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Indre 1914-1918 - Les 68, 90, 268 et 290e RI
9 avril 2006

Repos à Montigny

Le Commandement ne nous ayant donné aucune prescription au sujet de l'emploi du temps, nous avons refait de l'instruction, sujet inépuisable. Nous avons entrecoupé le programme d'instruction par des séances récréatives. Je me rappelle fort bien celle qui fut donnée par le 5e bataillon le 9 avril 1916 à Montigny. Je transcris ci-après le speach qui y fut prononcé:
« Berrichons, Angevins, Tourangeaux ou Vendéens, si parfois notre pensée voyage vers ces coins de France que nous aimons tous, si nos rêves vont souvent vers les bords enchanteurs de l'Indre ou de la Creuse, vers les côteaux d'Anjou, vers les rives de la Loire ou vers les bocages vendéens, plus tard aussi, rentrés dans nos foyers, nous évoquerons dans de longues veillées, les journées vécues de la « Grande Guerre.
Nous raconterons les journées du Rambétant et particulièrement celle du 23 août 1914, puis les combats de la ferme Saint-Georges et de Corroya nous parlerons des tranchées du Polygone de Zonnebek et des pénibles relèves de Belgique, dans la boue, et par les nuits les plus sombres ; nous raconterons avec fierté les combats de Lizerne des 29 et 30 avril 1915; nous dirons les préparatifs du 25 septembre et nous pourrons causer des lieux à jamais historiques : la Fosse Calonne, Aix-Noulette, Angres, Souchez, Ablain-St-Nazaire.
Oui, malgré nous peut-être, nous deviendrons bavards, car on nous écoutera, on fera cercle le soir autour de nous, femmes et enfants seront avides de nous entendre, et nous voyons déjà les bambins sauter sur nos genoux, et d'un ton suppliant nous dire : Oh! racontez-nous encore une histoire de la guerre.
Et certainement nous nous laisserons faire et nous parlerons du 290e avec bonheur, que dis-je, avec fierté; ce cher numéro reviendra souvent sur nos lèvres et nous montrerons que si la vraie famille nous semblait bien loin nous en avions cependant retrouvé une autre au sein même de notre Régiment.
Cette petite réunion d'aujourd'hui n'en est-elle pas la preuve, et n'est-ce pas pour nous une véritable joie que de la voir présider par notre bon et si courageux Colonel, que de voir également assis à ses côtés nos Officiers qui savent si bien partager nos peines et nos joies.
Par cette matinée nous cherchons aussi à nous donner pendant quelques instants la douce illusion de pouvoir rapprocher vos chers pays du Centre, de cette Picardie si hospitalière et si vaillante, et c'est dans cet esprit que nous exécuterons tout à l'heure quelques-unes de ces jolies danses berrichonnes; c'est également dans la même pensée que nous chanterons de vieux airs vendéens.
Enfin, si malgré les tristesses de l'heure présente, si malgré les pénibles souvenirs qui nous enveloppent, nous nous récréons comme nous le faisons aujourd'hui, c'est que nous voulons montrer que notre courage, notre moral ne se trouvent nullement affaiblis. Oui, nous pleurons bien des amis, bien des parents, mais n'est-ce pas là une raison de plus pour nous exciter et pour les venger. Oui, notre cher Régiment a laissé en Lorraine, en Champagne, en Belgique et en Artois bien de précieux restes, mais la page de son histoire, déjà si remplie, n'est pas terminée, et comme ceux qui nous ont précédé, comme ceux de Verdun ou d'ailleurs, nous irons à la victoire en chantant; n'est-ce pas au son de brillantes musiques, n'est-ce pas au chant de la Marseillaise
que maintes positions fortifiées ont été enlevées.
On raconte que les Serbes sont d'une nature très gaie et chantent fréquemment; pourtant leur dure et pénible retraite les avait consternés et la gaîté avait fait place à un morne silence.
Aujourd'hui, paraît-il, à Corfou, à Bizerte, à Salonique, on recommence à les entendre chanter; au contact des Français ils se sentent de nouveau revivre, ils sentent que l'heure est proche où ils reverront leur patrie, et en attendant les prochains combats, ils rythment quelques refrains guerriers jusqu'au jour où, comme une traînée de poudre, toute leur armée poussera le même cri de triomphe.
Nous aussi en France nous avons vécu quelques heures angoissantes, mais grâce à Dieu, elles ont été courtes et c'est pourquoi nous n'avons pas cessé de chanter; nous chantons dans l'Armée, et nous nous récréons parce que nos Chefs nous ont manifesté en plusieurs grandes circonstances leur satisfaction, nous chantons parce que si l'occasion se représente nous sommes sûrs de faire encore bonne figure, nous chantons parce que nous savons que nous travaillons pour la France, et par conséquent pour nos femmes et nos enfants, nous chantons surtout parce que nous sommes assurés du succès final.
Nous terminerons donc notre réunion par un choeur, et ce choeur nous ne pouvions mieux le choisir qu'en prenant celui intitulé : Victoire, oeuvre du Général Hollender, dont la Brigade a eu au début de la campagne une si magnifique page. »

Je regrette vivement de ne pas me rappeler le nom de l'auteur de cette allocution dans laquelle il a dépeint en termes si heureux le moral du régiment à la veille de Verdun.

Sources: Un régiment de réserve du Berry - Le 290e RI

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