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Indre 1914-1918 - Les 68, 90, 268 et 290e RI
9 septembre 2010

La 1ère Cie du 90e RI - Des Ardennes à la Marne (09/09/1914)

9 septembre 1914 (22 Km):
Je vais m'établir derrière la ferme de NOZEL, à la lisière d'un bois, en soutien d'artillerie. Toute la matinée, le canon tonne sans arrêt du côté du Mont Aout. Vers 10 heures, une colonne d'infanterie parait venant du Mont Aout et se repliant dans notre direction. Les hommes sont hâves, déguenillés. Beaucoup n'ont plus de fusil. c'est le 135e qui vient d'être durement éprouvé. Quelques groupes de plus en plus espacés. Quelques trainards, puis plus rien. Derrière nous les batteries de 75 quittent leur position. Nous en faisons autant. Décidément cela ne va pas.
11h. Nous creusons des tranchées en avant du village de INTHES vers la cote 134. On travaille fiévreusement. Nous avons ordre de tenir coûte que coûte pendant 1h30 pour permettre à la 42e DI d'arriver. La faim nous torture. C'est notre 4e jour de jeûne.
Après ces 3 jours de lutte acharnée, maintenant c'est le calme complet. Qu'y a-t-il? On parle de victoire sous PARIS, mais nous ne le croyons pas. Et pourtant l'après-midi se passe tranquillement. Les Allemands n'attaquent pas. Nous n'y comprenons rien. A la tombée de la nuit, des colonnes d'infanterie apparaissent dans le lointain à notre droite et derrière nous.
C'est la 42e DI qui arrive. Un escadron de dragons se déploie en fourrageurs et s'engage hardiment dans les bois. Pas un coup de fusil. Soudain, à 19h, un ordre arrive. Sac au dos. Nous marchons en avant. Nous n'en croyons pas nos oreilles. L'offensive! Comment nos hommes vont-ils tenir? Toujours pas de distributions! L'artillerie tonne sans répit. Nous nous mettons en route à travers les petits bois de pins. Pas un bruit. Rien que le craquement des branches de bois mort sous nos pieds. Nous débouchons dans une vaste clairière. Devant nous un immense brasier. C'est la ferme de NOZEL qui brûle, incendiée par notre artillerie. Nous avançons prudemment. Nous n'en sommes plus qu'à 200 m lorsque surgit à notre droite, une troupe qui se dirige aussi vers la ferme. Français ou Allemands? Une patrouille part en avant. C'est le 68e qui lui aussi, avait la ferme comme objectif. Nous l'encerclons . Dans la cave, des blessés français et allemands. Quelques cadavres. Des voitures de harnachement. Des chevaux, des armes.
Nous interrogeons les blessés français. A 19h, pendant que les hommes faisaient la soupe, un ordre est arrivé et les Allemands ont fui, abandonnant même leurs propres blessés. Au même instant l'artillerie française avait bombardé la ferme, jetant le désarroi parmi eux.
Nous espérons passé la nuit là. Mais une demi-heure après arrive l'ordre de départ.
Les hommes n'en peuvent plus et se traînent péniblement. Nous nous engageons dans les bois et marchons en direction de MORAINS-LE-PETIT. Quelle affreuse nuit. Nous suivons une petit route, plutôt un chemin forestier au milieu des taillis. Nous ne nous sentons pas à l'aise. A chaque pas des cadavres. des blessés abandonnés. Nous sommes glacés d'horreur. De ces pauvres diables, combien sont morts de faim, de froid, de manque de soins? Et nous ne pouvons nous arrêter!
Quand sortirons nous de ces bois dont le voisinage me pèse? Soudain à notre droite, une sonnerie de clairon éclate toute proche. C'est la charge allemande. Alors, c'est la peur, la folle peur sans raison qui balaie tout. Des bruits de voix se font entendre. ce sont les Allemands. Cependant pas un coup de fusil n'a été tiré.
Nous réussissons à reprendre nos hommes. Ces voix, d'ailleurs, demandent du secours. ce sont des blessés allemands, dont un clairon, qui, entendant notre colonne, a sonné pour attirer l'attention. Une patrouille va les reconnaitre. Ils appartiennent à un régiment de la Garde. Et nous avons perdu 20 minutes.
Un peu plus loin nous trouvons 2 mitrailleuses abandonnées.
Le supplice continue. Nous tombons de fatigue et de faim.
Cinq minutes de pause et tout le régiment s'écroule à terre, dort.
Il faut remettre les hommes debout, leur promettre que bientôt on arrivera au cantonnement. La moindre inégalité de terrain et ils s'écroulent par terre. Et toujours des cadavres, et des blessés qui demandent du secours! Au coin d'un bois, un cheval tué depuis plusieurs jours, tend vers le ciel ses quatre pattes raidies. plus loin des Allemands, la figure noire, méconnaissable, le ventre gonflé, dévorés déjà par les vers!
Enfin le petit jour apparait.

19140909

Sources:
Général Carpentier 'Revue Militaire" du 25 février 1954 (n°228)

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