Cet été, j’ai fait quelques brocantes, trouvant tout au plus des albums régimentaires et quelques cartes photos. Cependant au fil des trouvailles, il m’arrive maintenant de trouver des cartes qui se recoupent les unes avec les autres et parfois avec celles d’amis collectionneurs.
En juillet, c’est un cliché du 90e RI qui est trouvé sur un étal berrichon, pour une somme modique et début septembre, via un achat sur le net, je prends possession d’un autre cliché représentant un autre groupe de soldat du 90e RI. Jusque là, c’est anodin et au final courant.
Intéressons-nous d’abord à ce premier cliché. Celui-ci est passablement jauni et un flou dû au temps et à une exposition à la lumière empêche de voir avec netteté certains détails, cependant il est possible de faire parler le cliché:
Escouade de E. Bresteau, le 05/08/1915
Envoyée donc le 5 aout 1915, le soldat E. Bresteau donne de ses nouvelles à la famille Gaulupeau, habitant Ecommoy dans la Sarthe.
« 5-8-1915 J’ai profité de notre séjour à L… pour nous faire photographier toute l’escouade ensemble. J’en profite pour vous envoyer un souvenir de cette maudite guerre puisse après pouvoir nous retrouver ensemble qu’est ce que je désire. Embrassez Alice et Denise pour moi car je crois qu’elle est à son bonheur et vous aussi. Votre fils affectueux E. Bresteau ».
Au vu du texte, on peut présager que la famille Gaulupeau est certainement la belle famille du soldat Bresteau.
Voyons maintenant ce que l'on peut tirer du cliché. Essayons d’abord de situer géographiquement le 90èmeRI. Le cliché a donc été pris avant le 5 aout 1915, la date d’envoi. Bresteau indique qu’il « profite d’un séjour à L…. ». Or, en consultant le JMO du 90ème RI, on découvre que le 24 juillet 1915, l’Etat-Major, la C.H.R et le 3ème bataillon se dirigent et cantonnent jusqu’au 6 aout à Liancourt (Oise).
Extrait JMO 90e RI - SHD - 26N668
Les uniformes présentés sont typiques de la deuxième moitié de l’année 1915. Le Bleu horizon domine maintenant, même si on note encore quelques effets ersatz sur les soldats de droite du cliché. Concernant l’uniforme, on note la présence de capote modèle 1914 de 2e type (1 seule poche sur le devant), alors que d’autres soldats ont le modèle de 3ème type (2 poches).
Le soldat E. Bresteau est sans nul doute sur le cliché, mais aucun indice permet actuellement de le reconnaitre.
La présentation et l’analyse du 2ème cliché peut alors commencée.
Un fait du hasard faisant bien les choses, début septembre, via un achat sur le net, je prends possession d’un autre cliché représentant un groupe de soldat du 90e RI, daté du 17 octobre 1915. Quelle ne fut pas ma surprise lorsque je remarquais que les deux cartes en ma possession provenait, au final, du même soldat. J’avais en main deux cartes signées E. Bresteau.
90e RI - 17/10/1915
La photo datée du 17 octobre 1915, est envoyée par E. Bresteau à Mme Bresteau Alphonsine, bouchère à Dangeul par Nouans, dans la Sarthe. Vraisemblablement, il s’agit là de l’épouse du soldat. En effectuant quelques recherches sur le net où bon nombre de données généalogiques sont disponibles, j’eus confirmation du lien unissant notre soldat à Alphonsine.
Le 25 septembre 1907 à Ecommoy, BRESTEAU Eugène Alphonse (né le 13 janvier 1881 à Juillé- Sarthe) fils de Hippolyte et QUINET Désirée épousait GAULUPEAU Alphonsine. Le lien est fait entre les deux cartes. Les destinataires de la première carte sont bien les beaux-parents. Fait intéressant, le lien trouvé m’indique aussi une date de décès concernant Eugène Bresteau. Je reviendrai sur le sujet un peu plus loin.
Si le texte de la carte est succinct : « Chère Alphonsine Je t’envoie mes sincères affections » ; l’adresse inscrite est intéressante : Madame Alphonsine Bresteau, bouchère à Dangeul par Nouans Sarthe. La profession d’Eugène est donc certainement celle de boucher, sa femme le remplaçant pendant le conflit.
Elément clé pour analyser le cliché, Eugène indique sa présence sur le cliché par l’intermédiaire d’une marque au crayon. Ceci permet enfin de donner un visage sur le nom de Eugène Bresteau, car on le retrouve effectivement sur les deux clichés. Cette opération est relativement aisée puisque 2 mois seulement séparent les deux clichés.
Malgré la piètre qualité des clichés voici donc Eugène Bresteau:
Qu’est donc devenu Eugène Bresteau ? Via le site Mémoires des Hommes, on apprend que celui-ci est tombé le 4 mai 1916 à Esnes, à la défense de la Cote 304. Son nom figure sur le monument aux morts de Dangeul (Sarthe).
Petit rajout (07/12/2013):
Eugène Alphonse BRESTEAU se vit attribuer la Médaille Militaire et la Croix de guerre (J.O. 3 juillet 1924)
Cette deuxième carte entraine un deuxième volet, une autre étude qui, elle, concerne le caporal que l’on voit au centre du cliché et qui porte un brassard de deuil. Mais cela fera l’objet d’un autre recoupement, d’un autre fil.
Sources:
Collection de l'auteur
http://serge.motte.perso.neuf.fr/htdocs/morts_pour_la_france.html
Mémoires des Hommes
Journal Officiel: BNF Gallica