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Indre 1914-1918 - Les 68, 90, 268 et 290e RI
290e ri
21 mars 2018

Mars 1918, présentation des secteurs : Reichacker, Tête de Faux, Linge.

Dans un message précédent (écrit en 2008, il y a 10 ans donc), le colonel Eggenspieler avait raconté l'arrivée dans les Vosges. Je me limite à citer les passages clés du livre du colonel Eggenspieler par manque de temps à consacrer à la rédaction des messages.
Avant de vous livrer le texte tel quel, je ne peux que vous conseiller de vous rendre sur le compte Facebook de Denis Souchaud. Kévin, au travers de messages quotidiens, nous fait revivre le parcours de l'année 1918 du 268e RI, le régiment jumeau du 290e dont le colonel Eggenspieler était le chef de corps.

https://www.facebook.com/people/Denis-Souchaud/100005381536365

 

Laissons maintenant la parole aux gars du 290e qui vous présentent le secteur qui va voir leurs derniers combats avant la dissolution qui adviendra en juin 1918:

Le 12 mars, l'E.-M. du régiment et le 5e bataillon se mirent en marche vers le Collet, par la merveilleuse route des lacs de Longemer et de Retournemer. Le 6e bataillon fut transporté par la voie étroite.
Le Collet était la partie du sommet des Vosges située immédiatement à l'Ouest du Col de la Schlucht. Il s'y trouvait un camp qui portait le nom de camp du Collet composé de nombreuses baraques dispersées sous les arbres. Dans ce camp étaient installés toutes sortes d'E.-M. et de chefs de services. Il s'y trouvait notamment le Général de Brigade commandant le secteur avec son E.-M. et le commandant de l'artillerie. Le Général de Brigade qui commandait au moment où nous sommes arrivés était un vieux Général quinteux, il était je crois du cadre de réserve. Il était détesté de son personnel. J'ai remarqué aussi que le Général de Division quand il venait dans le secteur ne s'adressait jamais à lui. Après notre entrée dans le secteur je ne l'ai plus revu. Il est parti définitivement quelques semaines après notre arrivée. Il a été remplacé avantageusement par un jeune colonel du nom de Cot qui devait compter de nombreuses campagnes coloniales. Sa tunique était barrée de trois ou quatre rangées de décorations, C'était un garçon calme et tranquille. Il venait me voir presque journellement. Il nous a quittés à son tour au bout d'un mois environ. J'ai fait l'intérim du commandement du secteur jusqu'à l'arrivée d'un nouveau titulaire. C'était un Général de Brigade de cavalerie qui était je crois également du cadre de réserve. C'était un homme charmant comme on sait l'être dans l'arme de la cavalerie. Il s'appelait Violand et était Alsacien comme moi. Nous parlions souvent du pays de l'autre côté de la crête et nous nous demandions si nous finirions par y descendre. J'ai correspondu avec le Général Violand encore longtemps après mon départ du secteur.
Dans le secteur du Reichacker nos lignes étaient à cheval sur la vallée de Munster. Elles partaient au Sud, du Klitzerstein, près de Muhlbach, passaient au Reichacker, traversaient la Fecht à Ampfersbach et aboutissaient au Nord, à Soultzeren. En plus du secteur du Reichacker nous avons occupé temporairement le "Linge", le "Immelinskopf" (1.215 mètres) au nord du lac Blanc et la "Tête de Faux" (1.219 mètres), au sud du Bonhomme.
A l'intérieur des lignes notre occupation était assise sur un fort massif de montagnes qui se détachait de la crête générale des Vosges au Hohneck, et dont l'extrémité Est aboutissait à Munster. Une série de sommets qui allaient en s'abaissant de l'ouest à l'est jalonnaient la crête du massif montagneux. Le sommet le plus élevé était le grand Hohneck (1.361 mètres), puis venaient le petit Hohneck (1.287 mètres), le Gaschney (1.090 mètres), le Tannele, le Sattel-Kopf et finalement le Reichacker.
Au Hohneck il y avait un observatoire doublé d'un poste d'écoute. J'y allais très souvent. J'y passais des heures à observer la plaine et le cours du Rhin dont je voyais miroiter la surface en certains endroits. Les Allemands s'étaient installés dans ce pays de force après leurs victoires de 1870, ils n'avaient donc rien à dire si nous y revenions par les mêmes moyens.
Mon P.C. était installé au Gaschney. Il y avait là un certain nombre de baraques édifiées par les chasseurs. Sur les pentes du Gaschney, plus bas que mon P.C. se trouvaient des parcs de voitures et d'animaux. Notre poste de secours régimentaire était installé dans une baraque très confortable au même niveau que mon P.C. Au Tannele était installé le camp Nicolas. La partie élevée de ce camp avait été détruite par un bombardement, sans doute au cours des combats du Reichacker. Sur le flanc Nord du Gaschney il y a eu autrefois des mines d'argent. Leur emplacement est marqué sur la carte des Vosges au 20.000e.

Eggen_P514
Carte du secteur Sources Col. Eggenspieler - Le 290e, un regiment de réserve du Berry (page 514)


Tout le massif montagneux qui s'étendait du Hohneck jusqu'à Munster était couvert de forêts magnifiques de sapins poussés droits comme des cierges. Le massif était bordé au Sud par la Grande Fecht qui passait à Metzeral. De notre secteur on ne voyait presque pas cette vallée. Au Nord le massif était borné par la Petite Fecht qui passait à Stosswihr dont nous aurons à reparler. Les deux Fecht, petite et grande, se réunissaient à Munster où elles formaient la Fecht proprement dite. Des hauteurs au Sud de Soultzeren on avait des vues magnifiques sur la vallée de Munster. Les Allemands nous empêchaient de voir à l'intérieur des rues de la ville en tendant d'énormes toiles successives à travers celles-ci. Dans la campagne au Nord de Munster on voyait les habitants travailler dans les champs. Ils savaient qu'ils n'y risquaient rien. Ils étaient aidés dans leurs travaux par des soldats dont on reconnaissait très bien les uniformes.

Munster_HotelAltenberg

A l'intérieur du secteur on peut citer comme curiosité l'hôtel de l'Altenberg, au bord de la grande route de Gérardmer à Munster et Colmar. Le bâtiment principal de l'hôtel était passablement démoli. Seul le sous-sol était encore en bon état. Toutes les pièces en étaient luxueusement carrelées en belle faïence de couleur. Les Allemands y avaient fait beau et grand. Au moment de notre séjour, l'hôtel ne servait plus que d'observatoire à nos artilleurs. Une autre construction, en terrain français celle-ci, était le chalet Hartmann. Il était placé juste au bord de la frontière et passait pour être un nid d'espionnage avant la guerre. Au col de la Schlucht il y avait avant la guerre l'hôtel français de la Schlucht et les bâtiments de la douane. Ils ont été entièrement détruits au début de la guerre. Un chemin de fer à voie étroite et à crémaillère permettait de se rendre de Munster à la Schlucht. Un tramway français prolongeait la voie ferrée depuis la Schlucht jusqu'au Hohneck. L'Empereur Guillaume y était venu avant la guerre.

Munster_Tramway1


Au Nord de la Schlucht nous avions comme point élevé marquant de la crête des Vosges, le Tanet (1.292 mètres) avec la Roche du Tanet. Un peu plus au Nord se trouvait le parc des Chiens de l'Alaska. Ce parc était dirigé par un lieutenant qui avait séjourné dans l'Alaska et qui y était retourné pour chercher les chiens. C'étaient des animaux superbes, genre chiens d'esquimaux. Ils servaient notamment en hiver au ravitaillement des troupes échelonnées sur la crête et les sommets du Nord du Tanet. En hiver ils étaient attelés au nombre de neuf à des traîneaux avec lesquels ils filaient comme le vent. Dans les autres saisons ils traînaient des petits wagonnets qui roulaient sur des rails. Leur élément favori c'était la neige. Ils sont logés dans des niches en bois humectées et sans paille, c'est ce qui convenait à leur tempérament.

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Sources Astouin et Izard "Train des Equipages et le service automobile pendant la Grande Guerre (insertion page128)

Sources: Collection de l'auteur et Colonel Eggenspieler - Le 290e, un régiment de réserve du Berry

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3 décembre 2016

L'eau d'och mare (Le cidre de la Somme est goutu)

Aujourd'hui est un peu particulier, il y a 102 ans disparaissait Lucien, mon arrière grand oncle, à qui j'ai dédié ce blog.

Il y a 100 ans aujourd'hui, le 290e RI, dans la Somme, découvrait le repos après un dur séjour dans le secteur de Sailly-Saillisel. Le colonel Eggenspieler, quand à lui, découvre les plaisirs du cidre avec "l'eau d'och mare".

"Le 4 décembre le régiment est transporté en camions-autos à Lignières-Châtelain et à Coullière, à la limite Sud du département de la Somme. A ma rentrée de permission je trouve le régiment installé dans ces deux localités. Les cantonnements sont bons. Les hommes s'y refont rapidement, d'autant mieux que les permissions jouent à plein".

LignieresChatelain_Place
Lignières Chatelain (Somme) La Poste et la Halle

"Personnellement j'étais logé chez des personnes fort aimables qui m'ont fait le meilleur accueil. En causant, le maître de la maison m'a confié qu'il avait constaté de grandes différences dans les manières de se comporter des officiers qu'il avait eu à loger. Ainsi, peu avant moi, il a eu à héberger un grand chef de chasseurs à pied dont il a été particulièrement mécontent.
En visitant un cantonnement, j'ai eu l'occasion de recueillir quelques précisions sur la manière de faire le cidre dans le pays. Je me trouvais dans la cour d'une grande ferme. Au centre de la cour se trouvait une mare énorme. Le Lieutenant Maître qui se tenait près de moi me posa une colle. Il me demanda avec quelle eau je croyais qu'on faisait le cidre.
Sur mon geste, qui voulait dire que je n'en savais rien, il me dit que c'était avec celle que j'avais devant moi, « l'eau d'och mare ». Comme je ne voulus rien en croire et d'autant moins qu'à ce moment le bétail se promenaient dans la mare, on fit appel au témoignage du fermier. Celui-ci confirma purement et simplement les dires de Maître. Le fermier ajouta même que le cidre fait avec « l'eau d'och mare» était bien plus moelleux que celui fait avec l'eau de fontaine la plus pure. Pour me convaincre il m'en offrit un verre. Je dois reconnaître qu'il était très clair et très bon".

Il est à noter qu'avant le conflit, le colonel Eggenspieler était de garnison à Cherbourg, il faut certainement y voir là, la source de son intérêt pour cette boisson et le pourquoi il nous livre cette anecdote.

Sur le sujet des boissons on lira avec intérêt l'article de Stéphane Le Bras intitulé "Été 1916. Le cidre est-il soluble dans le pinard ?" sur le site "En Envor" (Cliquez sur le lien).
Cet article est d'ailleurs agrémenté de jolis clichés sur la fabrication du cidre, au front, provenant du fonds Valois de la BDIC

Sources texte: Colonel Eggenspieler - Un régiment de réserve du Berry, le 290e RI

27 septembre 2016

La 17e Cie du 290e RI, l'encadrement au repos à Ypres [Réactualisation 27 Sept. 2016]

Dernièrement, Didier Boureaud m'a fait parvenir un cliché qui m'a bigrement intéressé, car il m'a permis de mettre des visages sur des noms connus pour qui s'intéresse au 290e RI. Qu'il soit par avance remercié pour la mise à disposition de son cliché.

290eRI_Ypres19150325_Recto 290eRI_Ypres19150325_Verso

La datation du cliché est relativement aisée, puisque la date est inscrite au verso du cliché : 25 mars 1915.
le lieu est bien connu par les combattants des unités du régiment. Il s'agit d'Ypres en Belgique. les régiments indriens y restèrent de la fin octobre 1914 au mois d'avril 1915.
Deux types d’annotations sont aussi inscrites. Au centre, de la même encre que la date et le lieu, nous trouvons la liste des 6 personnes présentes sur le cliché. En haut, nous retrouvons cette même liste mais avec des orthographes ou des annotations légèrement différentes. L’auteur des annotations est le même dans les 2 séries, la calligraphie est identique.
Vraisemblablement, les écritures du centre furent les premières reportées et celles du haut correspondent à une annotation ultérieure, ceci du fait de leur disposition sur le carton.
L’ordre de gauche à droite est différent de celui du cliché, il est en position miroir du cliché. Ceci est visible par la position du capitaine dans la liste des noms qui est alors 4e en partant de la gauche alors que sur le cliché , il figure en 3ème position.

Ces éléments permettent d’identifier les personnages comme suit :

Groupe1

Lorsque l’on étudie les uniformes de cette période précise qu’est l’hiver 1914-1915, il ne faut jamais oublier que l’armée française était alors dans l’improvisation logistique concernant les équipements fournit aux hommes. Avec le temps, l’uniforme se standardisa vers la tenue complètement équipée de Bleu-horizon.
5 soldats portent une capote Bleu Horizon modèle 1914 de 3ème type qui fut instaurée en décembre 1914. Le capitaine porte une tunique modèle 1893 (Couleur noire), il a pris soin d’enlever la capote qu’il porte habituellement lors des séjours en 1ère ligne.
5 képis sont visibles nous avons là 4 képis de modèle non définissables et couverts de couvres képis de teintes variées mais en adéquation avec la date. Le capitaine porte un képi traditionnel d’officier.
Dans le cas des 2 hommes de gauche, on notera la présence de rouleaux d’épaules en drap des anciennes tenues (Gris de fer bleuté – Bleu foncé).

Intéressons-nous aux numéros d’unités présents sur le cliché :

NumeroUnité

Les numéros visibles sur les tenues ne présentent pas d'anomalies flagrantes. Les liens entre le 90e RI et le 290e RI sont très proches, à la fois par le lieu de garnison identique, mais aussi par le fait qu'ils combattent ensemble au sein du 9ème corps d'Armée et les mouvements entre les 2 unités étaient courants.
Pour les 5 en bleu horizon, il est fait usage des numéros issus des anciennes tenues. A noter cependant l’originalité de celui de gauche qui se signale par l’usage du numéro 90 et par la présence d’un seul écusson porté sur la poitrine. En effet, le 2 novembre 1914, la suppression des pattes de collet est décidée, ainsi que leur remplacement par un écusson porté sur le côté gauche de la poitrine. Cette étonnante décision ne sera suivie que dans des cas extraordinairement peu fréquents. Cette disposition prit fin avec les dispositions du 9 décembre 1914 (Pattes Jonquilles).
On notera cependant que cette dernière disposition n’étaient toujours pas en vigueur en mars 1915 dans le cas nous intéressant.

Le capitaine porte le numéro 133 sur sa tunique et un képi avec le numéro 90. Nous verrons un peu plus loin, lors de la présentation de ce capitaine, le pourquoi du 133.

Si nous observons les bas de tenues, il est à noter l’usage des bandes molletières (plus ou moins bien enroulées), le deuxième en partant de la gauche à garder ses jambières en vigueur lors de la mobilisation (modèle 1913), par-dessus ses molletières de couleur Bleu-Horizon. Il porte la culotte de velours à grosse cotes qui équipa les soldats durant cette période intermédiaire entre la tenue de la mobilisation et celle standardisée du Bleu-horizon.

BasdeJambes

Nous sommes en présence de gradés, très certainement issus de la même compagnie. Nous avons donc 1 capitaine, 1 adjudant et 3 sergents. Pour le dernier présent sur le cliché, le grade n’est pas visible.

Grades1

Quelle est donc l’unité de ce groupe ?

Au vu des recoupements possibles à partir des données visibles et des données individuelles présentées ci-après, nous sommes vraisemblablement en présence des gradés (1 offcier et 5 sous-officiers) du 290e RI qui se firent prendre en photo, en ce 25 mars 1915, à Ypres.
Pour comprendre le contexte de ce cliché, prenons le Journal de Marche du 290e RI (J’ai volontairement enlevé les listes de pertes afin de ne pas alourdir le document)

21 mars 1915 : Nuit calme. Dans la journée de nombreux avions survolent le secteur, notre artillerie canonne vigoureusement les batteries allemandes qui ripostent faiblement. Contre ordre donné dans la journée à la relève de la 18e D.I. par la 17e D.I. L’état-major et les 22e et 24e Cies quittent Ypres à 20 heures pour aller relever au Polygone de Zonnebecke. La relève est terminée à minuit sans incident ; le Lieutenant-colonel EGGENSPIELER prend le commandement du secteur qui est tenu de droite à gauche par les 21e, 23e et 24e Cies en première ligne avec la 22e Cie en soutien et les 18e et 19e Cies en réserve. Une des deux Cies de réserve (La 18e) est désignée comme soutien du régiment placé à droite du secteur en exécution d’une note du service du Général Cdt la 18e D.I. du 19 mars.
Les 17e et 20e Cies viennent cantonner à Ypres sous les ordres du Commandant RENARD
.

22 mars 1915 : Après nuit calme, dans la matinée les batteries allemandes installées aux environs du château de Polderhoek canonnent les tranchées du bois du Polygone et le bois du Polygone et dans l’après-midi la batterie de Becelaere bombarde les deux tranchées de droite. Vers 13h30 quatre obus tombant sur le dépôt de matériel le font sauter.
Cantonnement à Ypres des 17e et 20e Cies.

23 mars 1915 : Nuit calme, fusillade peu nourrie ; bombardement de 10h15 à 11h00 des tranchées de première ligne principalement de la tranchée de droite s’éboule en deux points. A 15h00 et 15h45 nouveaux bombardements sur cette tranchée qui prennent fin après l’intervention de notre artillerie.
Même cantonnement pour les 17e et 20e Cies.

24 mars 1915 : Nuit calme ; canonnade vers 11h00 sur la tranchée de droite arrêtée après intervention de notre artillerie et vers 12h00 sur le bois du Polygone, le poste de commandement et le front du secteur. A la suite de ce bombardement deux hommes sont ensevelis sous les décombres d’une brèche faite dans une tranchée. Un tir d’infanterie est dirigé par la Cie de gauche sur un point où paraissait se tenir un observateur. Dis bombes Aasen sont lancées dont six avec succès. Réparation de la tranchée, assainissement des boyaux, pose de gabions, de fascines, de claies, et de sacs de terre ; pendant la nuit pose de chevaux de frise, de réseaux brun et de fil de fer barbelé.
Même cantonnement pour les 17e et 20e Cies

25 mars 1915 : Nuit et journée calmes, canonnade et fusillade presque nulles. Continuation des réparations de la tranchée du centre et des parapets de la tranchée de droite, pose des défenses accessoires. Dans la nuit, les compagnies de première ligne sont relevées par les 22e, 19e et 18e Cies qui tiennent le front dans cet ordre de droite à gauche ; les Cies relevées viennent s’installer la 24e en soutien et les deux autres en réserve.
Même cantonnement pour les 17e et 20e Cies

Le 290e RI est bien dans le secteur d’Ypres et les 17e et 20e Cies sont bien en cantonnement à Ypres. Alors quelle est la compagnie qui nous est présentée ici. Il s'agit de la 17e, cela correspond à l'ordre de bataille du 15 janvier 1915:
5ème Bataillon:
Chef de Bataillon: RENARD
17eme Compagnie:
Lieutenant Cdt la Cie:  MOREAU
S/Lieutenant:  JAILLET

Quelle pourrait être la localisation du cliché ?

Si on observe l'arrière plan du cliché, on constate effectivement que l'architecture des ruines présentes est typique de l'architecture gothique présente à Ypres. Peut-être s'agit-il d'ailleurs des ruines de la célèbre halle aux draps ou de la cathédrale Saint Martin de la cité flamande? Difficile cependant d'en dire plus.

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La halle aux draps et la cathédrale Saint-Martin d'Ypres en 1917 (Sources Wikipédia)


 

Réactualisation du 7 septembre 2016:

Il est des moments que j'apprécie, surtout lorsque les internautes visitant le blog apportent leur pierre à l'édifice (si j'ose dire).
Après la participation spontanée de Didier Boureaud pour me proposer le cliché source de ce message, Sébastien Ducongé vient de me contacter en cette rentrée pour nous permettre la localisation du cliché. Son aieul, soldat au 268e RI, ayant été fait prisonnier dans le secteur d'Ypres le 4 novembre 1914, celui-ci s'intéressa au message que vous lisez.
De par quelques recherches et connnaissances, il entrepris d'identifier et de localiser le lieu de prise de vue du cliché.

Ayant trouvé une carte postale des ruines de la cathédrale Saint Martin d'Ypres, il localisa l'environnement du cliché. Plutôt qu'une lognue explication de ma part, je vous livre le document qu'il a pris le temps de rédiger.

 

CaptureJC0

Merci donc à Sébastien pour son aide et ayons à l'occasion une pensée pour Pierre "Clément" FOMPROIX qui prisonnier n'en revint qu'en 1919 et invalide, pour finalement décédé en 1926 des suites de ce conflit.

 


 

Quelle peut être l'origine de ce cliché ?

Didier Boureaud a retrouvé ce cliché dans les archives familiales. Hormis ce cliché, il a aussi retrouvé les livrets militaires de 3 aieux qui ont connus la période du conflit. Parmi ces livrets, un a particulièrement retenu notre attention car il contient des éléments en lien avec les données trouvées ci-dessus.
Il s'agit du livret de Constant Jules ALLEGRET.
En effet, en fouillant dans celui-ci, Didier me transmis le message suivant: "Je suis en mesure de vous confirmer que mon arrière-grand-père ALLEGRET Constant prénommé couramment  Jules était bien présent au 290 RI 17e Compagnie, comme l’atteste le certificat de vaccination du poste de secours du 290 RI en date de  février 1916."

CaptureLivretConstant1 Preuve présence ALLEGRET Constant Jules au 290eme regiment et 17e compagnie1(1)

Vraisemblablement, Jules avait donc gardé aussi un cliché souvenir de ses gradés de la 17e Cie.

Quels sont les personnages présents?

Après les avoir nommés, intéressons-nous maintenant aux parcours des 6 hommes présents sur le cliché par le biais des données accessibles. On notera que l'absence de prénoms, juste des noms rend plus difficile certaines recherches. Nous nous limiterons alors aux traces laissées dans la documentation historique actuellement disponible.

Volontairement, je présente les personnages suivant leur grade sur le cliché et non suivant leurs grades ultérieurement obtenus.

  • Le Capitaine MOREAU

Moreau

Le grade de capitaine est visible sur la tunique ainsi que sur le képi (3 bandes horizontales dorées). La tunique est toujours numérotée de son régiment d’origine (133e RI)

- Dans le JMO du 290e RI, à la date du 15 décembre 1914, l’arrivée du lieutenant MOREAU en provenance du 133e RI
Arrivée des lieutenants MOREAU et TOURNIER du 133e qui sont affectés aux 17e et 22e Cies.

- Le JMO du 17 janvier 1915 le donne à la tête de la 17e Cie du 290e RI:
Cantonnement à Vlamertinghe
Ordre de bataille
Colonel (Commandant le Régiment): EGGENSPIELER
5ème Bataillon:
Chef de Bataillon: RENARD
17eme Compagnie:
Lieutenant Cdt la Cie: MOREAU
S/Lieutenant: JAILLET

- Il est promu au grade de capitaine le 7 mars 1915:
Par décret de ce jour, le Capitaine MARSILY est promu à titre définitif et le Lieutenant MOREAU est promu Capitaine.

- Il est évacué pour maladie le 10 septembre 1915 :
Le Commandant De La BASTIDE et le Capitaine MOREAU sont évacués pour maladie.

 

 

 

 

  • Le Sergent BOUCHARD François Jules Marie

Bouchard

Le sergent Bouchard est connu au sein du régiment, car il était aussi le vicaire de Vatan. Ecclésiastique, il fut mobilisé au sein du 290e RI. Il était caporal en décembre 1914:

Citation à l'Ordre de la 17e Division.
BOUCHARD François-Jules-Marie, Caporal au 290e R.I. Le 29 novembre, aux tranchées de première ligne, a continué de panser des blessés en voyant deux de ses voisins tués à ses côtés. Le 3 décembre, a transporté en plein jour sur son dos un blessé de la première à la deuxième ligne de tranchées, par­courant plus de 300 mètres sous une fusillade intense, et montrant en cette circonstance une abnégation, un sang-froid et une indifférence au danger dignes des plus grands éloges.
Au Q.G., le 19 décembre 1914.
Signé : GUIGNABAUDET.

En avril 1915, le colonel Eggenspieler, chef de corps du 290e RI notait:
Nuncq. - Le 2 avril 1915, la 18e D.I. à laquelle nous étions toujours rattachés, s'est mise en- route pour se transporter dans la région à l'Ouest de Saint-Omer. Le 3, le régiment se trouvait à Esquelbec où il est resté encore pendant les deux journées suivantes. Le jour de Pâques se trouvait juste être un de ces jours. Aussi le régiment a-t-il organisé une messe solennelle, avec musique et chant, comme certainement les habitants n'en avaient jamais vue. Des formations sanitaires qui se trouvaient à demeure dans la localité, nous avaient prêté le concours de leurs artistes. Le Sergent Bouchard, grand et beau soldat, en temps de paix, vicaire à Vatan, officiait. Il était superbe dans sa chasuble sur laquelle il avait épinglé sa décoration russe de Saint-Georges. Un brancardier du régiment, ancien Prix de Rome, tenait les orgues. Il a fallu prendre quelques précautions avec cet artiste qui avait un fort penchant pour les spiritueux. Pour éviter tout accident, il a fallu lui adjoindre toute la matinée un Sergent, avec consigne formelle de l'empêcher de toucher à quelque narcotique que ce fut. La précaution était bonne. Notre artiste s'est acquitté magistralement de sa mission musicale. L'église était comble, aussi bien de militaires que de civils. Le Général Lefèvre présidait en personne la cérémonie.

 

Sergent sur le cliché en mars 1915,  il fut ensuite nommé Adjudant et sur le JMO du régiment, le 8 juin 1915, il est de nouveau promu au grade de Sous-lieutenant:
Mêmes cantonnements. Exercices.
Par décision de M. le Général en chef de ce jour les Adjudants BOUCHARD, ROYER, SIMON, HUBERT CAILLOU, BEAUCHET, CLECH et TEINTURIER sont promus Sous-lieutenants et affectés le premier à la C.H.R. comme porte-drapeau, le 2e à la 17e Cie, le 3e à la 18e, le 4e à la 19e, le 5e à la 20e, le 6e à la 22e, le 7e à la 23e et le 8e à la 24e Cie.

Courant 1915, le colonel Eggenspieler notait:
Le Sous-Lieutenant Bouchard, tout en continuant ses fonctions non officielles d’aumônier, prit celles de porte-drapeau. Il avait ainsi les loisirs nécessaires pour continuer à circuler dans les tranchées, pour exhorter et secourir les hommes dans les moments critiques. Je l'emmenais souvent avec moi dans mes visites au secteur. Quand il traînaillait derrière moi dans les tranchées. je savais ce qu'il faisait. Il échangeait un mot avec les soldats, leur distribuait du tabac et des cigarettes. Il était très aimé de tout le monde.

Il mourrut lors des combats de la Cote 304, à l'ouest de Verdun lors de la journée du 5 mai 1916. le colonel Eggenspieler notait alors:
A la nuit tombante je vis le sous-lieutenant Bouchard rentrer au P.C. en proie à une surexcitation extrême. C'était un brave s'il en fût. Mais à force de lutter contre les effets des obus il avait les nerfs ébranlés lui aussi. Personne ne peut résister à la longue à l'ébranlement causé par les explosions successives. En voyant l'état de Bouchard, je lui défendis expressément de sortir encore. Je lui dis qu'il avait largement fait son devoir. Tout son corps était comme secoué par une forte fièvre. Je me disais en moi-même qu'il n'allait pas m'écouter. Son devoir le poussait dehors malgré lui. Ayant demandé quelques minutes après s'il était là, on m'a répondu qu'il était reparti. Cette fois nous ne devions plus le revoir.

RI290_MPLF_BouchardFrancoisJulesMarie1
Sources: Mémoires des Hommes

En 2004, un ouvrage publié sous l’égide de l’association « Romain Guignard » de Vatan, publia des lettres de l’abbé Bouchard, voici la notice alors publiée :

Bouchard2Bouchard1 

 

  • Le sergent PEYROT DESGACHONS Louis Henri Maurice

RI290_MPLF_PeyrotDesgachonsLouisHenriMaurice PeyrotDesgachons
Sources Mémoires des Hommes                                                                   

Il figure dans les pertes régimentaires du 7 mai 1916:

PeyrotDesgachons_JMO290e
Sources Mémoires des Hommes

Sa fiche matricule est présente aux archives départementales de l'Indre: ICI

 

  • Le Sergent BOURGUIGNON

 

A748

 

Le grade de sergent est identifiable par le galon doré positionné en oblique sur la manche.
Sur le verso de la carte, il est indiqué que le Sergent Bourguignon est originaire des Deux-Sèvres et qu’il occupa la fonction de caporal-fourrier. Dans les annotations, il est d’abord déclaré (partie à l’encre) comme originaire de Châteauroux et son patronyme apparait sous l’orthographe de Bourgognon.

Dans le JMO du 290e RI, on trouve mention d'un sergent Bourguignon qui est blessé

12 janvier 1917 :
Fusillade presque nulle, par contre l’artillerie a manifesté une grande activité.
La 17e a reçu des obus de moyen et gros calibres pendant presque toute la journée. Vers 10 heures, une dizaine de 150 sont tombés dans le secteur de la 21e. Vers 15 heures, des obus de 210 sont tombés dans les mêmes parages occasionnant des dégâts matériels qui, ajoutés aux nombreux éboulements provoqués par les pluies, rendent très difficile le maintien en bon état du secteur.
Notre artillerie ne reste pas inactive et elle exécute sur les tranchées ennemies des tirs très violents de représailles.

Bourguignon_JMO290e
Sources Mémoires des Hommes

 

  • L'adjudant SEYCHAL

Seychal

Sur le cliché, il est à noter en bas des manches, le galon horizontal spécifiant le grade d’adjudant. Sur le verso de la carte, il est indiqué originaire de Châteauroux.

L'adjudant SEYCHAL apparait dans le JMO du 290e lorsqu'il est promu au grade de Sous-lieutenant, le 26 mai 1916 :
Même cantonnement.
Douches pour les 23e et 24e Cies, pour la 1ère CM et la Cie H.R.

Les Sous-lieutenants DAGUERRE et De MONTARDY (active), GILLET, BRISSON et DAVAILLAUD (réserve) sont nommés Lieutenants à titre temporaire.
Les Adjudants MASSE, BRISSET, RICHARD et SEYCHAL (réserve), le Sergent-major DELESGUES et le Sergent DURAC (réserve) sont nommés Sous-lieutenants à titre temporaire.

Dans les ordres de bataille des 28 mai 1916, 12 octobre 1916 et 28 février 1917, le sous-lieutenant SEYCHAL est affecté à la 17e Cie.

Au moment de la dissolution du 290e RI, le 4 juin 1918, il est alors affecté au 80e RI.

Dissolution de l’E.M. et du 5e bataillon.
Embarquement au Collet, en autos-camions du 5e bataillon et du reste de la C.H.R. à destination des 81e, 96e et 122e R.I. (31e D.I.), 80e et 143e R.I. (32e D.I.)
Répartition des officiers et hommes de troupe du 290e dans les différents régiments :
Sont affectés au 80e R.I. :
PATUREAU, Capitaine, De LAVARENE, Capitaine, FERRANDI, Lieutenant, HUBERT, Lieutenant, TRIQUET, Médecin Aide-Major de 1ère classe, FAYET, Sous-lieutenant SEYCHAL, Sous-lieutenant, Et 334 hommes de troupe.

 

 

  • Le Sergent Cordier (Cordon)

Cordier

Le grade de sergent est identifiable par le galon doré positionné en oblique sur la manche. Sur le verso de la carte, le sergent Cordier est indiqué originaire de Reuilly.

Aucune autre information n'a été trouvée au moment de la première rédaction de ce message.
Fin limier, Sébastien Ducongé qui avait indentifié le lieu de la prise de vue (voir plus haut) m'annonce avoir trouvé trace du sergent Cordier suite à la mise en ligne des fiches matricules sur le site des Archives départementales.

Le sergent Cordier est Alfred Cordier matricule 636 de la Classe 1903 du bureau de recrutement de Châteauroux. (Sa fiche matricule pages 221 et 222)
Natif de Reuilly, le 27 février 1883, il exerce la profession de Vigneron et réside à Reuilly en 1903 lors sa conscription.

Lors du conflit, mobilisé le 3 août 1914 au 90e RI (?), il passe au 290e RI à compter du 8 novembre 1914 et poursuit son parcours au front jusqu'en 1918.

A noter une citation à l'ordre du régiment en date du 31 mai 1918 (Juste avant la dissolution du 290e RI): "Sous-officier brave et énergique. Au front depuis novembre 1914, a toujours donné le meilleur exemple à ses hommes. A pris part aux actions de Belgique où il a été blessé le 3 décembre 1914 ainsi qu'à celle de l'Artois le 25/09/1914" (Sic, Il s'agit d'une erreur de transcription, il faut bien évidemment lire 1915)
Cette citation lui attribue la Croix de Guerre à l'ordre du Régiment.

Comment être sur de cette identication? Les points concordants sont nombreux, un de ces points n'est pas une preuve juste une impression subjective. Je vous laisse découvrir sa description physique et notamment la mention de la taille de son nez. Un doute est cependant présent lorsque voit la mention de la couleur de ses cheveux et sourcils

CaptureJC
Sources: AD36 - Bureau Châteauroux - Classe 1903 - R 2386 - Matricule numéro 636

 

24 avril 2016

Le 290e RI au Bois Saint Pierre, en attendant la montée en ligne

"De Nubécourt et Bulainville nous nous sommes rendus au Bois de Prix-Saint-Pierre ou simplement Bois Saint-Pierre.
Ce bois se trouvait
immédiatement au Sud de la vallée profonde que suivaient la voie ferrée et la route de Verdun à Clermont-en-Argonne. La voie n'avait plus l'air de fonctionner.
Une fois au Bois Saint-Pierre on appartenait inéluctablement à la place de Verdun, ce grand bastion qui aspirait successivement presque tous les régiments de l'Armée française, et d'où ils sortaient invariablement pantelants et décimés. Nous avons été aspirés à notre tour depuis les bords de la Manche.
Ici la physionomie de la campagne était transformée. Il y avait des troupes partout. On se serait cru à l'arrière d'une Armée de siège. A part le grouillement des troupes tout était calme et tranquille, sur les chemins aucun désordre, ni encombrement. Jusqu'aux lignes les routes étaient excellentes. Ces constatations étaient réconfortantes. On sentait qu'une main invisible dirigeait et ordonnait tout cela. Quel contraste avec ce que nous devions voir un an après dans l'Aisne.
Nous avons fait notre entrée ,dans le bois par un temps de pluie abominable. Au bas du chemin creux que nous suivions il y avait une montagne de boue. Comme installation c'était le bivouac. Comme abris nous avions de mauvaises huttes en bois recouvertes de terre et qui étaient traversées par la pluie comme des tamis. Tous les matins, je baignais dans un petit
lac qui se formait dans mon imperméable. Le compte rendu légendaire d'autrefois : « Les troupes sont fraîches, il a plu toute la nuit » nous aurait été parfaitement applicable.
Le 23 avril, c'était jour de Pâques. Elles n'étaient nullement fleuries. On a néanmoins organisé une messe. La joyeuse voix des cloches était remplacée par celle du canon. Les sapeurs ont construit un autel, et le Sous-Lieutenant Bouchard a officié. L'assistance était nombreuse et très recueillie. Un vague pressentiment des événements prochains avait envahi chacun. Plus d'un des assistants devait en effet après les journées des 4, 5 et 6 mai dormir son dernier sommeil sur la croupe 304".

 

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Sources: Colonel Eggenspieler - Un régiment de réserve du Berry - Le 290e RI

16 avril 2016

En route pour Verdun

 Le 290e RI et le 9ème corps d'Armée de manière plus générale commencent à faire mouvement pour alimenter le "tourniquet" de la fournaise meusienne qu'est Verdun.

"Le 13 avril au matin, nous nous rendions à Tricot pour nous embarquer. A ce moment, nous étions fixés sur notre destination finale.

 Jabien0009
Sur le quai de la gare en attendant le départ - Ltn Jabien 268e RI

Nous nous sommes embarqués en trois trains, ce sera la règle dorénavant. Nous avons débarqué à Sommeilles-Nettancourt, au Nord de Revigny. Nous sommes allés cantonner l'E.-M., la C.H.R. et le 6e bataillon à Chardogne (Nord-Ouest de Bar-le-Duc), le 5e bataillon à Laimont (Est de Revigny). Pour nous rendre dans nos cantonnements nous sommes passés à Brabant-le-Roi, où le 21 février nos artilleurs avaient abattu un des Zeppelins qui étaient venus annoncer l'offensive allemande sur Verdun. Nous avons été bien accueillis dans ces premiers cantonnements de la Meuse".

Le 17, nous quittions nos cantonnements et nous revenions sur nos pas. Nous allions cantonner à Brabant-le-Roi et à Villers-aux -Vents. De là nous avons gagné Vaubécourt et Pretz-en-Argonne. J'étais personnellement logé à Vaubécourt, qui semblait avoir été un joli chef-lieu de canton. Les Allemands l'avaient quelque peu transformé. Beaucoup de maisons avaient été démolies à coups de canon et incendiées. Les habitants étaient pour la plupart restés dans la localité.

Mon gîte se trouvait dans une maison importante habitée par une dame veuve âgée. Elle avait dans sa maison un grand nombre de chambres inoccupées. Elle voulait bien me loger, mais elle ne voulait pas de mon Officier adjoint, le Lieutenant Davaillaud. Je parlementais d'abord poliment, mais quand je vis que cette vieille tourterelle ne voulait rien entendre, je lui déclarai que mon Officier resterait dans sa maison et que le drapeau, que j'y avais fait déposer, s'en irait dans une maison plus hospitalière. Là-dessus la bonne dame feignit de se trouver mal, elle eût quand même encore assez d'esprit pour me dire que les Allemands avaient été bien plus polis que nous. « En effet, lui dis-je, je n'ai qu'à regarder les décombres d'en face pour être fixé; je n'ai qu'un regret, c'est que votre maison ne soit pas dans le même état, cela nous aurait évité toute discussion.
Je tournai les talons et ne revis plus cette patriotique propriétaire"

De Vaubécourt nous nous sommes rendus à Nubécourt (E.-M., C.H.R. et 6e bataillon) et Bulainville (C.M. et 5e bataillon). Nous nous trouvions alors dans la riante vallée de l'Aire; nous y sommes restés pendant quelques jours. Les habitants étaient de braves gens qui nous ont fait le meilleur accueil. Comme à Maignelay, ils savaient où nous allions. Leurs relations avec le régiment étaient empreintes d'une certaine pitié.

Sources: Colonel Eggenspieler - Un régiment de réserve du Berry - Le 290e RI

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21 avril 2015

22 avril 1915, la guerre devient industrielle et si actuelle.

Voici un sujet primordial de ce conflit. En effet, il est une date où la guerre de 14 prit un tournant industriel et c'est bien le 22 avril 1915.
Pour rappel, tout d'abord, la guerre de mouvement dès la fin septembre 1914 disparue au profit de la guerre des positions, mais il est un autre tournant lié à l'usage d'un nouveau type d'arme que nous qualifions maintenant d'armes de destruction massive. Le 22 avril 1915, l'armée allemande utilisa pour la première fois, à grande échelle, les gaz de combat chlorés, choisissant le secteur des Flandres pour cette attaque, la jonction entre l'armée française et l'armée britannique. Certes des tentatives avait déjà eu lieu début 1915, mais l'ampleur de l'attaque du 22 avril en fait une date marquante (Sur ce sujet, on se reportera sur le lien donné en fin d'article).

Au départ, le 9e Corps d'Armée n'était pas concerné, l'Etat-major français le prévoyait pour l'attaque en Artois du 9 mai 1915. Certaines unités "moins importantes" furent tout de même impactées et ainsi, les 2 régiments de réserve, les 268e et 290e RI furent rappelés pour compléter et reprendre le terrain perdu lors de cette attaque aux gaz.

A la suite du conflit, un monument fut construit. Ce dernier fut dynamité en 1941 par la Wehrmacht. Il fallu attendre les années 60 pour que le monument soit reconstruit.

MonumentSteenstraat

Les noms des régiments de réserve du Berry y sont gravés, de part leur participation aux combats du secteur, vers Lizerne, Steenstraat, Het-Sas, ... et ce jusqu'en aout 1915, pour alors participer aux grandes offensives de Septembre 1915.

MonGaz2_1

 

Sur le sujet, je vous invite à visiter le site essentiel: http://www.guerredesgaz.fr/

 

Sources: Documentation de l'auteur

12 avril 2015

Aout 1919: Le Retour du 90e RI à Châteauroux

Il est certains moments dont je ne peux me lasser. Alors que je l'avais découvert lors de sa présentation en 2005, je vous en avais fait fait alors part. La ville de Châteauroux, le site Ciclic.fr et la famille de M. Brimbal ont signé vendredi un accord de diffusion.

Voilà un moment important du Centenaire dans notre département. Je vous laisse découvrir le film des équipes Pathé réalisé à la demande de M. Brimbal alors propriétaire du cinéma de Châteauroux.

Il est possible de consulter et d'annoter le film sur le site de Ciclic.fr

 

Merci à la Ville de Châteauroux, à l'équipe de la Médiathèque.
Merci à la famille de M. Brimbal
Merci aux équipes CICLIC

 

Quelques photos et cartes issues de ma collection personnelle  ayant trait à cette journée

CHATEAUROUX - Fête du Retour du 90ème d'Infanterie 24 Août 1919
Dans l'attente du passage des troupes

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Le colonel Cambel et le drapeau passent sous l'arc de triomphe

Chateauroux_19190824_Enfants_rectoNB
le défilé des enfants

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Le passage des mitrailleuses

 

8 avril 2015

Les cuistots du 290e RI

 Extrait du témoignage du Colonel Eggenspieler, chef de corps du 290ème RI, voici le report d'une scène de vie du front concernant un sujet d'un élément essentiel de la vie du régiment. Les cuisines.
Le cuistot, adulé ou bien maudit, est un des éléments essentiels de la vie du combattant.

Mœurs de cuistots.
Tout en prenant l'air sur le pas de la porte du P.C., j'eus l'occasion d'observer les mœurs des corvées de soupe. Quand l'heure approchait, je voyais de loin une file indienne s'amener tranquillement à travers la campagne. Une autre file, marchant en sens inverse, s'amenait de l'autre bout de l'horizon. Tous les jours, les deux files se rencontraient au même endroit. A ce moment, on posa les ustensiles de cuisine à terre, on forma le cercle et on bourra une bonne pipe. Les pipes allumées, on passa à la partie sérieuse de la rencontre, c'était l'échange des nouvelles. Ceux des tranchées racontaient les malheurs de la nuit, ceux des cuisines racontaient les derniers tuyaux du commandement ou de l'arrière. Les fameux tuyaux de cuisiniers n'étaient pas toujours si mal fondés qu'on pouvait le croire. J'y reviendrai plus tard.

L'échange des nouvelles terminé, chaque corvée reprenait ses marmites et s'en allait : l'une vers l'avant, l'autre vers l'arrière. Il arrivait quelques fois que le conciliabule était dérangé par les obus indiscrets des Allemands. Alors les cuistots ramassaient précipitamment leurs ustensiles et déguerpissaient au plus vite. Ce jour-là, les tuyaux étaient remplacés par l'histoire des obus qui les avaient pris dès la sortie du bois et qui les avaient suivis jusqu'aux cuisines.

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Boussin (à droite), revenant des "cuisines" du 290e RI, apporte la soupe en 1ère ligne
(Février 1915 - secteur du bois du Polygone)


Il arrivait que, dans leur fuite, les cuistots semaient le long du chemin une partie du contenu de leurs ustensiles. Il n'y avait pas de mal si, à l'arrivée, le déficit portait sur une denrée non appréciée, mais si, par malheur, il portait sur le pinard ou le jus, alors le malheureux porteur en prenait pour son grade. Malgré toutes ces avanies, il était rare que le cuistot rendit son tablier. Le lendemain, on le revoyait cheminer philosophiquement le long de la même piste que la veille. C'est qu'il avait la vocation de ses fonctions. Au front, comme dans la vie ordinaire, il y avait des vocations pour toutes les besognes. Et comme en temps de paix, il était heureux qu'il en fut ainsi.

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L'arrivée de la 1ère roulante au 290ème RI, 1915

Sources:
"Le 290e, un régiment de réserve du Berry" colonel Eggenspieler - Bourdier Paris 1932
Albums du 290e RI - collection de l'auteur.

 

27 mars 2015

Avril 1915, l'usure de la troupe

"Usure de la troupe. - Il y avait en moyenne quatre à cinq hommes mis hors de combat par jour, soit de quinze à vingt par période de tranchée de quatre jours. Il y avait le même nombre d'évacuations pour la même période. Le régiment perdait donc de trente à quarante hommes par semaine dans un secteur où il n'y avait plus d'attaque. On s'explique donc l'appel incessant des unités combattantes à leurs dépôts, et l'énormité de la circulation entre l'intérieur et le front, dans un sens comme dans l'autre. Dans les trois mois de séjour au Bois du Polygone, il est arrivé environ 1.200 hommes au régiment. Ces hommes provenaient de tous les dépôts de la 9ème Région, ce qui a modifié passablement la composition initiale, berrichonne du régiment."

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2 soldats du 290ème RI, secteur d'Ypres - Printemps 1915

"Les renforts arrivaient habillés et équipés de neuf. Ce sont eux qui ont amené les premières culottes de velours. Pour commencer, elles n'avaient pas de passe-poils, elles pouvaient donc être considérées comme des effets civils. On a craint que les Allemands, en faisant prisonniers des hommes portant des culottes civiles, ne les considérassent pas comme des combattants et les fusillent. Les Allemands après tout, étaient bien capables de chicanes de ce genre. On a alors vivement recommandé aux hommes de munir leur culotte de passe-poils avant d'entrer en ligne. Je ne me rappelle pas comment ils s'y sont pris pour exécuter ce travail. Je crois bien qu'ils n'ont rien fait du tout."

Sources:
Colonel Eggenspieler - Le 290e RI, un régiment de réserve du Berry
Collection photo de l'auteur.

8 mars 2015

Le moulin de Westhoek

Il y a bien longtemps que je n'avais pas relu le livre "Le 290e, un régiment de réserve du Berry" du colonel Eggenspieler. Ce témoignage fourmille de petites anecdotes qui permettent de compléter le froid JMO de l'unité.

A la veille de partir du front des Flandres, de quitter la Belgique, les 268 et 290e RI quittent la 17e Division pour rejoindre la 18ème. Ils ne quitteront le secteur qu'à la fin de ce mois de mars 1915. Le régiment ne sait pas alors qu'il sera tenu de revenir en urgence suite aux déclenchements des attaques aux gaz d'avril 1915 et ce dans le sinistre secteur de Lizerne - Het-Sas.

Le moulin à vent de Westhock
Près du P.C. de Westhock, il y avait un moulin à vent superbe. Les Allemands ne tiraient pas dessus. Ses ailes gigantesques devaient leur servir de repère.
Le commandement français, lui, pensait que ce moulin pouvait bien servir aux espions pour faire des signaux à l'ennemi, soit en faisant tourner les ailes, soit en faisant tourner le moulin lui-même. Tous les jours, je devais rendre compte si le moulin n'avait pas bougé. Si on avait cette crainte, il était bien facile de l'abattre.
Bref, ce moulin était devenu un point d'attraction pour toutes les corvées qui passaient dans les parages. Chaque groupe emportait quelques morceaux de bois. Le tronc du moulin fut à la longue tellement creusé, qu'un beau matin le moulin s'est effondré dans un fracas épouvantable. Je me précipitais hors du P.C. pour voir ce qui s'était passé. Mon beau moulin était à terre. Cette fois, il avait bien bougé. Mais, autre détail, aussitôt qu'il ne formait plus qu'une énorme masse de bois cassé, celle-ci fut couverte en un clin d’œil d'une nuée de soldats qui avaient surgi de tous les coins de l'horizon. En quelques minutes, il n'y avait plus d'autre bois que la grosse charpente, qui disparut à son tour les jours suivants.

J'ai rendu compte du sinistre.

CaptureBrielen
Des officiers du 290e RI au moulin de Brielen
(Moulin en bois typique de la région de Flandres)

Sources:
"Le 290e, un régiment de réserve du Berry" colonel Eggenspieler - Bourdier Paris 1932
Albums du 290e RI - collection de l'auteur.

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