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Indre 1914-1918 - Les 68, 90, 268 et 290e RI
20 juillet 2023

Pommiers 1914 "Il devait être fait prisonnier sa m'étonne beaucoup comme il écrit pas"

En 2020, Pascal a répondu à mon appel à propos de la possibilité d'établir des notices de soldats à partir des données en possession des familles. Il me  signala qu’il possèdait quelques lettres de poilus et qu’il était prêt à les diffuser si cela m’intéressait. Et pour preuve, il mettait en ligne le scan d’une enveloppe ayant rapport avec un soldat de Pommiers.
Bien évidemment, je m’empressais de cliquer sur le bouton « j’aime », d’autant que cette enveloppe était intrigante, couverte d’annotations diverses et démontrant un parcours compliqué, il s’agissait d’une missive de recherche d’un prisonnier, qui navigua de France vers l’Allemagne, en Bavière et oblitérée en 1915 à Châteauroux.
Par le biais des lettres transmises par Pascal, je me propose donc de suivre le parcours du soldat Hémery originaire de Pommiers, canton d’Argenton-sur-Creuse et au travers de ce portrait de retracer la recherche du soldat prisonnier par ceux restés au pays. Il est cependant à préciser que la correspondance complète n’existe plus et est donc parcellaire, ne facilitant pas nécessairement la compréhension du cheminement emprunté.
Afin de ne pas dévoiler tout de suite le parcours de Emile Gabriel Hémery, volontairement, je ne vous donnerai le lien vers sa fiche matricule qu’en fin de ce message.
Comme tous les soldats nés en 1892, fils de André et de Meunier Marie domiciliés à Pommiers, Emile a effectué son conseil de révision en 1913 à Eguzon, l’année de ses 21 ans. Il a rejoint ensuite son unité le 10 octobre 1913 afin d'être incorporer pour effectuer son service militaire. Il est affecté au sein du 13e régiment d’infanterie de Nevers (Nièvre).
En août 1914, il ne fut donc pas mobilisé car se trouvant déjà sous les drapeaux, mais bel et bien concerné par les faits de guerre. La première lettre présentée par Pascal est donc celle que Emile envoie à son oncle avant de partir au front. Nous sommes déjà en guerre et même s’il essaye de faire bonne figure, la sérénité n’est pas totalement présente. Le thème de l’espérance revient plusieurs fois, mais aussi la résignation.

Nota : l’orthographe d’origine a été préservée

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Nevers le 5-7-1914
Cher oncle
Je fait réponse à votre lettre que je suis très contant d’apprendre que vous etre en bonne santé pour moi sa va tres bien et ce soir nous parton esperant que l’on reviendra mais nous l’on y part de bon cœur et si sa tenait qua nous l’on remportera la victoire mais je vous  dirais  que sa se debroille pas beaucoup car a l’heure que l’on est il y a longtemps que l’on devrait sur la frontière enfin ne vous tourmentez pas pour moi mais je pense que la misère doit est grande dans les villes et les campagne.
Je ne vois plus rien a vous dire pour le moment.
Je termine cette lettre en serrant la main

Hemery Gabriel
9e Compagnie 13e regiment
A Nevers sa ne change pas
Je vous remerci beaucoup pour l’argent que vous m’avez cher oncle. Jespere que tout vu ne partira pas mais moi jai bien de chance de ne pas revenir car je suis à la 1ère compagnie du bataillon et 1ère escouade de la compagnie mais enfin jai toujours espérance

(Note IndreGrandeguerre: A noter l'incohérence de date, nous sommes plutôt le 05/08/1914 au vu du texte)

Avec cette lettre se termine le contact que nous avons avec Emile Gabriel Hémery. Point d’autres lettres, pas de photos.
La seconde phase commence. Au pays, plus de nouvelles, la famille s’inquiète, le temps passe. Afin de comprendre, il est important de retracer une rapide parcours du 13e Régiment en ce début de conflit et notamment jusqu’au 20 août 1914, date essentielle dans le parcours d’Emile.
Pas de chance, le Journal de Marche et Opérations de cette unité n’existe plus, il est donc nécessaire de s’appuyer sur d’autres sources afin de retracer ce parcours.
Le 13e RI fait partie du 8e Corps d’Armée avec notamment le 29e RI d’Autun avec qui il forme brigade. Dans ce corps d’armée, on retrouve le 95e de Bourges et le 85e de Cosne sur Loire, 2 autres régiments où bon nombre d’Indriens furent affectés.
Le 13e RI quitte Nevers le 5 août et se rend en Lorraine. Il reçoit le baptême du feu le 14 août et franchit la frontière à la suite. En Lorraine annexée, il se rend en direction de Sarrebourg. Les 19 et 20, le contact est alors tout autre et les 2 bataillons chargés de l’attaque battent alors en retraite, laissant de nombreuses pertes sur le terrain. La bataille de Sarrebourg est perdue et Emile Gabriel Hémery fait partie de ceux restés sur le champ de bataille.

La longue attente des nouvelles commence. Le premier indice retrouvé est une lettre du front envoyée par le soldat Constant Meunier, neveu de Sylvain Meunier et donc cousin par alliance avec Emile Gabriel Hémery.

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Le 13 décembre 1914
Cher oncle et tante
Je profite d’un petit moment pour vous envoyer de mes nouvelles qui bonne pour le moment et je desire qu’il en soit de même envers vous tous. Je ne suis pas loin des boches en ce moment. Je suis à Saint Agnant meuse.
Mais sa fait rien il ne me font pas peur pour ça et on va se dépécher de les envoyer chez eux et une fois qu’il vont commencer à s’en aller j’espère qu’on va leur faire une poursuite qui ne va pas les faire rire. Auhourd’hui nos canons poussent quelque chose et eux ne répondent pas.
Je pense que bientôt sa sera fini et reourner au pay fêter la victoire. Elle nous appartient et nous l’aurons et après nous serons tranquilles pour longtemps. J’ai demander quelques renseignements sur Gabriel il m’ont dit qu’il avait été blessé à Sarrebourg et qu’il devait être fait prisonnier sa m’étonne beaucoup comme il écrit pas.
Plus rien à vous dire pour l’instant je termine ma lettre en vous embrassant tous de tout mon cœur.
Votre neveu qui vous oubli pas
Meunier Constant au 13e d’Inf.
11e compagnie Nevers Nièvre
Service en campagne.

Il est à noter que Constant répond à un questionnement de la part de son oncle Sylvain sur le sort de Emile Gabriel. Ils sont tous les deux dans le même régiment, l’un à la 9e Compagnie, l’autre au 11e. Ils étaient cependant dans le même bataillon (3e) et ont donc connu les mêmes aléas.
A ce point, il est important de signaler que Constant MEUNIER, aussi de Pommiers, n'en reviendra pas. Sa fiche sur le mémorial départemental est accessible ici (Cliquez sur le lien).

Le courrier suivant transmis par Pascal nous projette en 1915 et concerne la recherche des nouvelles du disparu:

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Châteauroux le 30 mars 1915
Monsieur le Trésorier payeur
J’ai l’honneur de venir solliciter de votre haute bienveillance pour me donner le n° Matricule de Héméry Emile Gabriel soldat au 13e d’inf 9ème Cie disparu depuis le 20 aôut à la retraite de Sarrebourg et à cette date s’il y avait plusieurs soldats du nom de Hémery à la 9e Cie.
Veillez et agréer Monsieur le Trésorier votre dévoué et humble serviteur
Meunier S.
Employé des PTT
8 avenue du Général Ruby
Châteauroux

Annotation rajoutée « 4859 Blessé le 20 août » et « c'est mon neveu »

La famille cherche dans toutes les directions possibles à obtenir des nouvelles, le 9 avril 1915, l’organisation d’aide aux disparus « Les nouvelles du soldat », basée à Paris conseille l’envoi d’un courrier au soldat Hémery qui serait à Grafenwohr.


Ainsi, des nouvelles sont demandées par Sylvain Meunier, l’oncle maternel du soldat Hémery qui s’adresse au régiment. 15 jours plus tard, une réponse parvient à l’oncle :

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Le 13 avril 1915
Monsieur
En réponse à votre présente lettre, je m’empresse de vous donner le renseignement demandé concernant votre neveu, le soldat Hemery Emile, son numéro matricule est 4859. Au 20 août, il y avait à la 9ème compagnie un autre Hemery Henri Silvain Paul, n° Mle 4860 tué à l’ennemi el 25 septembre 1914.
Tout ce que l’on sait à la 9ème compagnie sur le soldat Hemery Emile, votre neveu, c’est qu’il a été blessé le 20 août à Sarrebourg (Lorraine annexée).
Si vous êtes sans nouvelles de lui depuis cette date, il y aura lieu de prévenir l’officier de détails qui dressera un acte de disparition, et cet acte vous sera adressé par l’intermédiaire du ministère de la guerre ; il vous servira ensuite de point de départ pour une enquête et, si besoin est, pour une procédure de déclaration d’absence par les tribunaux civils.
je vais, de suite, faire le nécessaire à ce sujet.
Recevez, monsieur, mes salutations empressées
Un soldat du 13e

Des demandes sont donc effectuées auprès de la Croix Rouge ainsi qu’auprès d’organismes s’étant fait spécialité de la recherche des disparus.

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Courriers provenant de l'association "Les nouvelles du soldat" suite à courrier de la part de la famille.

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Fiche CICR recto-verso (Comité International de la Croix Rouge)

cliquez sur l'image pour accèder au dossier CICR

Monsieur Meunier, employé des Postes apparait comme demandeur principal (haut de la fiche)

Les demandeurs d’enquète auprès du CICR en bleu en bas de la fiche :
L’organisation « Les nouvelles du soldat »
les parents « Hémery Béthenet Pommier »
Mme Michaud de Malakoff (Seine) (sœur ? tante ?)

D'autres courriers sont en possession de Pascal, ceux-ci nous font partager les échanges entre les différents membres de la famille, les espoirs, les désillusions. Au final, l’état français, le ministère de la Guerre fut informé le 18 avril 1915 d’un avis officiel de décès signalant que Emile Gabriel Hémery était décédé le 19 septembre 1914 à l’hôpital de Grafenwohr des suites de blessures de guerre et qu’il avait été inhumé par les soins des autorités allemandes.
Rien n’indique quel fut le moment et la forme de l’annonce du décès. Sur l’enveloppe partie vers Grafenwohr le 24 mars 1915, il a été rajouté en rouge la mention du décès certainement au moment de son retour vers la famille:

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L'enveloppe qui fut envoyée de Châteauroux vers Grafenwohr le 24/03/1915 et qui revint annotée de la triste nouvelle

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Le parcours militaire de Emile Gabriel HEMERY résumé en 6 tristes lignes.

Sa fiche matricule complète est consultable aux archives départementales de l'Indre et accessible en ligne ICI

Il figure aussi sur le blog du mémorial départemental Indre1418soldats


 Concernant le camp de Grafenwhor, un témoignage intéressant puisque émanant du médecin major de 1ère classe Védrines, médecin-chef du 85e régiment d’infanterie sur la bataille de Sarrebourg (18 au 20 août 1914), présentent l’arrivée des médecins et blessés français détenus au camp de Grafenwöhr (Bavière). Le 85e RI faisant parti de la même Division d'Infanterie (16e) que le 13e RI.

http://hopitauxmilitairesguerre1418.overblog.com/2014/01/les-medecins-militaires-fran%C3%87ais-detenus-au-camp-de-grafenwohr-1914.html

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Un fait particulier fut le retour de la dépouille du soldat Hémery au pays. En effet, lors du dépouillement des relevés de cimetière du département, en abordant le cas du cimetière de Pommiers, il apparut que la dépouille fut rapatriée en France et qu’une sépulture en porte l’indication. Le fait remarquable est la date de ce retour de corps, car cela ne se fit qu’assez tardivement, en 1927.

Une date assez éloignée des habituels retours de corps des années 1920/1921 organisées par l'Etat français et le ministère des Pensions.

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la sépulture familiale au cimetière communal de Pommiers (36)


On notera qu'une rapide recherche sur le site Généanet nous permet d'accèder à une fiche généalogique concernant directement Emile Gabriel HEMERY

https://gw.geneanet.org/hemery3?n=hemery&oc=&p=emile+gabriel

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A propos des organismes de recherche des disparus, on s'intéressera à un article daté du 25/04/1915 issu du quotidien "Le Journal" et accessible sur Retronews. Cet article de Edouard Herriot (maire de Lyon) récapitule les possibilités et les organismes de recherche d'alors:

Article1

 


Rajout du 25/01/2020.

Pascal m'a transmis cette semaine une transcription d'une nouvelle lettre familiale datée de juin 1916. Cette lettre ne vient pas du front mais témoigne des difficultés quotidiennes rencontrées par ceux qui sont restés au pays.

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Bord le Jeudi soir
Juin
Chère tante
J’ai reçu ta lettre il y a déjà plusieurs jours, j’ai retardé un peu à te répondre parceque en ce moment nous sommes très occupées ma grand-mère et moi, nous avons la vigne a acoler et a faire labourer, les pommes de terre à faire biner et il n’y a pas moyen de trouver quelqu’un, il n’y a que Pierre Cottit qui pourra venir pendant quelques jours aussi il faut bien …. tout le monde …..mette, surtout que …. année elles sont pl…. De chiendent il y a du travail.
Le facteur nous a dit qu’il devait y avoir un service pour votre neveu Gabriel jeudi le 10 juin et ce matin il nous a dit que c’était retardé que ce serait le jeudi d’après c’est à dire le 17.
Je croyais qu’il était prisonnier ces pauvres gens n’ont pas de chance n’avoir que celui là et de le perdre comme ça.
Mon oncle Octave doit être toujours à Châteauroux. J’espère ….il y restera et Eugène Pacaud le voyez-vous souvent probablement qu’il aimerait mieux être là qu’à Châteauroux il doit ‘s’ennuyer.
Aussitôt que nous serons un peu débarassées de l’ouvrage j’irai à Châteauroux c’est peut-être déjà trop tard pour me faire plomber les 2 dents qui me font mal car elles sont bien gatées mais je ferai toujours soigner les autres.
Ma mère a écrit ce matin ils sont toujours au même endroit elle dit que si on a besoin d’elle pour les foins et les moissons qu’elle viendra mais elle n’a pas l’air d’y tenir plus que ça.
Tout le monde va bien et vous embrasse bien fort
Votre nièce
Yvonne
Tu diras à mon Oncle Octave qu’il n’est qu’un flégnard il n’a pas encore écrit depuis qu’il est à Châteauroux.

 

Pour information, Bord est un lieu-dit sur la commune de Gargilesse en direction de Cuzion.

 

Merci à Pascal pour les documents transmis, merci à Didier pour les recherches CICR

 

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Commentaires
I
Tous mes bons voeux en retour pour l'année tout juste entamée.<br /> <br /> A propos de Fernand, il est possible de compléter sa fiche<br /> <br /> http://indre1418soldats.canalblog.com/archives/2014/09/26/35104046.html<br /> <br /> Cordialement<br /> <br /> Jérôme
Répondre
C
Bonjour Jérôme et mes vœux de bonne année. <br /> <br /> Merci pour cet échange passionnant. J'ai en ma possession des document concernant Roche Fernand, père de ma "grand mère" aussi parti avec le 13eme RI ,mort a l'ennemi et reposant au cimetière de Marbotte alors, cette histoire m'a beaucoup touchée merci également a ce monsieur qui a accepté de partager ses documents.<br /> <br /> Cordialement<br /> <br /> Cloué Emilien modestement au soutien de la mémoire du 66eme RTI
Répondre
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