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Indre 1914-1918 - Les 68, 90, 268 et 290e RI

8 janvier 2005

La 24e du 290

Récit du lieutenant Ramez.

"La 24e compagnie en quittant Euvy le 8 au matin s'est portée jusqu'aux abords Nord de Gourgançon vers 11 heures. Là, le commandant de la compagnie a donné à chaque section un front très étendu (environ 250 mètres) avec mission d'organiser la défense de Gourgançon en avant, face au Nord et au nord-est. Une demi-heure après environ, contrordre.

A partir de ce moment la compagnie marche sur le chemin Gourgançon - cote 122 - Moulin de Connantre, en formation de pointe d'avant-garde. Je commandais les éclaireurs et reçus à deux reprises différentes la visite du Colonel Hirtzmann. Je ne crois pas me tromper de chemin, car je me souviens nettement avoir quitté cette direction au moment où le chemin en question coupe la route Corroy-Fère-Champenoise, environ à mi-distance entre Corroy et la cote 130.

A partir de ce moment la compagnie prend la direction de Fère-Champenoise jusqu'à la cote 130. Le colonel et ses éclaireurs montés passent en avant de nous. Une batterie de 75 est établie exactement sur cette cote, sa droite appuyée à la route. Au moment où nous arrivons à sa hauteur des rafales d'obus de moyen calibre (105 ou 150 probablement) tombant très justes, font taire la batterie et dispersent l'échelon.

La 24e compagnie fait un à gauche et rentre dans les bois de sapins à l'Ouest de la toute. Quelques shrapnells nous poursuivent sans nous occasionner de pertes. Il est à ce moment environ 18 heures.

En suite la compagnie redescend vers Corroy, parallèlement à la route Fère-Champenoise-Corroy. Nous arrivons dans ce village vers 20 heures. On cantonne à l'extrémité Est. Il y avait également dans le village le 93e et un troisième régiment dont je ne me rappelle plus le numéro.

Le 9 au matin la compagnie sort de Corroy et se dirige vers les sapins à l'Ouest de la cote 130. Nous pénétrons dans ces sapins au point marqué A. J'ignore totalement la mission de la compagnie et encore plus l'emplacement et la mission éventuelle du régiment. Le Capitaine ne me communique aucun renseignement, cependant je suis le seul officier autre que lui à la compagnie.

La compagnie descend alors directement vers la Pleurs. Nous arrivons aux environs du point marqué B vers 7 h. 30 à 8 heures. Quelques obus percutants de petit calibre (105 au plus) tombent de temps à autre dans nos environs.

Suivant le point de chute des obus nous reculons ou avançons.

Au bout d'une heure ou une heure et demie de ce manège, le Capitaine me fait envoyer une patrouille vers le nord-est pour trouver la limite du bois (nous croyions en être à environ 200 à 250 mètres). Cette patrouille revient n'ayant rien trouvé. Une deuxième n'a pas plus de succès. Enfin, je prends le commandement d'une troisième patrouille comprenant le caporal Bénard (conseiller municipal à Châteauroux, m'a-t-on dit) et quatre hommes.

Nous marchons sur un petit chemin environ 400 ou 500 mètres, les autres patrouilles avaient hésité à pousser aussi loin. Nous arrivons au point marqué C d'où nous découvrons la plaine, malheureusement trop tard.

De la lisière des sapins nous apercevons les Allemands en colonnes par quatre à environ 250 mètres (certainement pas plus). On distingue parfaitement au moins un bataillon précédé d'une dizaine de tirailleurs à 50 mètres devant la tête du bataillon. Bénard voudrait tirer, je m'y oppose, notre mission étant avant tout de renseigner.

Un peu avant d'arriver à la lisière j'avais hélé un Lieutenant (j'ignore de quelle unité) commandant une section de mitrailleuses placée contre la rivière (point M). Malheureusement, il ne pouvait voir ce bataillon et tirait sur l'autre rive dans la direction de la cote 120 à l'Ouest de Fère-Champenoise.

J'envoie donc immédiatement Bénard avec mission de prévenir le Capitaine et je continue à observer une ou deux minutes, puis réflexion faite, je décide d'aller moi-même rendre compte et expliquer la situation au Capitaine. Je savais que la confiance en lui était, très mince

Je n'insiste pas sur ce qui se passa au moment où je mis le Capitaine au courant... Finalement, j'obtins de prendre trois sections, il voulut absolument en garder une en réserve. Je fis donc déployer la 1ère (la mienne), la 3° (Daguerre) et la 4e (sergent Deschamps) ; la 2e  (Braquet) resta avec le Capitaine que je ne devais plus revoir avant 18 heures.

Les trois sections avancent, la 1ère  avec une flanc-garde à gauche, longeant presque la rivière. Malheureusement nous faisions du bruit et il fallut un peu exciter les hommes. Nous allons arriver en vue de la plaine, à l'endroit où la troisième patrouille était précédemment (point C). Il est environ 10 h. 30. Encore quelques pas et nous sommes à la lisière. Un son d'harmonica se fait entendre et subitement un feu de salve à bout portant disperse ma section. Cloué sur place par la surprise, je vois alors quelques Allemands s'enfuir. Ils n'ont tiré qu'un seul coup de feu. Quant à ma section et aux autres, elles sont disparues. Force m'est de chercher à les rejoindre. J'ai du reste pu suffisamment voir que la plaine fourmille d'Allemands.

Je ne tarde pas à rencontrer deux de mes sergents et pas mal d'hommes. Les Allemands nous ont laissé approcher de bien près, car sur un sergent blessé à la cuisse (Roner) on voit très bien que la balle va en montant. Quelques Allemands sont dispersés en tirailleurs dans les sapins longeant la lisière. Ils observent vers le Sud. Plusieurs de mes hommes en ont tué en arrivant par derrière eux.

On retrouve ainsi pas mal d'hommes des trois sections engagées et nous sortons des sapins au point D. Les 3e et 4e sections à peu près au complet, la 1ère diminuée de 1 sergent, 2 caporaux et une douzaine d'hommes.

Bénard, le caporal de la patrouille faite avec moi est disparu. On le retrouvera le surlendemain percé de 10 ou 15 balles.

Les Allemands qui ont tiré sur ma section faisaient, je pense, partie d'une flanc-garde qui n'était pas encore arrivée au moment où j'ai vu la colonne allemande en marche vers la cote 130. En tout cas, cette colonne était assez mal couverte et lorsque j'ai connu les ordres donnés à la compagnie, combien j'ai regretté de les avoir ignorés. Il était si facile d'être en place pour 9 heures et même avant à la lisière nord-est des sapins et d'attendre les Allemands, nous eussions eû alors la partie belle.

A notre sortie du bois nous trouvons un bataillon (à effectifs bien réduits) du 65e R.I. commandé par un Lieutenant. Faute de mieux je me joins à lui et nous prolongeons sa ligne à gauche. Cette ligne est figurée en E F.

A ce moment arrive le sergent-fourrier (point D) Blanchet de la compagnie, porteur d'un papier du Colonel ainsi conçu : « Je vous ai envoyé en flanc-garde à la gauche du «régiment, des éléments d'infanterie allemande s'infiltrent par «notre gauche, où êtes-vous ? que faites-vous ? » Je répondis au dos du billet : « En l'absence du Capitaine, le Lieutenant «ramez a l'honneur de faire connaître à M. le Colonel, qu'il «a avec lui trois sections et qu'isolé il s'est joint à un bataillon du 65e R.I. » Je recommandai au fourrier d'indiquer au Colonel mon emplacement.

Il est exactement midi, je me rappelle avoir tiré ma montre.

Peu de temps après, le bataillon en question reçut l'ordre de retraite. Nous participons à son mouvement et nous arrivons à Corroy en passant près de l'église. Le village est rapidement traversé et les obus allemands commencent à nous poursuivre sur la route Corroy-Fresnay.

Notre marche se poursuit jusqu'au point G où nous sommes arrêtés par des officiers d'E.-M. accompagnés de gendarmes, revolver au poing. On me demande : « Quel régiment ? » 290e. Un Capitaine m'indique alors que je dois déployer mes hommes face au. Nord, à environ 400 mètres à l'Est de la route, sur le chemin qu'il m'indique, au point H et d'attendre. Il est environ 13h.30».

Sources: Eggenspieler "Un régiment de réserve en Berry - Le 290eRI" Bourdier 1932

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7 janvier 2005

8 septembre. 1914 - Euvy.

"A 3 heures du matin, le régiment se remit en route sur Euvy. Le Lieutenant Sohier alla aux ordres à la 18e D.I.

Pendant que la colonne s'avançait doucement, le ciel s'éclaircit. Soudain, une fusillade formidable déchira le silence. Le canon se mit aussitôt à tonner avec rage. Des incendies s'allumèrent un peu partout.

A Gourgançon, le Lieutenant Sohier trouva les habitants debout et anxieux. Un régiment de noirs, qui y avait cantonné, venait d'en partir. L'E.-M. du 11e C.A. (Général Eydoux) était installé dans l'école. La journée du 7 aurait été mauvaise. Il y aurait eu surprise à la jonction des 9e et 11e C.A. On chercha les débris d'un régiment, dont la moitié aurait disparu.

Pendant ce temps, le régiment continuait à cheminer par Semoine et Gourgançon. En arrivant à la crête, au Nord de Gourgançon (Moulin de Gourgançon et côte 160) un spectacle impressionnant se présenta. Devant le régiment, le village d'Euvy, au-delà, de nombreuses batteries en action sur qui pleuvaient des obus, plus loin au Nord, une crête garnie de bois (crête 177 au Sud de Connantray). De ces bois sortaient des groupes de fantassins en retraite, plus près encore, des files ininterrompues de voitures militaires et civiles, des fourgons, des charrettes de paysans. Toutes ces voitures refluaient vers le régiment dans le plus grand désordre, les unes en suivant les chemins, les autres à travers champs. Au-dessus des bois, des éclatements de shrapnells, et dans la direction de Connantray, bruit de fusillade. Tout ce désordre était le résultat d'une surprise qui, paraît-il, s'était produite près de Lenharrée.

Le régiment allait tomber en pleine bataille. Le Colonel et son E.-M., prenant les devants, se portaient rapidement en reconnaissance au Nord d'Euvy. Là, nouvelle cohue : chars, convois, se pressaient sur la route qui traversait le village dans toute sa longueur. Quelques gendarmes s'efforçaient de mettre un peu d'ordre. A l'entrée du village, sur le bord de la route, une auto était arrêtée dans un champ. A côté, un officier d'Etat-major. C'était le Commandant Quintard, Chef d'Etat-major de la 18e D.I. Il prescrivit au régiment de creuser des tranchées à la crête, au Nord de Gourgançon, pour préparer une position de repli, et d'y arrêter tous les éléments en retraite des autres corps. Cet ordre ne devait recevoir qu'un commencement d'exécution, car à peine la répartition du terrain entre les compagnies était-elle faite, que le Général Radiguet, commandant la 21e D.I. donna au Colonel l'ordre d'amener son régiment au Nord d'Euvy en soutien de l'artillerie, que la retraite des troupes en avant laissait sans protection. Pendant la transmission et l'exécution de ces ordres, le Commandant Quintard sortit de son auto, qui était criblée de balles. Il expliqua que parti de Fère-Champenoise aux premiers coups de fusil, pour savoir ce qui se passait, il s'était trouvé subitement entre les lignes et avait perdu la liaison avec le Général Lefèvre, commandant la 18e D.I. Il ne savait pas où était le Général, ni où étaient les régiments. Il resta donc pour le moment près du 290e. Il traça sur un papier un schéma de l'ensemble de la bataille, disant qu'il s'agissait pour les troupes du sud de Fère de tenir, que les armées allemandes étaient menacées de débordement au Nord-Ouest. Il laissa son papier, et insista pour que tout le monde fut mis au courant de la situation, car elle était bonne dans l'ensemble, contrairement à ce qu'on aurait pu croire, d'après le spectacle qu'on avait sous les yeux.

Cependant, les bataillons s'avancèrent à travers champs, à l'ouest de la route, venant de Gourgançon. En tête le 5e bataillon (moins la 20e, détachée la veille à Champigny-sur-Aube) précédé de la 21e compagnie, d'après le Journal de Marche. Le bataillon, couvert par des petits postes, prit position à la lisière des bois, au Nord-Ouest d'Euvy entre la côte 140 et le chemin d'Euvy, à Fère-Champenoise. Le 6e bataillon (moins la 24e restée à la lisière Nord de Gourgançon) en réserve organisa la lisière d'Euvy à l'Ouest de ce chemin. Il était environ 8h.30.

Tout le terrain occupé par les batteries et par le régiment fut arrosé par des 77 et des 105. Les batteries continuèrent néanmoins leur tir. Les pertes des compagnies, grâce aux larges intervalles entre les sections, étaient assez légères. Le régiment fut continuellement traversé par des groupes en retraite appartenant à divers régiments (32e, 66e, 324e, etc...). Le Drapeau d'un de ces régiments passa également. L'officier entouré de sa garde, le porta dans sa gaine. Personne ne put rien dire, sinon qu'il y avait eu surprise. C'est surtout du Nord-Est, de la direction de Connantray et de plus loin, de Lenharrée, que refluèrent les groupes. Les batteries allemandes qui tiraient de cette direction allongèrent leur tir et croisèrent leurs feux avec celles qui tiraient de la direction du Nord.

Le Général Radiguet s'était tenu quelque temps à la sortie Nord-Ouest d'Euvy, au pied d'une meule de paille, près de la route de Fère-Champenoise. Il se retira vers 13 h. 30, après avoir envoyé au régiment l'ordre d'aller occuper les lisières Nord des bois, à l'Est du Moulin de Connantre, vers la côte 130 et la Ferme Saint-Georges, de façon à empêcher l'ennemi de Fère-Champenoise de déboucher dans cette direction.

Le mouvement s'exécuta par le chemin de terre d'Euvy à la Colombière par la côte 122, en colonne par quatre. La colonne était couverte : à droite (en tête d'après le Lieutenant Ramez qui commandait les éclaireurs à pied) par la 24e Compagnie. La marche s'exécuta dans de bonnes conditions. Le régiment était bien en main, malgré le spectacle des troupes débandées qui avaient traversé ses rangs toute la matinée, et malgré le bombardement auquel il venait d'être soumis pendant cinq heures. Dans le trajet, on ne rencontra personne, les bois étaient déserts et calmes, on semblait loin de la bataille.

Vers 16 heures le régiment occupa les positions qui lui avaient été assignées. Le 5e bataillon (3 compagnies) garnit la crête 130-138 à l'Est de la route Corroy-Fère-Champenoise. A sa gauche et à l'Ouest de cette route, les bois étaient occupés par 'les débris du 93e R.I. (environ 500 hommes avec l'officier, le Capitaine Jahan et un Lieutenant). Un groupe d'artillerie, réduit à 2 batteries, est à cheval sur la route, à 500 mètres environ au Sud de la côte 130. Le 6e bataillon était en réserve entre la route et le Moulin de Connantre. Le Colonel avec son E.-M. et les deux Chefs de Bataillon se porta à la crête 130, pour faire la reconnaissance de la position. Mais, ce groupe attira l'attention de l'ennemi et à peine s'était-il arrêté à la côte 130 qu'il fut salué par une salve de 77, qui, du reste, n'atteignit personne. La batterie qui tirait, devait être tout près. Les obus éclataient devant le bois, avant qu'on ait eu le temps d'entendre le coup de départ. Le Colonel se retira et établit son P.C. dans un boqueteau au bord de la route, en arrière de la batterie de droite.

Le tir sur les batteries devint de plus en plus précis, aux 77 se mêlèrent des 105. Après avoir changé plusieurs fois de position, les batteries, réduites au silence, se retirèrent sur Corroy. Du reste, la nuit était arrivée et l'Infanterie reçut de son côté l'ordre de s'établir au bivouac au Sud de Corroy. C'est là que le 290e, le 93e et le Groupe d'artillerie devaient passer la nuit. Mais le 93e n'ayant pas été touché par l'ordre de retraite il fallut se mettre à sa recherche. C'est le Lieutenant Sohier qui fut chargé de cette mission.

Il s'engagea sur la route de Fère-Champenoise en pleine nuit. La pluie commençait à tomber. Le Lieutenant compta rencontrer à un moment donné des avant-postes. Il n'en vit nulle part. Il continua à marcher quand, soudain, il entendit des pas et presque aussitôt le cri de : Halte-là, qui vive? C'était le 93e avec le Colonel Teyssières en tête de la colonne. « Qu'est-ce que c'est que cela, on nous a laissés en panne, s'écria le Colonel, c'est inouï, c'est ignoble, etc... » Le Lieutenant Sohier laissa passer l'orage, puis il risqua tout douce

ment : « Mais, mon Colonel, je n'y peux rien. Chargé de vous ramener, je suis venu vous chercher. Ce n'était déjà pas facile. C'est bien le hasard qui m'a fait vous rencontrer. Voulez-vous me suivre ? » « Vous êtes seul, reprit le Colonel, mais vous êtes fou ? Vous êtes parti ainsi dans la nuit, tout droit vers les Allemands ? » « Comment vous aurais-je retrouvé, répliqua le Lieutenant, si j'étais allé ailleurs ? » Cette réflexion désarma le Colonel, qui prit avec effusion les mains de Sohier et le remercia chaleureusement. Ils gagnèrent ensuite ensemble le bivouac en devisant en bons camarades.

Le 93e et le 5e bataillon reçurent dans la soirée l'ordre de reprendre leurs emplacements au Nord de Corroy. Il y eut des malentendus pour l'exécution de cet ordre. Finalement, les deux troupes revinrent et deux compagnies seulement s'établirent en grand'gardes au Nord de Colombière. Heureusement que l'infanterie ennemie, que nous n'avions pas vue de la journée, ne devait pas avancer cette nuit-là".

Sources: Eggenspieler "Un régiment de réserve en Berry - Le 290eRI" Bourdier 1932

6 janvier 2005

Arcis-sur-Aube. - 7 septembre 1914

Le 290e RI et le 268e en tant que réserve d'infanterie du 9e CA, sont affectés temporairement à la 18e DI. Ils se préparent donc à prendre part à la bataille de la Marne:

"Le premier détachement débarqua à 9 h. 30. Un ordre d'armée prescrivit à la 18e D.I., dont dépendait le régiment, de se trouver à Oeuvy, à 6 heures du matin. Or, Oeuvy. était à 26 kilomètres d'Arcis. Le Colonel téléphona au C.A. qu'il était impossible d'y arriver le jour même, que le régiment s'en approcherait le plus possible.
Tout le monde aurait été content d'être à Arcis, si dans cette petite ville de Champagne on ne s'était pas trouvé brusquement au centre de la France de l'Est. Le quai de débarquement était entièrement couvert de débris de selles, de harnais et de paquetages. C'était paraît-il ce qui restait d'un escadron de hussards qui y aurait été tamponné.
C'est avec quelque mélancolie qu'on procéda au débarquement.
Le 268e, qui avait reçu le même ordre que le 290e, n'a pas laissé souffler ses hommes. Il s'est porté en marche forcée jusqu'à Euvy. Dans la nuit, on lui a aussitôt fait occuper un bois dominant Fère-Champenoise. Malgré les cris, les chants et le nombre des Allemands qu'ils sentaient tout près d'eux, les hommes se sont endormis, brisés par la fatigue. A l'aube, ils ont été surpris et culbutés.
Le régiment sortit d'Arcis par une vaste avenue ombragée bordée de chaque côté d'extravagants convois de réfugiés.
Les chariots étaient dételés. Les animaux, chevaux, bœufs, ânes, vaches pâturaient au petit bonheur l'herbe rare des fossés. Des feux rougissaient et fumaient dans la terre entre des pierres noircies. Une foule ahurie, noire de crasse ou blanche de poussière était accroupie autour des feux.
Les voitures étaient de toutes sortes. Elles regorgeaient de mille objets : matelas, paillasses, meubles, batteries de cuisine, malles, vêtements, loques, qui débordaient de partout.
Des vieillards somnolaient dans des fauteuils ou au faîte des chargements. Des chiens de toutes les espèces erraient autour des voitures ou y étaient attachés avec des ficelles.
Toute la population de ce vaste camp regarda passer la colonne sans mot dire.*
La route.
Tout le long de la route, on remarqua de semblables migrations, harassées, rageuses, s'enlisant dans les champs pour dégager la route ou prendre des raccourcis. On croisa de navrantes charrettes de blessés étendus sur de la paille. Lugubre prélude aux jours prochains.
En attendant, on avança sur une longue route blanche, en plein soleil. La colonne souleva une poussière blanche comme du plâtre, qui pénétrait partout, dans les yeux, le nez, la bouche, la chaussure et les vêtements. On fit la grand'halte à Allibaudières au bord d'un ruisseau un peu saumâtre, mais néanmoins d'aspect riant avec sa bordure d'arbres.

La halte fut écourtée et on repartit.
Au milieu de la journée, on rencontra une petite troupe de blessés, un officier, qui rejoignait une ambulance, était en tête. Ces éclopés paraissaient un peu suspects, chacun était le dernier survivant de sa compagnie. Malgré une certaine méfiance, leurs récits impressionnaient les hommes.
Villiers-Herbisse.
A 17 heures, on atteignit Villiers-Herbisse. On n'avait encore fait que 13 kilomètres. Mais, la route fut très pénible, surtout après deux jours de cabotage dans un train. Si on tenait à être frais pour le lendemain, il fallait s'arrêter.
On s'installa dans une vaste grange. Quand on fut prêt à s'endormir, un régiment de gros frères s'amena. Il prétendit avoir droit au cantonnement. Les cavaliers firent valoir que leurs montures étaient fatiguées, à quoi les fantassins objectèrent qu'ils avaient les épaules et les pieds meurtris par l'as de carreau et la poussière de la route. Il fallut l'intervention des chefs, qui décidèrent que les chevaux seraient mis aux piquets et les hommes dans la grange. Ainsi fut fait et tout le monde fut content".
Sources: Eggenspieler "Un régiment de réserve en Berry - Le 290eRI" Bourdier 1932

5 janvier 2005

Veille de bataille

Le 90e RI comme le reste de la 17e DI, rejoint ses positions et se prépare au combat.

Voici ce qu'en rapporte Marcel Carpentier, jeune officier de 19 ans au 90eRI :

« 6 septembre 1914 - Nous marchons sur Sézanne, Montmirail, appuyés à droite par le 11e corps, à gauche par la division du Maroc formant l'armée Foch. A 20 heures, j'occupe un petit bois à 3 km au sud de Bannes ; on nous communique l'ordre de Foch : « Tenir coûte que coûte pendant trois jours ! » Les Allemands sont, parait il, bousculés à notre gauche. Il ne faut pas qu'ils percent sur nous. Toute la nuit, nous creusons des tranchées face au nord. Je cherche à me mettre en liaison avec la 11e compagnie qui doit occuper Bannes. Il fait affreusement noir. A l'entrée de Bannes, je trouve le cadavre d'un cycliste français dans un fossé. Le village paraît abandonné. Nous revenons. Pas de distributions aujourd'hui. La soif surtout nous fait cruellement souffrir ».

Demain, sera le grand jour, celui du début de la « bataille décisive »

Sources : « Un cyrard au feu » Marcel Carpentier Editions Berger Levrault 1964

4 janvier 2005

Le revirement de septembre 1914

Depuis le 30 août 1914, dans la région de Bertoncourt (Ardennes), la 17e DI est en retraite avec le 9e CA auquel elle appartient.

Le 31 août, elle participe à la bataille de la Retourne, le 1er septembre, aux combats de Juniville et d'Alincourt. Le 3 septembre, elle est dans la région de Bouzy – Trépail.

Le 5 septembre, au bout d'un parcours d'une centaine de kilomètres et de nombreuses pertes, la 17e Division d'Infanterie est enfin dans le secteur de Fère Champenoise où elle reçoit l'appel du Général Joffre concernant le passage à l'offensive. Ce revirement est plus connu sous le nom de Bataille de la Marne.

Ainsi le 5 septembre au matin, les ordres arrivent pour permettre la reprise de l'offensive dès le 6 septembre :

9e Corps d'Armée – Etat-major – 3e Bureau

Fère Champenoise, 7 heures

I- En vue de réaliser un dispositif permettant de passer à l'offensive le 6 septembre, le 9e CA arrêtera sa marche de façon à ce qu'aucun de ses éléments ne dépasse au sud la ligne Connantre – Oeuvy. Il maintriendra ses arrières gardes sur la ligne Aulnay-aux-Planches – Morains le Petit – Ecury. La 52e DR sera maintenue dans la région Corroy – Courcelles, au sud de la Maurienne.

II- La division du Maroc arrêtera ses gros dans la région de Fère-Champenoise. Arrière garde à Aulnay-aux-Planches – Morains-le-Petit.

Artillerie en surveillance sur Colligny – grande route – Pierre-Morains. La 17e DI arrêtera ses gros au sud de la Vaure, entre le moulin de Commantray et Oeuvy.

Arrière garde à Ecury-le-Repos. Artillerie en surveillance sur Pierre-Morains – Clamanges – route de Villeseneux. Avant-postes poussés au nord de la ligne des arrières gardes, surveillant la zone de CA, particulièrement dans la direction de Chamanges.

Chercher la liaison avec le 11e CA vers Normée, avec la 42e DI vers Aulnizeux.

Liaison entre les deux divisions sur le chemin Morains – Pierre-Morains (à la division du Maroc)

III- Les arrières gardes se retrancheront. La compagnie de Génie du corps organisera un centre de résistance sur la croupe du moulin de Commantray

IV- La 52e DR s'installera dans la région de Corroy – Courcelles – Fresnay – Faux. Artillerie au Nord

QG Maroc : Fère Champenoise

QG 17e DI : Oeuvy

QG et PC du CA : Fère Champenoise

Général Dubois

Pour l'organisation des corps de troupe: http://cecile_meunier.club.fr/france/1914/9ca.htm

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2 janvier 2005

Gâtés par l'administration

En position aux environs de Passchendaele, le 2 janvier 1915, le 268e RI essuya une attaque allemande, mais il tint bon, sous le commandement du Lieutenant Colonel MICHEL.

Dur lendemain de jour l'An, pour ces hommes.

Voici tel que fut reporté celui du 290e dans son livre par le Colonel Eggenspieler :

« Au nouvel an, l'E.-M. du régiment était en meilleure forme*, grâce à de vieux vins français que le Lieutenant Sohier avait dénichés chez le Curé de Wlamertinghe. Pour les vins authentiques, il n'y avait rien de tel que les caves de curés. Il y a été fait appel fréquemment quand on revenait se reposer à Wlamertinghe. Il valait du reste bien mieux que la cave du curé fut vidée par les Français que par les obus boches.

Les hommes de leur côté furent gâtés par l'Administration, qui distribua au champagne, du vin en supplément, et des fruits variés. La fête eut été complète sans une fâcheuse visite du Commandant de Corps d'Armée, et le départ pour les tranchées dans la soirée ».

*  :
Pour Noël, le 290e avait subi un bombardement de la part de ceux d'en face.

1 janvier 2005

Il y a cinq mois déjà

En ce 1er janvier, il y avait cinq mois à peine que le 290e RI avait quitté Châteauroux. Son départ s'était fait dans la liesse le soir du 9 août 1914, comme celui du regiment frère, le 90e RI, quelques jours plus tôt.

Voici ce qu'en rapporta le colonel Eggenspieler dans son ouvrage "Un régiment de Réserve en Berry" (Bourdier 1932)

"Le Départ.

Pendant que les préparatifs s'accomplissaient, l'atmosphère de Châteauroux restait enfiévrée. Un jour, il se produisit un brouhaha, une bousculade. On entendit des cris, et des coups furent échangés. C'était un député pacifiste auquel les Berrichons faisaient un brin de conduite.

Tout cela a duré longtemps, sept jours pleins, du 2 au 9 août. Dans la soirée du 9, la cour de la caserne était embrasée par les feux d'acétylène. Le régiment était rangé comme pour la parade. Il n'y avait pas un manquant. Le Berrichon aime le pinard, mais dans les grandes circonstances il sait se tenir. Une allocution brève, simple, mais vibrante du Colonel. Les clairons sonnèrent «aux Champs » et le drapeau se déploya aux mains du Lieutenant de Tarlé. L'instant était solennel. Un ordre bref et le régiment s'ébranla. Il traversa la ville, accompagné par la population. A la gare, l'embarquement s'accomplit sans trop de désordre, malgré la foule. Il fut formé deux échelons.

Le premier comprenait :

L'Etat-major ; le 5e Bataillon ; la 1ère section de Mitrailleuses

Le deuxième comprenait :

Le 6e Bataillon et la 2e section de mitrailleuses

Au total, il a été embarqué 38 Officiers, 2171 hommes et 124 animaux".

Voici ce qu'aurait pu donner ce départ:

31 décembre 2004

Fin d'année

En ce jour du 31 décembre 1914, les unités du 9e CA sont toujours dans le secteur de Zonnebeke.

Louis BARNAGAUD et Louis ROBIN du 90e RI sont tombés sur le champ de bataille du Nord-Est d'Ypres. Le même sort devait concerner ARNAULT Auguste, BERGEAULT Alphonse, MATHERON Louis au sein du 268e RI.

Pendant ce temps, le 2e classe Ernest PHILIPPON du 90e et le sergent Louis BRET du 290e décédaient à l'hôpital d'Abbeville (80) pour le premier et à celui d'Airvault (79) pour le second.

Le sergent BRET était originaire d'Orsennes à quelques kilomètres de mon village d'origine. On peut facilement imaginer, qu'en tant que "pays", il ait connu Lucien BESSONNEAU. Louis BRET est mort des suites de "maladie contractee contractee au front", comment pouvait-il en être autrement au vu des conditions de vie dans les zones de combats?

Louis BARNAGAUD repose maintenant en paix à la nécropole Notre Dame de Lorette (Carre 13 Rg 5 n°2536).

30 décembre 2004

Le jour J

Bonsoir
Sonnez trompettes, résonnez tambours
Voici le jour de l'inauguration de mon blog

Permettez moi de vous présenter la "cause" de ma passion pour ce terrible événement que fût la première guerre mondiale.
Lucien Bessonneau, modeste maçon parisien originaire de l'Indre, comme bien d'autres, partit un jour ensoleillé de début août 1914. Et comme bien d'autres, il ne devait jamais revenir.
Etant le seul mort de la famille, dans ce sinistre conflit, il avait pour moi une aura de mystère, Aucun monument aux morts ne porte son nom. La tradition familiale le disait mort à Verdun, mais personne ne pouvait m'en dire plus. Seules quelques photos de son service à Tours au 66e RI et deux lettres malhabiles à mon arrière grand-mère constituaient la trace que j'avais de lui.
Depuis pas mal d'années je me faisais généalogiste, mais lassé de compiler des listes de noms, il y a quelques temps je décidai de connaître le fin mot de l'histoire. Une visite au CARAN me permit de connaître les infos tant recherchées.

Lucien Jean Baptiste Bessonneau était disparu corps et âme le 3 décembre 1914 au sein du 290e RI, dans la boue des Flandres, à Zonnebeke plus précisément.

L'envie d'en apprendre plus me poussa à dévorer de nombreux ouvrages et à découvrir un conflit que je croyais connaître. De fil en aiguille, je m'intéressais donc aux régiments d'infanterie du département de l'Indre.

Sa fiche sur "Mémoires des Hommes"

 

 

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