le journaliste reportant ce que l’autorité a accepté de lui transmettre comme informations, ne se doute certainement pas que Arthur s’était évadé de l’hôpital de Tours à quelques 140 km de là. Rien ne dit évidemment que Arthur Réty s’est noyé dans la Loire à Tours, il s’agit là d’une distance pour donner un ordre d’idée. De plus, alors que la transcription d’état-civil indique que « la mort paraît remonter à 3 mois environ », le journaliste reporte un séjour dans l’eau de six mois. Ceci n’est pas sans poser question sachant que l’évasion date de janvier, soit 11 mois plus tôt. On notera que dans le doute, la date de décè retenue est celle de la découverte.

Nul ne saura quel chemin de misère aura suivi ce soldat du département bien loin de l’image donnée par les premiers documents d’archives consultés. Cela conforte notre démarche de recherche du maximum de sources et de la démarche qui consiste à ne pas se contenter de la première donnée trouvée. Bien qu’officielle, elle peut se montrer globalement fausse.

Un très grand merci à Laurent Roy qui au travers de ces trouvailles m’a permis de fouiller dans les archives disponibles et de débusquer les amorces d’une nouvelle vision du parcours de Arthur Réty.
Un très grand merci pour Sylvie Bossy-Guérin pour son aide concernant les archives angevines.

Que Arthur Réty repose en paix. A Veuil, on se souvient de lui sur le Monument

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cliché Alain Bréjaud

 

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3 août 2020

Martizay: Fêtes de la Victoire, le 3 aout 1919 (Réactualisé 2020)

Je collectionne depuis longtemps les documents de l’époque 1880-1918. Il y a quelques temps déjà, sur un site internet, alors même que la vente était encore en cours, un cliché m’intrigua. Il était sobrement décrit comme « CPA Photo – fête du 3 aout 1919 » . Le vendeur indiquait seulement que la famille était originaire de l’Indre et que le cliché était du 3 aout 1919, mais quelque chose me disait qu’il était important concernant l’histoire du département et du conflit.
Lorsque j’ai eu la carte en main, aussitôt de multiples détails m’apparaissaient. Notamment, au verso, je découvrais une indication primordiale :

« Souvenirs de la fête du 3 aout 1919 – Martizay ».

Le vendeur n’avait pas attaché d’importance à ce dernier mot, qui pour moi était une des clés. Nous avions le lieu de la prise de vue. Des tenues typiquement berrichonnes (Coiffes, biaudes, …)  sont  présentes dans la foule, des militaires en bleu horizon forme le premier plan. Après cette première analyse, je m’empressai donc de le scanner afin de voir les détails qui me permettront d’affiner la compréhension du cliché.

Découvrons donc ce cliché :

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Essayons tout d’abord de confirmer le lieu. Le cliché a-t-il bien été pris à Martizay ?
Hormis l’indication sur le verso du cliché, un détail confirme le lieu. En effet, au premier plan deux hommes portent une couronne sur laquelle, il est possible de lire : « Martizay à ses fils »

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Grâce à Internet, et notamment le site GoogleMaps et son application Street View, il est possible de se promener au fil des routes et rues de notre région.
Afin d’éviter de déambuler virtuellement pour rien dans les rues de Martizay, il est nécessaire d’identifier des points remarquables afin d’éventuellement les retrouver dans le paysage actuel.

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Maintenant, il ne reste plus qu’à se promener dans Martizay pour trouver éventuellement le point de vue. Après quelques hésitations, le lieu était identifié. Voici donc la vue via Google. Voici donc en 2020, le lieu de prise de vue

 

Capture

Le cliché fut donc pris "rue de la Poste". Le porche sur la droite est reconnaissable, et en partie caché par le poteau électrique actuel. Le bâtiment bicolore est celui de cette même poste, toujours existante et dont les encadrements sont composés d’une alternance de calcaire et de briques, donnant ce côté bicolore. Le lieu étant confirmé, nous allons pouvoir essayer d’analyser l’élément le plus important, les personnages.

Comme dans bons nombres de défilés, les personnes se regroupent par affinité ou conformément à un protocole défini. Or, ici, il ne s’agit pas là d’un mouvement de foule spontané et cela correspond très précisément à une manifestation qui suit un protocole bien défini.

Voici donc les différents groupes identifiables et leur position dans ce défilé:

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Essayons donc de voir le rôle, la fonction et la composition de chaque groupe.

Groupe 1:

Martizay_19190803_Defile_Recto_Groupe1

En tête de défilé, on retrouve 3 personnes. On notera tout d’abord qu’il semblerait que ce soit des anciens combattants, du moins des soldats 14-18, mais déjà démobilisés. Deux portent des décorations dont un, la Médaille Militaire et une Croix de Guerre.
La première personne, sur la droite, est le porteur du drapeau national. Comme tout défilé patriotique, les couleurs de la Nation sont en tête. Deux porteurs l’accompagnent, ceux-ci portent une couronne mortuaire sur laquelle on peut lire « Martizay à ses fils ». Il est à rappeler qu’au moment du cliché, les monuments aux morts n’étaient pas encore de rigueur. Que devint cette gerbe ? Fut-elle déposée au cimetière, à l’église. Je n’ai pas la réponse.
Pour rappel, Martizay, lors de l’érection du monument, inscrit 98 noms de ses fils sur le monument, soit 6% de sa population recensée en 1911.

Groupe 2:

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Juste derrière les « nouveaux » anciens combattants figurent 4 soldats en uniformes qui sont fêtés par la population. Chacun s’est vu remettre un bouquet fleuri. Qui sont-ils ? Essayons d’analyser les uniformes et leurs équipements pour mieux comprendre.

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De la gauche vers la droite, on peut donc voir 4 tenues typiques des années de fin de conflit. Celles-ci sont entièrement bleu-horizon. Les tenues et coiffures sont intéressantes car si aucun grade n’est visible sur les bas de manche, on notera leur diversité. La tenue de gauche est une tenue de sortie. Le képi pourrait celui d’un officier ou d’un sous-officier, il s’agit vraisemblablement d’un képi de type « manchon ». Au contraire le 3ème soldat, lui, porte une vareuse standard dite « toutes armes » typique avec un képi troupe. Les deux autres soldats sont aussi vêtus de leurs tenues de sortie et sont équipés de bonnets de police, modèle 1918 pour le soldat n°2 et modèle « Empire » pour le 4ème, sur lequel d’ailleurs, on peut apercevoir une grenade d’infanterie. Ce dernier soldat est remarquable par son jeune âge apparent.
Concernant les décorations, on notera que deux d’entre eux (1 et 4) portent la fourragère sur leur épaule gauche. Le premier soldat est titulaire de la Croix de Guerre avec palme et étoile. Il est donc au moins titulaire d’une citation à l’ordre de l’Armée.
Le premier soldat est vraisemblablement du 66ème RI (Numéros de col et de képi). Malgré un scan au maximum, il est impossible de déterminer les numéros des unités des soldats 2 (10 ?) et 3 ( ??).

Groupe 3 et 4:

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 La figure de la République, Marianne est entourée par les enfants, on devine les costumes alsaciens et de lorrains, symboles des provinces retrouvées par la « Mère-Nation ». Juste à l’arrière, les demoiselles d’honneur accompagnent le groupe. Le blanc de la virginité et de la pureté sont de rigueur et l’écharpe tricolore de circonstance.

Sur la droite, un groupe de 3 hommes, brassard au bras, surveillent et semblent réguler le cortège. Leurs tenues laissent deviner des notables locaux, dépositaire de l’autorité. Deux d’entre eux ont semblent-ils des décorations sur le revers de leurs vestes. S’agit-il de représentants municipaux, le maire et ses adjoints ? D’autorités issues d’une association patriotique ? Malheureusement, je n’ai pas d’éléments suffisants pour aller plus loin. Il est cependant à noter que sur tout le cliché, au moins 5 personnages avec un brassard sont visibles, répartis le long du cortège.

Groupe 5 et 7:

Occupons nous d’abord du groupe 5.

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Ce groupe de personnages est constitué de 10 soldats et de quelques hommes en civil. Sur le veston de quelques-uns de ces derniers, ce qui ressemble à des Croix de Guerre semble être visibles. Nous avons donc là un groupe de combattants démobilisés ou non. Pour une raison qui m’échappe, ceux-ci ne sont pas avec les groupes 1 et 2.
Parmi les militaires en tenues, un chasseur est reconnaissable grâce à sa tarte (béret de Chasseur) et à sa tenue plus foncée. Un deuxième militaire à la tenue foncée semble être un soldat des troupes coloniales (tenue moutarde ressortant foncée sur un cliché N&B.

Un militaire est à part et apparait sur le cliché. Il constitue un groupe à lui-seul, de part sa position dans le cortège.

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Isolé parmi les civils, au milieu des femmes, malgré les défauts du cliché, il semblerait bien que nous ayons là un gradé de la Gendarmerie (liseré blanc du képi). Malgré les décorations porté par notre gendarme, ceux-ci ne furent que rarement reconnus comme combattants et de ce fait, il semblerait que le protocole ne l’inclut pas dans le cortège.

Avant d’analyser le groupe 6 (foule civile) intéressons-nous aux deux groupes situés en fond de scène.

Groupe 8:

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Les enfants ont été regroupés, le blanc est de rigueur. Ils sont encadrés par un homme qui porte le brassard que nous retrouvions dans le groupe n°4.

Groupe 9:

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S’il est assez difficile d’identifier ce groupe, il est cependant nécessaire de ne pas le confondre avec le reste de la foule. L’oriflamme annonce une confrérie locale, une harmonie municipale ou plus simplement l’association des anciens combattants de 1870. Difficile de se prononcer.
En général une harmonie est en début de cortège, je vois mal une confrérie locale dans un défilé patriotique, s’il s’agit d’une association d’anciens combattants, l’étendard alors utilisé est confectionné sur la base du drapeau tricolore. Ce groupe reste donc mystérieux.

Groupe 6:

Intéressons maintenant à la foule qui constitue le groupe 6 et qui est bien évidemment le plus divers.

Martizay_19190803_Defile_Recto_Groupe6_Veuves

Même au sein de cette foule, des groupes se sont constitués. Le plus voyant est celui des veuves, des personnes en deuil. Celles-ci sont reconnaissables par leurs tenues noires et leurs voilettes.
Il est à noter la séparation entre femmes et hommes, chacun occupe un côté de la rue de la Poste. Il est intéressant de comparer ce rituel, avec celui alors en vigueur lors des cultes, dans les églises. La séparation se poursuit dans le cérémonial républicain.

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Il est aussi plaisant de voir certains personnages constituant cette foule.

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Tous les tenants de la population sont là. La biaude côtoie le châpeau melon. Les coiffes et les capelines donnent la réplique aux chapeaux dernier cri, "à la mode de Paris".

Il est intéressant de noter que nulle part, on remarque la présence du clergé. Il s’agit bien d’un cortège « républicain ».

Voilà une étude qui se termine et que je sais d’avance imparfaite, je vous laisse la main si jamais vous avez des remarques.


 

2015, une mise à jour:
Un ajout essentiel à la compréhension de l'évennement grâce à l'envoi d'un correspondant du blog. Eric Bernard collectionne lui aussi les photographies d'époque. A la recherche d'informations, il est tombé sur ce message et nous fait profiter de sa trouvaille: 3 photos de ce même 3 aout 1919, à Martizay. Comme pour mon cliché, il s'agit de tirages photographiques, sans indications au dos, mais le point de vue permet de déterminer qu'il s'agit bien du même photographe.

Les 3 clichés viennent confirmer l'analyse déjà effectuée et les hypothèses émises en 2014,(voir ci-dessus). Voici donc les 3 clichés:

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Concernant l'oriflamme cloturant le défilé, il est maintenant plus facilement déchiffrable. Certes pas entièrement, mais divers éléments permettent de percevoir le rôle de l'association concernée.

Vraisemblablement, il s'agit d'une association d'entraide (le dessin représente une poignée de main), de plus la date de création de l'association est clairement lisible (1895)

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Grand merci à Eric pour son aide et son partage désintéressé de documentation.


 

Voici un article du "Journal du département de l'Indre" du 8 août 1919 évoquant la journée du dimanche 3 août 1919 désignée sur le plan national pour être la Fête de la Reconnaissance nationale (envers les Poilus entrés en guerre 5 ans plus tôt) qui m'a été transmis par Jean Louis Laubry, un historien local et ancien directeur du Centre d'Etudes Supérieures de Châteauroux (Merci à lui).

Celui-ci me rajoute dans son mail: "Les "grandes" villes ne la firent pas, réservant leur énergie pour accueillir le retour de leur(s) régiment(s), les petites communes rarement. Ce sont surtout les gros bourgs (de type chef-lieu de canton) qui marquèrent cette journée".

Martizay faisait donc parti de ceux là.

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La mise en parallèle, 101 ans plus tard

 

 

 

18 mai 2020

Un thenaisien cité en exemple, François CRECHET, absent des monuments et de Mémoires des Hommes

"On a rapporté récemment un cas de transfusion effectué avec plein de succès à Montpellier par le docteur Jeanbrau et le professeur Hedon. Notre photographe représente les deux frères d'armes, devenus frères de sang, vingt-cinq jours après la transfusion qui sauva l'un grâce au sacrifice de l'autre: à gauche, le soldat réserviste Créchet, du 68e de ligne, amputé après une terrible hémoragie; à droite, le "donneur", Emile Barthélémy, du 81e de ligne, légèrement blessé à Gerbeviller".

Voici aussi ce que rapportait le journal local "L'indépendant du Berry"du 15 novembre 1914

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L'indépendant du Berry se trompait dans son article concernant l'origine du soldat, car celui-ci n'est pas argentonnais, mais originaire du canton de Saint Gaultier.

François CRECHET était natif de Thenay (36) où il vit le jour le 19 juillet 1882, fils de Louis et de Mathieu Françoise. Il effectua son service militaire au 32e Régiment d'infanterie du 16 novembre 1903 au 23 septembre 1905.
En 1907, il épouse Marie GEORGET, le 17 décembre à Ciron (36).

En 1909, il effectue une période au 68e RI du Blanc.
Mobilisé, il est appelé à la date du 11 aout 1914, où il se présente au Blanc. Affecté au 68ème régiment, il est grièvement blessé le 20 septembre 1914 au cours d'une attaque et a été amputé de la cuisse gauche.
Il obtient la Médaille militaire (JO du 22 aout 1915) et est titulaire de la Croix de Guerre avec palme (Citation à l'Armée).

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Proposé à la réforme, il est renvoyé dans ses foyers le 24 mars 1915.

Il décède le 20 décembre 1923 à Thenay (36). Son acte de décès comporte la mention "Mort pour la France" le maire jugeant la mort liée aux conséquences du conflit (information fiche SEHCSG voir ci-dessous)

Cependant, il ne figure pas sur le Monument aux Morts de Thenay (36), ni sur le site ministériel "Mémoires des Hommes"

Sa fiche matricule aux archives départementales de l'Indre

Sa fiche sur le mémorial de la Société d'Etudes Historique du Canton de Saint Gaultier
http://sehcsg-memorial.over-blog.com/2019/01/fiches-thenay.html#18

 

Sources:
L'Illustration 21 novembre 1914 n°3742 page 394
L'indépendant du Berry 15 novembre 1914

2 mai 2020

Un capitaine castelroussin tombé à Montécouvé, Jules Barrault du 90e RI.

Il y a peu, je faisais part du projet de reconstruction du monument de l’Orme de Montécouvé, dans l’Aisne. Au moment où j'écris, je ne sais quand le projet aboutira, mais il aboutira (voir le lien) et il est important de souligner l’importance de ce monument et surtout les faits qui y sont liés. Je vous invite donc à découvrir au travers du message précédent ce que fut la dernière bataille des régiments de l’Indre.

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Général Dubail, Maréchal Fayolle, "La guerre racontée par nos généraux" (1920).

 En parallèle à ces événements et à cette publication, cette année, par l’entremise d’un message de Didier Bléron sur les réseaux sociaux, Jean-Marc Acolas de Châteauroux s’est présenté comme descendant du capitaine Barrault du 90e RI, ce qui tout de suite nous intéressa. Le capitaine Barrault, natif de Châteauroux, fit tout sa carrière au 90e et tomba lors de la bataille de Montécouvé. Son parcours mérite d’être repris ici.

 

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 Né en 1896 à  Châteauroux, le 26 avril, il est fils de Georges et de Madelaine Fragnet. Son père est vigneron et sa mère cigarière. Elle travaille donc à la Manufactures de Tabacs de Châteauroux. La famille habite alors rue du Four à Chaux à Châteauroux.

A partir de sa fiche matricule présente aux archives départementales de l’Indre, il est possible de retracer son parcours individuel

Alors déclaré comme cordonnier, au moment de son conseil de révision de mars 1907, il est classé dans la 3e partie, celle des engagés volontaires. Effectivement, depuis le 1er octobre 1906, il s’est engagé pour 3 ans auprès du 90e régiment d’Infanterie de Châteauroux. Le mois suivant, il intègre le régiment comme soldat de 2e classe. Il passe caporal en avril 1907 et sergent en 1908.

Le 8 décembre 1908, il contracte mariage à Châteauroux avec Augustine Bourgeois (24 ans)

En 1909, il se rengage pour 2 ans et il prolonge à nouveau de 3 ans en 1911. Lors de la mobilisation d’aout 1914, il est alors nommé sergent-major.

Du fait de ces capacités, de son expérience acquise, mais aussi afin de combler les trous dans les effectifs d’encadrement, il est choisi pour intégrer le corps des officiers. Au lendemain des lourdes pertes liées à l’engagement du 9 mai 1915, il passe donc au sein du 125e Régiment d’Infanterie (Poitiers) comme sous-lieutenant à titre temporaire (Décision ministérielle du 11 mai 1915). Le 125e RI est un régiment d’Infanterie du même Corps d’Armée que le 90e. Il rejoint d’ailleurs ce dernier en janvier 1916 et est nommé lieutenant à titre temporaire à compter de novembre 1916.

  Cité à l’ordre 46 du 01/12/1916 « Jeune officier courageux et dévoué qui s’était déjà distingué à Verdun. Commande très bien sa Cie de mitrailleuses. A fait preuve des plus belles qualités militaires pendant la période du 26/10/1916 au 01/11/1916 et celle du 4 au 7 novembre et a été un collaborateur précieux pour le Cdt de Bataillon. A fait spontanément la reconnaissance de la ligne nouvellement acquise pour placer ses pièces » Bataille de la Somme

Cité à l’ordre 26 du 26/08/1917. « Officier modeste mais de réelle valeur a contribué à la défense du secteur du Bataillon en recherchant des emplacements de pièces de mitrailleuses malgré la violence du bombardement » Bataille de l’Aisne Juillet 1917

Après des nominations à titre définitif courant 1917 et 1918, il passe capitaine en mai 1918. Il commande alors la 1ère Cie de Mitrailleuses.

A propos de la disparition du capitaine Barrault, reportons-nous sur le Journal de Marche et Opérations du 90ème Régiment d’Infanterie. On y lit:

24 août 1918 :
Ordre du jour du Colonel DETANGER : « La position de Montécouvé est une position de toute 1ère importance. Le régiment a le devoir et l’honneur de le conserver. »
L’ordre est donné de consolider la position, de talonner l’ennemi à la grenade et d’atteindre les objectifs : Crécy-au-Mont – Juvigny.
L’ennemi veut tenter encore une fois la chance. A 6h du matin, après une forte préparation, il se lance à l’assaut. Un instant, les éléments avancés du régiment cèdent du terrain, mais avant que l’ennemi ait pu s’installer sur la position le III/90 (Bataillon de soutien) réagit avec une belle promptitude que la position est reprise et dépassé. 4 prisonniers sont capturés dont 2 sergents et 1 unterofficer. De nombreux cadavres allemands sont restés sur le terrain. L’Orme de Montécouvé est en notre possession complète.
Le Capitaine LEBLANC (10e Cie) a été blessé. Le Chef de Bataillon GODARD (III/90) est proposé pour officier de la Légion d’Honneur.

25 août 1918 :
Ordre d’attaque pour la journée
Objectif : 0369 – tête du ravin des Ribaudes – plateau situé à 400m Est de la Cote 159.
Forte préparation d’artillerie, barrage roulant : 100m en 3 minutes. Heure H 10h 5
En ligne : II/90 à gauche, I/90 à droite. La progression se trouve arrêtée à la tranchée de Cardiff. 45 prisonniers restent entre nos mains dont 1 lieutenant et 1 stellevertreler. L’Aspirant PHILIPPE de la 2e Cie se distingue particulièrement. Il bouscule l’ennemi à la grenade dans la tranchée de la Ferme de Montécouvé, fait de sa main 3 prisonniers dont 1 officier et, aidé du Sergent GOURON de la 3e Cie tue 4 Allemands.
Pertes : Le Sous-lieutenant MOTTEL de la 11e Cie et le SLtn MOUDDEY de la 9e ont été tués. Le Lieutenant ROUSSEAU (10e) est blessé ainsi que les Sous-lieutenants MASSIES (10e), BELLET (11e) LECAIN (11e) JEAGER (7e) SABLEAUX (1ère Cie). L’Adjudant-chef téléphoniste BAUBY tué à la ferme de Mareuil. Disparu : Le Capitaine BARRAULT (CM1) dont la tombe a été retrouvée après le recul ennemi.

Le régiment, très éprouvé, est relevé dans la nuit du 25 au 16 août par extension du 339e RI (64e DI) Il est rassemblé aux environs de la Ferme Saint-Léger (Ravin de Vézaponin, champs des Lattes). Stationnement en bivouac, formation largement échelonnée.

Le JMO a été écrit après coup par le rédacteur, pas au plus fort de la bataille. La sépulture avait été retrouvée, dès le retrait des troupes allemandes. Le corps fut inhumé par les soldats allemands ou du moins, les prisonniers français aux mains des Allemands.

Ceci nous l’apprenons par le biais d’un courrier que la famille possède encore actuellement. Voici l’extrait dune copie d'un courrier expédié du Dorat (Haute-Vienne) le 26 novembre 1918 par un nommé A. ou G. IMBERT pour la veuve de Jules BARRAULT et qui écrit : " ... Je dus, sous la menace des boches creuser la fosse et enterrer celui qui avait été plutôt un ami qu'un chef. Je l'ai enterré dans un bois dont j'ignore le nom en face du poste de secours. Une croix a été posée sur sa tombe avec l'inscription : capitaine Jules Barrault, 90ème régiment d'infanterie. Il me serait très facile de montrer l'endroit exact de la tombe, quant à indiquer le nom, je ne le puis. Fait prisonnier et emmené en captivité, je n'ai pu vous avertir. Il m'était impossible d'écrire à ma famille et je ne pouvais donc pas vous annoncer combien il m'avait été pénible de voir mourir mon chef. Malgré la peine, j'ai dû sous peine de coups, jeter la terre sur le corps de mon pauvre capitaine ... ".

Imbert ne sut pas de suite que la sépulture fut retrouvée, étant captif. Une fois libéré, il informa la famille de « son » capitaine. 

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Photo cimetière provisoire de Montécouvé

Retrouvée, la dépouille fut-elle laissée sur place ? Fut-elle transférée au sein du cimetière provisoire de Montécouvé ? Toujours est-il que le corps fut rapatrié à Châteauroux le 21/06/1922 à la demande de madame Barrault Veuve, demeurant 32, rue de la Brauderie à Châteauroux.

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Sources AD36 – 791W120 37e Convoi

Autre élément disponible, 

La fiche « Mémoires des Hommes » du « Ministère des Pensions, des Primes et des Allocations de guerre » d’alors :
https://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/fr/ark:/40699/m00523a049850303/5242c0eebe1ca

Jean Marc Acolas m’a confirmé que la sépulture est toujours présente au cimetière Saint-Denis. De plus, il m’a transmis l’information suivante. La famille possède toujours le sabre et le képi de grande tenue du capitaine Barrault, ainsi que diverses affaires du capitaine Barrault. Fait remarquable, la doublure du képi contient encore de nos jours des feuilles qui furent trouvées sur la sépulture originelle.

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Cliché Jean Marc Acolas

A titre posthume, le capitaine Barrault fut décoré de la Légion d’Honneur au grade de Chevalier et se vit décerné la Croix de Guerre avec Palme
Son nom figure sur le monument aux morts de la ville de Châteauroux, ainsi que sur le livre d’Or communal.

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Monument aux morts Ville de Châteauroux
Cliché Huguette Mauduit

 

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Livre d’Or de la ville de Châteauroux
Archives Nationales - FRDAFAN85_OF9v078666


 

p4

31 mars 2020

1918, 2020: Grippe, coronavirus, une mise en parallèle sanitaire, littéraire

Loin de moi, l'envie de reprendre toute l'histoire de la grippe espagnole qui sévit tant au front qu'à l'arrière durant l'année 1918 et qui sévira jusqu'en 1919 dans le secteur d'Argenton par exemple.
Pour cela, je vous invite à le découvrir au travers de l'article du docteur Catherine Rogier, article intitulé "La grippe "espagnole" à Argenton en 1918-1919" paru en fin 2019 dans le bulletin n° 36 du Cercle d'Histoire d'Argenton.
Datant de novembre, cependant je cite ici en préambule la dernière phrase de madame Rogier concluant son article:
"Puissions-nous tirer les leçons de cet épisode dramatique, pour ne pas affronter démunis, la prochaine pandémie"

Dans un but de témoignage, je ne reprend ici qu'un extrait de carnet de Raymond Rollinat qui reporte à plusieurs fois les effets de l'épidémie dans le secteur d'Argenton et ce afin de mieux mettre en parallèle l'évènement d'hier et notre vécu d'aujourd'hui.

Mercredi 16 octobre (1918)
Cette nui: +4°c Nuages
A midi, à l'ombre +9°c
A midi, pluviométrie Eau 4,1

A 8h, train sanitaire allant vers le front. Le train militaire de 6h43 passe à 8h30, avait 4 wagons de soldats et 2 wagons fermés et, en plus, le fourgon du chef de train comme chaque jour.
A 8h50, passe un train de blessés. A 9h20 long train de permissionnaires A 10h45 grand train sanitaire américain allant au front.

Les journaux du matin publient la réponse de Mr Wilson au gouvernement allemand. Il semble vouloir traiter ni avec Guillaume II ni avec les représentants de la cate militaire allemande et semble inviter le peuple allemand à se débarrasser de la domination de  gens qui ont laissé le monde dans une guerre effroyable et ont utiliser pour essayer de la gagner, les moyens les plus féroces. S'il y avait armistice, ce sont les chefs miltaires interalliés qui en imposeraient les conditions.
M. Caillaux, député, ancien président du conseil des ministres, MM. Lonstalot, député et Comby, avocat, seront envoyés devant la haute cour de justice.
A midi 15, long train de chevaux allant vers le Sud accompagnés de soldats américains
A1h50, allant vers le Nord, long train de chevaux conduits par des soldats américains.
Au train de service de 3h47, 3 wagons de soldats américains et 9 wagons d'affuts de 75 réparés et sans roues.

J'ai terminé mes vendanges aujourd'hui et ai récolté en tout un tiers en moins que l'an dernier. J'ai payé: Vendangeurs non nourris 10frcs par jour, Vendangeuses non nourries 5 frcs par jour. La qualité du raisin était moins bonne que l'an dernier. En beaucoup de vignobles d'ici et des environs, la récolte a été aussi abondante que celle de l'an dernier

L'épidémie de grippe sévit fortement ici, dans nombre de maisons, plusieurs personnes gardent le lit.
A Limoges, à Châteauroux, il en est de même, des jeunes gens et des jeunes filles d'Argenton, en pension dans les lycées ou collèges de ces villes sont revenus dans leur famille. En général, si beaucoup de personnes sont atteintes, il y en a peu qui meurent.
En raison de l'épidémie de grippe, la grande réunion sportive qui devait avoir lieu prochainement à Paris est [illisible] jeunes gens d'ici, qui appartiennent à la classe 1920, devant prendre part à cette manifestation et s'étaient sérieusement entrainés pour cela. Un sous-officier les instruit presque chaque soir au stand couvert, près de la gendarmerie.
les exercices de tir ont lieu de temps à autre, dans une sablière située non loin du cimetière et qui servait de champ de tir à l'ancienne société de tir, gymnastique et instruction militaire d'Argenton.

En Belgique, la ville de Memin a été prise. Belges, Anglais, Français, Italiens et Américains progressent sur différents points du front occidental. Les troupes britaniques sont aux portes de Lille.
Les dépenses de guerre de l'Angleterre sont de 174 millions et demi par jour
Au front d'Orient, les Italiens ont occupé Durazzo en Albanie, capturant des prisonniers et du matériel. En Serbie, la cavelerie française est entrée à Pviot??
Une révolte a éclaté à Prague en Bohème. On dit que la consternaion croit de plus en plus en Allemagne.

Les trains de service transportent, chaque jour et dans les deux directions beaucoup de soldats voyageant individuellement. il en est de même des trains directs et des express, mais dans tous ces trains l'affluence des voyageurs civils est telle que beaucoup de personnes serrées les unes contre les autres, voyagent debout et font ainsi, et non sans grande fatigue, de longs parcours.
Ici des officiers américains s'occupent du logement des troupes qui vont venir sous peu.

L'armée allemande a fait partir une grande partie de la population civile des villes et villages de France qu'elle est forcée d'abandonner sous la poussée des Alliés; des milliers de malheureux, dénués de tout, se trainent sur les routes de Belgique, escortés de soudards teutons.

Les quantité de céréales laissées aux cultivateurs pour les ensemencements sont déjà changées. Elles seront de:
Blé 195 kilos à l'hectare, Orge 175 kilos, Seigle 175 kilos, Avoine 180 kilos, Méteil 185 kilos, Mais 80 kilos, Sarasin 80 kilos.

La mise en parallèle avec notre actualité est très intéressante. Dans l'extrait choisi, nous n'en sommes qu'au début de l'épidémie. La mesure du danger qui pèse n'est pas encore prise en compte. Point de confinement, les écoles cependant fermées, la promiscuité des transports, le nombre important de déplacements liés au conflit sont autant de points de comparaison avec notre épisode actuel.

Concernant Raymond Rollinat: sa notice Wikipédia

 

bulletin-36

Cercle Histoire Argenton
Bulletin n°36 - 2019

16 février 2020

"Vivre à Saint-Gaultier pendant la Grande Guerre" conférence le 26/03/2020

Mise à jour mars 2020: Suite au COVID19, la conférence est annulée


Voilà une conférence bien intéressante. Au travers de la correspondance d'un couple demeurant aux Pauduats, commune de Saint-Gaultier, Daniel Bernard nous fait revivre les tracas, les peines, les joies, les 'on dit" de la vie d'un village. L'homme est parti, la ferme et ses obligations chamboulent le rôle de chacun.
Il s'agit là de l'analyse d'une correspondance d'environ 200 lettres que Daniel Bernard nous propose.

Cela me touche d'autant que ma famille sur Malicornay fut, comme bien d'autres, concernée par ce type d'aléas, mais aussi que ces courriers sont miens et que je les ai trouvé courant 2013 sur le net, via un site de brocanteur effectuant la dispersion d'une succession. Le sujet 14/18 n'était pas encore d'actualité et n'ayant pas les billes pour en faire quelque chose, je préférais les confier à Daniel Bernard qui, lui, saurait les mettre en valeur.
Et, c'est ce qu'il fit.
Cette correspondance a fait l'objet d'une excellente première analyse lors du cycle de conférences qui se tint en novembre 2014 à Châteauroux dans le cadre de la journée "L"indre et la Grande Guerre 1914-1920)" sous l'égide du CREDI.

Je ne peux donc que vous conseiller cette conférence.

 

Poitrenaud 001 

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DanielBernard

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