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Indre 1914-1918 - Les 68, 90, 268 et 290e RI

29 juillet 2005

Les renforts

Renforts et nominations.
Pendant notre séjour à Wylder nous avons reçu des renforts s'élevant au total à environ 400 sous-officiers, caporaux et soldats.
Le Commandant de la Bastide et le Capitaine Prudhomme sont revenus au régiment pendant cette période. Moi-même, je suis revenu le 21 juin. Comme jeunes sous-lieutenants il est arrivé deux artilleurs (de Montardy et Humeau) qui ont fait d'excellents mitrailleurs.
Dans la même période les sergents Davaillaud et Bouchard ont été nommés sous-lieutenants. Le premier a pris les fonctions d'officier adjoint au Chef de corps pour lesquelles il était très qualifié. Il était un archiviste remarquable. De plus, pour les questions d'administration et de ravitaillement en matériel, il déployait une grande initiative. Il a été pour moi, jusqu'à la fin, un collaborateur précieux.
Le Sous-Lieutenant Bouchard, tout en continuant ses fonctions non officielles d’aumônier, prit celles de porte-drapeau. Il avait ainsi les loisirs nécessaires pour continuer à circuler dans les tranchées, pour exhorter et secourir les hommes dans les moments critiques. Je l'emmenais souvent avec moi dans mes visites au secteur. Quand il traînaillait derrière moi dans les tranchées. Je savais ce qu'il faisait. Il échangeait un mot avec les soldats, leur distribuait du tabac et des cigarettes. Il était très aimé de tout le monde. J'oubliais de dire qu'il remplissait également les fonctions de chef de popote".


Sources: Colonel Eggenspieler "Un régiment de réserve en Berry - Le 290e RI"

Concernant le sous-lieutenant Bouchard, on se reportera sur le fascicule "Les régiments de réserve du Berry - Les 16 et 17e DI au feu" De philippe Sauvagnac éditée par l"association Romain Guignard en 2004

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28 juillet 2005

Séjour à Wylder - repos jusqu'au 15 août

Depuis la mi-juin, le 290e RI est au repos, le colonel Eggenspieler en profite pour reconstituer les troupes.

"L'E.M. du régiment, la C.H.R., la C.M., et le 5e bataillon étaient logés à Wylder; le 6e Bataillon à Pont-de-Wylder et dans les fermes avoisinantes.
Nous allions enfin pouvoir jouir du long repos qu'on nous avait laissé entrevoir depuis le commencement du mois d'avril. Si nous avons été trop longtemps à la peine, nous allions cette fois être trop longtemps, au repos, du 28 mai au 16 août. Cette longue immobilité finissait par paraître suspecte à notre nouveau divisionnaire. Il se demandait si le commandement ne nous considérait pas comme des combattants de moindre valeur.
En attendant nous avons profité de notre long repos pour perfectionner l'instruction des cadres et de la troupe, et améliorer nos conditions de séjour.
Cantonnements.
Nous disposions de très bons locaux. On les mit dans le plus grand état de propreté. On les arrangea coquettement en bordant la paille de couchage, en disposant des chevalets pour les armes et en rangeant les paquetages le long des murs. Les hommes reprenaient ainsi des habitudes d'ordre et de discipline. Il y avait un accord parfait entre la troupe et les habitants. Quand le régiment est reparti pour de bon, il a dû y avoir plus d'un déchirement de cœur.
Mon P.C. était installé dans la maison d'un boucher sur la place qui entourait l'église. Les propriétaires étaient de très braves gens qui faisaient tout ce qu'ils pouvaient pour nous être agréables. Ils avaient une fille unique qui était une fort jolie femme dont le mari était mobilisé. La mère du mari s'inquiétait beaucoup de la longueur de la guerre. Chaque fois qu'elle me voyait, elle me demandait si elle allait encore durer longtemps. Si elle avait su qu'à ce moment elle n'en avait pas encore passé la moitié, elle eut été désespérée.
Une particularité qui m'a frappé dans ce pays c'est que tous les habitants parlaient flamand entre eux. A les entendre on ne se serait pas plus cru en France chez eux qu'en Alsace. Je dois dire à leur louange que tout en s'exprimant en flamand ils n'ont jamais eu l'idée de revendiquer l'autonomie pour leur province. J'espère que ce résidu de germanisme disparaîtra aussi un jour en Alsace".

Sources: Colonel Eggenspieler "Un régiment de réserve en Berry - Le 290e RI"

13 juillet 2005

Les embusqués

Petit retour en arrière, en juin 1915, lorsque Maurice Laurentin, officier au 268e RI pourfendait les embusqués. Pendant ce temps, le député Dalbiez préparait son projet de loi modifiant les conditions de mobilisations, surtout ayant pour but de traquer le dit embusqué.

La loi Dalbiez

27 juin 1915

"Dalbiez et autres députés, ne soyez pas trop durs pour l’embusqué honteux qui rase les murs et, tout piteux, se fait montrer d’un doigt moqueur par les commères !

Il y a bien d’autres masques à lever : l’embusqué brillant, galonné, décoré et bien payé des états-majors, qui tombe toutes les femmes et envoie deux mille hommes à la mort dans un terrain qu’il n’a même pas approché et qu’il ne connaît que par la carte, est autrement intolérable. Les embusqués de l’intendance et des services, tous ces épiciers inutilement vêtus de glorieux uniformes militaires, sont autrement encombrants et nuisibles.

Ils pullulent dans les zones de l’arrière, inutiles, insolents, pourris, vêtus de la gloire des autres ; ils pullulent à ce point que, tandis qu’il ne reste plus trois officiers de carrière par régiment, il y a, au moindre état-major de division, cinq, dix et même quinze de ces arrivistes arrivés, tous brevetés, qui ne verront jamais le feu et, après la guerre, feront les nouveaux règlements ! "

Sources : Carnets d’un fantassin de 1914 - Maurice Laurentin - Editions Arthaud 1965

4 juillet 2005

En attendant les vacances

Depuis quelques temps, mes interventions ce sont espacées. Mes activités annexes me prennent du temps. Je viens de finir deux excellents ouvrages que je recommande à tous:

"Vie des martyrs et autres récits des temps de Guerre" de Georges Duhamel editions Omnibus 2005
"Le paysan des Poilus" de Jean Luc Pamart éditions des Equateurs 2004

Le premier ouvrage écrit d'une superbe plume, nous conte la période de guerre d'un médecin dans les hopitaux militaires. Je n'en retiendrais qu'une seule phrase:

"Je n'ai certes pas vu ce qu'on appelle la guerre, mais l'envers, et l'enfer de la guerre. C'est un voyage assez réussi dans l'horreur, au pays de la mort".

Le second ouvrage aborde la relation d'un agriculteur (Jean Luc Pamart) avec sa terre, celle où se déroula une partie des combats de ce long conflit. Le récit est plaisant et lestement conté par celui qui est aussi le fondateur de l'association Soissonnais 14-18.
On y retrouve le récit d'un Passionné.

Toujours dans mes dépouillements, ma liste des "Morts pour la France" des unités du département avance petit à petit. Pour les quatres unités, 4750 noms ont été ainsi retrouvés. N'hésitez pas à consulter la liste disponible dans la colonne de droite.

19 juin 2005

Le général Carpentier

Avec cette blessure, le capitaine Carpentier quitte l'infanterie, terminant ainsi son "Cyrard au feu".
Voici donc le "CV" de celui qui deviendra ensuite Général d'Armée et Grand Croix de la Légion d'honneur

Né en 1895, saint-cyrien de la promotion « Croix du Drapeau », Marcel Carpentier est nommé sous-lieutenant en août 1914, après une seule année passée à l'école.
Il participe comme chef de section au 90e RI aux batailles des frontières et de la Marne. Plusieurs fois blessé légèrement, il est très gravement atteint le 16 juin 1915 à Neuville-Saint-Vaast. Il est promu capitaine moins d'un an après avoir été nommé sous-lieutenant. on désespère de le sauver, mais sa robuste constitution lui permet non seulement de survivre mais de reprendre bientôt du service dans l'aviation.
A la fin de la guerre il est titulaire de cinq citations, mais il aura subi dix blessures. Renvoyé à Saint-Cyr pour faire la deuxième armée, il est désigné comme instructeur : c'est là qu'il prépare licence en Droit et concours d'entrée à l'Ecole de guerre où il est admis en 1923 (45e promotion, 1923-1925).
En 1930 il est au Brésil, à la mission militaire française, où il reste jusqu'en 1935 ayant, entre temps, été promu commandant en 1933 après dix-huit années de capitaine. Le Brésil se souvient de lui, puisqu'il reçoit en 1974 le bâton de maréchal honoraire de l'armée brésilienne.
Dès son retour en France, il est affecté au Levant où il prend le commandement d'un bataillon de tirailleurs marocains, puis devient en 1937 chef du cabinet militaire et chef du 3e bureau du général Weygand. Nommé lieutenant-colonel en juin 1940, il rejoint, en février 1941, le général Weygand où de nouveau il est chef du 3e bureau, fonction qu'il conserve jusqu'en mai 1942 auprès du général juin.
Nommé colonel en juillet 1942, alors qu'il commande au Maroc, le 7e régiment de tirailleurs marocains, il est écarté des opérations au moment du débarquement allié en Afrique du Nord. Mais il retrouve son commandement pour emmener son régiment en Tunisie où, après la période difficile de janvier 1943, il a la profonde satisfaction de participer à la victoire finale en s'emparant du massif du Zaghouan.
Il reçoit les étoiles en juillet 1943, devient le chef d'état-major du corps expéditionnaire français en Italie. On sait combien a été efficace cette collaboration de deux hommes qui se complétaient admirablement : général juin - général Carpentier. On sait aussi en quelle estime le général juin tenait son chef d'état-major. Estime partagée par le général de Gaulle qui le désignera pour remplir les mêmes fonctions auprès du général de Lattre, commandant des forces françaises devant débarquer en France.
Après le succès de Toulon et Marseille, le général Carpentier, nommé divisionnaire, prend le commandement de la 2e division d'infanterie marocaine ; avec elle, il va faire preuve de savoir et montrer ses qualités de chef dynamique, ferme mais humain. Sachant admirablement faire agir infanterie et blindés mis à sa disposition, il perce à Héricourt le front allemand eu novembre 1944, faisant tomber Belfort. Plus tard, en mars 1945, il témoignera des mêmes qualités manœuvrières, au cours du franchissement du Rhin et de l'exploitation en Allemagne.
Général de corps d'armée six ans après avoir été promu lieutenant-colonel, il est en 1946 commandant supérieur des troupes françaises au Maroc. Le gouvernement fait appel à lui, après que d'autres ont refusé ce périlleux honneur, pour le commandement en chef des forces françaises en Extrême-Orient. Homme de devoir, le général Carpentier répond à l'appel, sachant bien les difficultés qu'il va rencontrer maintenant que l'armée communiste chinoise est aux frontières nord de l'Indochine. On ne manquera pas de lui imputer la responsabilité de revers dont les causes sont ailleurs. Cela sera d'ailleurs apprécié différemment par le haut commandement, puisque, après avoir été désigné, en février 1951, comme chef d'état-major adjoint des forces alliées en Europe, auprès d'Eisenhower, puis inspecteur de l'infanterie, il prend le commandement des forces terrestres alliées de Centre-Europe. Il est général d'armée.
Après cette carrière exemplaire où, devant les revers, il a toujours montré stoïcisme et sérénité d'âme, alors qu'il demeurait modeste dans le succès, le général Carpentier atteint la limite d'âge de son grade en mars 1956.
Le général d'armée Marcel Carpentier, grand-croix de la Légion d'honneur, est décédé à Mettray (Indre-et-Loire) le 14 septembre 1977.

Sources : CSEM - biographies des stagiaires de l'ESG

un portrait du Général Carpentier
sources: http://mapage.noos.fr/4edmm/

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16 juin 2005

11 heures, on attaque

Il y a tout juste 90 ans, le capitaine Carpentier nous raconte sa dernière attaque :

16 juin – Mon bataillon est deuxième vague d’assaut. La matinée est splendide. Nos batteries tonnent sans arrêt, inondant de projectiles les tranchées et défenses allemandes et le bois de la Folie, qui sur la crête, est un repaire de batteries allemandes. A notre droite, le 20e corps attaque sur Neuville et le Labyrinthe. A gauche, le 33e vers Souchez.
C’est pour 11 heures.
A 10h50, je fais préparer mes hommes.
Automatiquement et sans autres ordres, je dois à 11 heures aller remplacer en première ligne le bataillon qui vient de charger.

11 heures – La fusillade éclate. Le premier bataillon est parti. Au même instant, les Allemands déclenchent un tir de barrage terrible sur nos premières et deuxièmes lignes. Les 105 et  150 fusants et percutants arrivent par salves de quatre et six coups.
Je prends la tête de la compagnie et nous nous engageons dans le boyau qui conduit à la parallèle de départ.
Cent mètres à peine  à parcourir. Les obus éclatent de toutes parts. Par endroit, le boyau est obstrué. Nous avançons quand même. A chaque pas des cadavres qu’il faut enjamber. Des centaines d’éclats viennent se ficher en terre, devant nous.
Un obus rase ma tête et va éclater quelques mètres plus loin au milieu du boyau !! Une bousculade, des râles. Il m’a tué sept hommes dont un de mes bons sergents.
Nous arrivons enfin à la parallèle de départ.
Le colonel est là debout, sur la banquette, insouciant du danger, au milieu des balles et des obus. Jamais je n’ai vu un homme aussi maître de lui que le colonel Alquier.

Sources: Général Marcel carpentier "Un Cyrard au Feu" Berger Levrault 1964

15 juin 2005

C'est pour demain ...

Le 15 au soir, nous recevons l'ordre d'attaque.
C'est pour le lendemain.
A la nuit, nous allons occuper nos emplacements. Par le boyau dit du 156e, après avoir traversé la route de Béthune, nous arrivons face au carrefour des cinq-chemins, qui est notre objectif.

Sources: Général Marcel carpentier "Un Cyrard au Feu" Berger Levrault 1964

8 juin 2005

Quand l’abbaye de Fontgombault était un hopital belge

Non loin du Blanc, sur la Creuse, se trouve l’abbaye de Fontgombault, celle-ci fut fondée en 1091.
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En 1904, les lois anti-congréganistes obligent les moines Trappistes à partir.
En 1905, Louis Bonjean, avocat à la cours d'appel de Paris, rachète les batiments pour les sauver d'une nouvelle destruction.

fontgombault2
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Celui-ci, lieutenant au 119e RI, mourut le 29 octobre 1914. (voir sa fiche sur Mémoires des Hommes).

 

 

Pendant le conflit, les bâtiments sont aménagés en hôpital militaire pour les blessés de l'armée Belge.

Cet hôpital fut ouvert du 18/04/1915 au 12/12/1918. 6279 militaires belges furent accueillis. 

.

 

 

 

 

bonjeanlouis_fongombault_1914


n'hésitez pas a aller voir l'album photos (colonne de droite)

 

fontgombault

Sources: L.Melis "Contribution à l'histoire du service de santé de l'armée belge durant la guerre 14-18" Bruxelles 1932

Merci à Alex Labussiere et au Dr Loodts pour leurs aides et renseignements
Un site sur les services de santé Belges:
http://www.1914-1918.be/

 

2 juin 2005

16 juin 1915, l'attaque du 90e RI sur le carrefour des 5 chemins, à Neuville Saint Vaast

Depuis le début mai, le 90e RI est en secteur aux alentours de Loos, fosse Calonne, ouvrages des Cornuailles.
Après les attaques des 9 et 25 mai 1915, le colonel Alquier réunit tous ses officiers, vingt six manquent à l’appel !

Combien de soldats sont disparus eux aussi ?

Le capitaine Carpentier raconte ainsi :
"1er juin. Le bruit d’une attaque générale pour le 10 juin court encore.
Le régiment est réformé. On nomme de nouveaux cadres.
Nous cantonnons quelques jours à Savy-Berlette, puis revenons à Capelle-Fermont.
Cette fois-ci nous changeons de secteur et allons attaquer à gauche de Neuville Saint Vaast".

La marche vers le nouveau secteur pouvait commencer, mais la montée en ligne n'aura lieu que le 13 juin.

loos_brasserienorel1

 

 

Le 13 juin 1915, le capitaine Carpentier et sa compagnie se dirigent vers leur secteur.
Nous traversons Frévin, Capelle, Acq, Ecoivres ; passons au pied du Mont-Sain-Eloi, dont l’église élève ses deux tours démantelées, qui découpent sur le ciel leur silhouette de squelette. En bordure de la route des mortiers de 270 cachés dans un petit bois, dirigent vers le ciel leurs gueules menaçantes. Nous nous engageons dans le boyau d’Ecoivres. Ce secteur, celui de l’attaque du 9 mai, est particulièrement bouleversé. Le sol est retourné, coupé de boyaux, d’anciennes tranchées, de parallèles de départ. A chaque carrefour, un écriteau avec un nom. Voilà le boyau de la ferme, qui conduit à la ferme de Berthonval, qui sert maintenant de dépôt de matériel. Puis d’anciens emplacements de batterie. Nous traversons l’ancienne première ligne française, les parallèles du Maroc, d’Alger, de la Légion, d’où nos légionnaires s’élancèrent le 9 mai, à l’assaut des « ouvrages blancs ». Nous descendons dans le chemin creux entre deux talus de plusieurs mètres et où les Allemands s’étaient fordimablement retranchés.

 berthonval_ferme_resize

 Nous passons la journée en réserve, aux ouvrages blancs. J’occupe un ancien gourbi allemand.


A proximité des tranchées, cachés dans des hautes herbes, de nombreux allemands dessèchent au soleil.
A notre droite la Targette.
Devant nous, le village de Neuville Saint Vaast, n’est plus qu’un monceau de ruines sur lesquelles les artilleurs allemands s’acharnent sans cesse.

 targette_hameau_routearrasbethune1

 

 16 juin 1915 - secteur du carrefour des cinq chemins - Neuville Saint Vaast

  « Le premier bataillon vient de charger, me dit le colonel, et je ne sais au juste ce qui se passe. Quelques blessés ont reflué vers nos lignes et prétendent que notre première vague n’a pas pu atteindre la tranchée allemande. Je vais téléphoner à la brigade ; prenez ma place et observez ».

Je monte sur la banquette, regarde et ne vois rien. Devant moi, à 50 m, une levée de terre me bouche la vue. J’enjambe le parapet et en rampant je cherche à m’en approcher. Soudain un souffle formidable, un éclatement, un nuage de poussière et de poudre. Je suis cloué au sol. Je cherche à me déplacer, impossible, ma jambe droite est cassée, ma main droite pend lamentablement, ma main gauche est pleine de sang. Je respire difficilement (éclats d’obus dans le poumon). Le moindre mouvement m’arrache un cri. Attendre ! Quoi ? L’attaque a échoué. Alors ! Rien à espérer avant la nuit, si je suis encore ne vie, car balles et obus continuent à tomber autour de moi et il n’est que 11h30. Mon sang s’est coagulé, mais le chaud soleil de cette magnifique journée de juin me brûle et me met au supplice. J’ai pu me mettre sur le dos et de ma main gauche, au prix de quels efforts et de quelles souffrances, me débarrasser de mes courroies qui enserrent ma poitrine et dégrafer ma capote. Je sens la fièvre qui vient. J’ai soif, ma respiration est de plus en plus difficile. Le temps me semble long, et puis je pense aux malheureux blessés que j’ai entendus pendant cinq longues nuits appeler au secours entre les lignes après l’attaque du 9 mai et qui y sont morts. Pourra-t-on venir me chercher ? Je dois être à 40m à peu près de la tranchée française, à 100m de la tranchée allemande.
Le soleil baisse, la nuit commence à tomber et avec elle l’ardeur des combattants. Les deux artilleries ont diminué leur cadence.

Tout à coup, il me semble entendre un bruit. Je tends l’oreille. Pas de doute, quelqu’un s’approche en rampant. Il est près de moi. Je tourne la tête et je reconnais Nicaud, mon brave Nicaud, un ancien soldat de ma compagnie qui lorsque je l’avais fait désigner comme brancardier quelques mois auparavant, m’avais dit : « Mon lieutenant, où que vous soyez, même sur le parapet de la tranchée allemande, j’irai vous chercher ».

-          Vous êtes blessé, mon capitaine ?
-          Oui mon vieux et grièvement !
-          Vous ne pouvez pas vous appuyer sur moi ?
-          Non, rien à faire !
-          Je ne peux pas vous transporter, vous êtes trop lourd ! Attendez, soyez patient, je vais revenir avec un copain »
Et il repart.
Vingt minutes après, il était de retour avec un camarade. Mais impossible de me transporter. Les Allemands sont nerveux et les balles sifflent sans arrêt. Mes deux hommes firent glisser alors une toile de tente sous moi, m’attachèrent dedans et tirant et poussant me remorquèrent ainsi jusqu’à la tranchée. Au prix de quelles souffrances ! « Surtout ne criez pas, mon capitaine », m’avait recommandé Nicaud ! Là, je suis pansé par le docteur Chambon et mon calvaire recommence. Il fallait en effet m’emmener à l’arrière ! Impossible de passer avec un brancard dans les boyaux nivelés. On me transporta donc sur une chaise. Six kilomètres de boyau sur une chaise, au milieu des rafales d’obus. A chaque carrefour, ma jambe blessée s’accrochait au contrefort de la tranchée. J’étais très déprimé et les brancardiers n’en pouvaient plus quand nous arrivâmes à Mont Saint Eloi ! Là, une voiture à un cheval, aux ressorts rien moins qu’élastiques, me transporta par une route défoncée jusqu’à Acq. Puis à Aubigny. Et le le 21 juin, je débarquais à la gare de la Chapelle à Paris.

  Sources: Général Marcel carpentier "Un Cyrard au Feu" Berger Levrault 1964

 

 

27 mai 2005

Quinze grammes, Jean Arbousset, brancardier honoraire du 290e

Parfois aussi, les poètes montent en ligne, affronter la dure réalité, le 290e RI en croisa un, voici ce qu'en rapporte le colonelEggenspieler:

En faisant l'historique de notre séjour dans la Somme et dans l'Aisne, je dois une mention à un brave petit sapeur qui vivait près de nous et qui avait une affection toute particulière pour le régiment. On l'appelait « Quinze-Grammes » en raison de son petit corps menu et fluet. Quand la guerre éclata, il venait d'être reçu à Normale Supérieure. Il n'hésita pas, et s'engagea dans l'arme du Génie, il avait 19ans. Quand en 1916, dans la Somme, il fit connaissance avec le 290e, ilregretta d'être entré dans la sape. Il demanda à passer au régiment. Il était à ce moment aspirant. Inutile de dire que sa demande fut très mal accueillie par ses supérieurs qui n'avaient jamais vu un sapeur demander à passer dans l'infanterie. « Quinze-Grammes », de son vrai nom, Jean Arbousset, dut donc rester sapeur. Il demanda comme compensation d'être nommé soldat de 2e classe honoraire au 290e. Je lui accordai volontiers ce titre. Tout en trimant avec ses sapeurs au poste de secours du 290e dont il était aussi brancardier honoraire, « Quinze-Grammes » rimait avec ardeur jusque sous les obus. Il a composé d'innombrables poèmes de tous les genres. Il était patronné à l'intérieur par des hommes de lettres de grand renom. Je reproduis ci-après le texte du « Cheval mort » qu'il m'a dédié en reconnaissance de sa nomination à titre honoraire au 290e.
Arbousset était un grand ami du Docteur Dureuil-Chambardel qui avait des goûts très littéraires. Le docteur a consacré à son petit ami un article très sympathique dans le numéro du 15 novembre 1919 de la Gazette médicale du Centre.

Le Pauvre Arbousset fut tué le 9 juin 1918 à la tête de sa section à Saint-Maur dans l'Oise. C'était un jeune talent de plus qui disparaissait.

 

LE CHEVAL MORT
Au colonel Eggenspieler avec toute la respectueuse sympathie d'un sapeur qui aime le 290e.
ARBOUSSET, Mars 1917.

 

Dans la boue et dans le sang
sur la terre grise,
un vieux cheval agonise
et lance à chaque passant
l'appel désespéré d'un regard impuissant,
            d
ans la boue et dans le sang,
          sur la terre grise.


Il se raidit, mais aussi
par instants frissonne.
Comme des feuilles d'automne
au vol triste et imprécis
il pleut des souvenirs sur son cœur endurci.
           il se raidit, mais aussi
           par instants frissonne.

C'est le pays, l'ancien temps
et c'est la lumière,
les rêves sur la litière
chaude, et le hennissement
tout de joie et d'amour, des lointaines juments
           c'est le pays, l'ancien temps,
           et c'est la lumière

Le pauvre cheval est mort
dans sa mare rouge.
Voici. la nuit. Rien ne bouge
ainsi, quand fuit l'astre d'or
plus d'un soldat appelle et puis rêve et s'endort,
        comme le vieux cheval, mort
          dans sa mare rouge. 

 

QUINZE-GRAMMES.
Cimetière de Combles, novembre 1916.

La danse macabre

"Au milieu des plaines et sur les collines
En cravate bleue et rouge caraco,
très peu Pierrot
et très peu Colombine
la môme Coquelicot
et son amant le Bluet
-croupe ronde et corps fluet-
s’en vont danser de folles chaloupées
au rythme sourd d’étranges mélopées.

La plaine est un billard anglais
aux trous nombreux et uniformes,
tels des verres à vin énormes
qu’un obus aurait ciselés.

Et des soldats écartelés
aux soirs de grande attaque, y dorment…
Combien de têtes ont roulé
dans ces trous, coupes énormes ?

Au milieu des plaines et sur les collines,
En cravate bleue et rouge caraco,
très peu Pierrot
et très peu Colombine
la môme Coquelicot
et son amant le Bluet
-croupe ronde et corps fluet-
s’en vont danser de folles chaloupées
autour des trous et des têtes coupées."

 

Plaine de Vauquois, 1915.
Jean Arbousset
Sources: Le livre de Quinze Grammes Caporal, Jean Arbousset, Editions de l’Arbre, juillet 2002.



Sources: Eggenspieler "Un régiment de réserve en Berry - Le 290eRI" Bourdier 1932 

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