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Indre 1914-1918 - Les 68, 90, 268 et 290e RI
7 janvier 2005

8 septembre. 1914 - Euvy.

"A 3 heures du matin, le régiment se remit en route sur Euvy. Le Lieutenant Sohier alla aux ordres à la 18e D.I.

Pendant que la colonne s'avançait doucement, le ciel s'éclaircit. Soudain, une fusillade formidable déchira le silence. Le canon se mit aussitôt à tonner avec rage. Des incendies s'allumèrent un peu partout.

A Gourgançon, le Lieutenant Sohier trouva les habitants debout et anxieux. Un régiment de noirs, qui y avait cantonné, venait d'en partir. L'E.-M. du 11e C.A. (Général Eydoux) était installé dans l'école. La journée du 7 aurait été mauvaise. Il y aurait eu surprise à la jonction des 9e et 11e C.A. On chercha les débris d'un régiment, dont la moitié aurait disparu.

Pendant ce temps, le régiment continuait à cheminer par Semoine et Gourgançon. En arrivant à la crête, au Nord de Gourgançon (Moulin de Gourgançon et côte 160) un spectacle impressionnant se présenta. Devant le régiment, le village d'Euvy, au-delà, de nombreuses batteries en action sur qui pleuvaient des obus, plus loin au Nord, une crête garnie de bois (crête 177 au Sud de Connantray). De ces bois sortaient des groupes de fantassins en retraite, plus près encore, des files ininterrompues de voitures militaires et civiles, des fourgons, des charrettes de paysans. Toutes ces voitures refluaient vers le régiment dans le plus grand désordre, les unes en suivant les chemins, les autres à travers champs. Au-dessus des bois, des éclatements de shrapnells, et dans la direction de Connantray, bruit de fusillade. Tout ce désordre était le résultat d'une surprise qui, paraît-il, s'était produite près de Lenharrée.

Le régiment allait tomber en pleine bataille. Le Colonel et son E.-M., prenant les devants, se portaient rapidement en reconnaissance au Nord d'Euvy. Là, nouvelle cohue : chars, convois, se pressaient sur la route qui traversait le village dans toute sa longueur. Quelques gendarmes s'efforçaient de mettre un peu d'ordre. A l'entrée du village, sur le bord de la route, une auto était arrêtée dans un champ. A côté, un officier d'Etat-major. C'était le Commandant Quintard, Chef d'Etat-major de la 18e D.I. Il prescrivit au régiment de creuser des tranchées à la crête, au Nord de Gourgançon, pour préparer une position de repli, et d'y arrêter tous les éléments en retraite des autres corps. Cet ordre ne devait recevoir qu'un commencement d'exécution, car à peine la répartition du terrain entre les compagnies était-elle faite, que le Général Radiguet, commandant la 21e D.I. donna au Colonel l'ordre d'amener son régiment au Nord d'Euvy en soutien de l'artillerie, que la retraite des troupes en avant laissait sans protection. Pendant la transmission et l'exécution de ces ordres, le Commandant Quintard sortit de son auto, qui était criblée de balles. Il expliqua que parti de Fère-Champenoise aux premiers coups de fusil, pour savoir ce qui se passait, il s'était trouvé subitement entre les lignes et avait perdu la liaison avec le Général Lefèvre, commandant la 18e D.I. Il ne savait pas où était le Général, ni où étaient les régiments. Il resta donc pour le moment près du 290e. Il traça sur un papier un schéma de l'ensemble de la bataille, disant qu'il s'agissait pour les troupes du sud de Fère de tenir, que les armées allemandes étaient menacées de débordement au Nord-Ouest. Il laissa son papier, et insista pour que tout le monde fut mis au courant de la situation, car elle était bonne dans l'ensemble, contrairement à ce qu'on aurait pu croire, d'après le spectacle qu'on avait sous les yeux.

Cependant, les bataillons s'avancèrent à travers champs, à l'ouest de la route, venant de Gourgançon. En tête le 5e bataillon (moins la 20e, détachée la veille à Champigny-sur-Aube) précédé de la 21e compagnie, d'après le Journal de Marche. Le bataillon, couvert par des petits postes, prit position à la lisière des bois, au Nord-Ouest d'Euvy entre la côte 140 et le chemin d'Euvy, à Fère-Champenoise. Le 6e bataillon (moins la 24e restée à la lisière Nord de Gourgançon) en réserve organisa la lisière d'Euvy à l'Ouest de ce chemin. Il était environ 8h.30.

Tout le terrain occupé par les batteries et par le régiment fut arrosé par des 77 et des 105. Les batteries continuèrent néanmoins leur tir. Les pertes des compagnies, grâce aux larges intervalles entre les sections, étaient assez légères. Le régiment fut continuellement traversé par des groupes en retraite appartenant à divers régiments (32e, 66e, 324e, etc...). Le Drapeau d'un de ces régiments passa également. L'officier entouré de sa garde, le porta dans sa gaine. Personne ne put rien dire, sinon qu'il y avait eu surprise. C'est surtout du Nord-Est, de la direction de Connantray et de plus loin, de Lenharrée, que refluèrent les groupes. Les batteries allemandes qui tiraient de cette direction allongèrent leur tir et croisèrent leurs feux avec celles qui tiraient de la direction du Nord.

Le Général Radiguet s'était tenu quelque temps à la sortie Nord-Ouest d'Euvy, au pied d'une meule de paille, près de la route de Fère-Champenoise. Il se retira vers 13 h. 30, après avoir envoyé au régiment l'ordre d'aller occuper les lisières Nord des bois, à l'Est du Moulin de Connantre, vers la côte 130 et la Ferme Saint-Georges, de façon à empêcher l'ennemi de Fère-Champenoise de déboucher dans cette direction.

Le mouvement s'exécuta par le chemin de terre d'Euvy à la Colombière par la côte 122, en colonne par quatre. La colonne était couverte : à droite (en tête d'après le Lieutenant Ramez qui commandait les éclaireurs à pied) par la 24e Compagnie. La marche s'exécuta dans de bonnes conditions. Le régiment était bien en main, malgré le spectacle des troupes débandées qui avaient traversé ses rangs toute la matinée, et malgré le bombardement auquel il venait d'être soumis pendant cinq heures. Dans le trajet, on ne rencontra personne, les bois étaient déserts et calmes, on semblait loin de la bataille.

Vers 16 heures le régiment occupa les positions qui lui avaient été assignées. Le 5e bataillon (3 compagnies) garnit la crête 130-138 à l'Est de la route Corroy-Fère-Champenoise. A sa gauche et à l'Ouest de cette route, les bois étaient occupés par 'les débris du 93e R.I. (environ 500 hommes avec l'officier, le Capitaine Jahan et un Lieutenant). Un groupe d'artillerie, réduit à 2 batteries, est à cheval sur la route, à 500 mètres environ au Sud de la côte 130. Le 6e bataillon était en réserve entre la route et le Moulin de Connantre. Le Colonel avec son E.-M. et les deux Chefs de Bataillon se porta à la crête 130, pour faire la reconnaissance de la position. Mais, ce groupe attira l'attention de l'ennemi et à peine s'était-il arrêté à la côte 130 qu'il fut salué par une salve de 77, qui, du reste, n'atteignit personne. La batterie qui tirait, devait être tout près. Les obus éclataient devant le bois, avant qu'on ait eu le temps d'entendre le coup de départ. Le Colonel se retira et établit son P.C. dans un boqueteau au bord de la route, en arrière de la batterie de droite.

Le tir sur les batteries devint de plus en plus précis, aux 77 se mêlèrent des 105. Après avoir changé plusieurs fois de position, les batteries, réduites au silence, se retirèrent sur Corroy. Du reste, la nuit était arrivée et l'Infanterie reçut de son côté l'ordre de s'établir au bivouac au Sud de Corroy. C'est là que le 290e, le 93e et le Groupe d'artillerie devaient passer la nuit. Mais le 93e n'ayant pas été touché par l'ordre de retraite il fallut se mettre à sa recherche. C'est le Lieutenant Sohier qui fut chargé de cette mission.

Il s'engagea sur la route de Fère-Champenoise en pleine nuit. La pluie commençait à tomber. Le Lieutenant compta rencontrer à un moment donné des avant-postes. Il n'en vit nulle part. Il continua à marcher quand, soudain, il entendit des pas et presque aussitôt le cri de : Halte-là, qui vive? C'était le 93e avec le Colonel Teyssières en tête de la colonne. « Qu'est-ce que c'est que cela, on nous a laissés en panne, s'écria le Colonel, c'est inouï, c'est ignoble, etc... » Le Lieutenant Sohier laissa passer l'orage, puis il risqua tout douce

ment : « Mais, mon Colonel, je n'y peux rien. Chargé de vous ramener, je suis venu vous chercher. Ce n'était déjà pas facile. C'est bien le hasard qui m'a fait vous rencontrer. Voulez-vous me suivre ? » « Vous êtes seul, reprit le Colonel, mais vous êtes fou ? Vous êtes parti ainsi dans la nuit, tout droit vers les Allemands ? » « Comment vous aurais-je retrouvé, répliqua le Lieutenant, si j'étais allé ailleurs ? » Cette réflexion désarma le Colonel, qui prit avec effusion les mains de Sohier et le remercia chaleureusement. Ils gagnèrent ensuite ensemble le bivouac en devisant en bons camarades.

Le 93e et le 5e bataillon reçurent dans la soirée l'ordre de reprendre leurs emplacements au Nord de Corroy. Il y eut des malentendus pour l'exécution de cet ordre. Finalement, les deux troupes revinrent et deux compagnies seulement s'établirent en grand'gardes au Nord de Colombière. Heureusement que l'infanterie ennemie, que nous n'avions pas vue de la journée, ne devait pas avancer cette nuit-là".

Sources: Eggenspieler "Un régiment de réserve en Berry - Le 290eRI" Bourdier 1932

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